La rechka

Si nous avons finalement commémoré, un peu clandestinement, le vingtième anniversaire du 5 octobre, nous sommes restés muets sur un autre anniversaire : la Charte pour la paix avait bouclé ses trois ans le 29 septembre !

Et le pouvoir n’en a soufflé mot.

Etonnant, n’est-ce-pas ?

En fait, non.

Le 29 septembre ne se célèbre pas : c’est un anniversaire honteux !

Il rappelle au pouvoir algérien sa plus grande faillite stratégique.

Le référendum du 29 septembre est l’acte qui a failli emporter la République, l’acte légal par lequel a failli s’opérer la capitulation, la date de la renaissance de l’islamisme politique après quinze années de résistance, de larmes et de douleurs.

Il n’a pas effacé les cicatrices du passé.

Il n’a pas empêché le terrorisme de redoubler de sauvagerie.

Pire : il a placé l’Etat sous le chantage islamiste.

Et l’oblige à une interminable rechka.

***

Que s’est-il produit ? Un phénomène simple : la « spirale négative » qui existe dans tout pacte mafieux et qui entraîne vers la surenchère. Il n’y a pas de « juste milieu » dans un pacte mafieux : un clan doit l’emporter sur l’autre.

Et la Charte du 29 septembre 2005 n’est rien que cela : un pacte mafieux entre deux gangs. Traversé par des courants mafieux qui ne songent qu’à s’éterniser autour de la rente, le régime, obsédé par sa survie, et prêt à toutes les capitulations pour se maintenir à la tête du pays, tend la main à la seule force qui le menace, les groupes armés islamistes.

Le régime avait cru s’en sortir quitte avec l’histoire en scellant un contrat avec l’islamisme au nom d’un peuple qui ne lui avait rien demandé.

Mais le pacte a mal tourné.

En septembre 2005, le texte initial proposé au référendum avait certaines allures d’un armistice voté entre un vainqueur et un vaincu. C’était l’État qui signifiait aux islamistes l’octroi de leur liberté de mouvement en échange de l’abandon de toute ambition politique et de tout droit à l’expression.

Trois années plus tard, par un extraordinaire retournement de situation, ce sont les islamistes, en infiltrant lentement et insidieusement, à travers les brèches de la charte, qui ont conditionné la proclamation d’une possible trêve dans les combats par un retour en politique.

C’est ce qu’exigent les dirigeants de l’ex-FIS, promus miraculeusement au rang de protagonistes politiques par la politique pétainiste d’un régime trop faible, trop incohérent, trop vermoulu par la corruption, inapte à se hisser à la hauteur

de quinze années de résistance.

Ecoutons les dirigeants de l’ex-FIS.

« Oui, le champ sera rouvert aux enfants du Front dans le cadre d’un parti politique », révélait, en décembre, Ahmed Benaïcha, l’ancien émir de la branche armée du FIS, dans les colonnes du journal arabophone El Bilad.

***

Etrange ? Non. Comme dans les films sur la mafia, c’est toujours le clan qui a sollicité le pacte qui doit faire de nouvelles concessions.

Le principe est simple : acculer le régime à céder d’autres espaces de pouvoir à l’islamisme et lui faire comprendre que le terrorisme ne baissera pas d’intensité tant que ces espaces de pouvoir n’auront pas été récupérés par les dirigeants islamistes.

La « spirale négative » du référendum du 29 septembre a ainsi conduit Bouteflika à la « rechka », ces surenchères seigneuriales faites pour obtenir les faveurs de l’élue.

Séduire les islamistes, suppose savoir leur donner des garanties.

Bouteflika va les concurrencer dans leurs excès.

Il va ainsi accorder aux anciens du Front islamique du salut (FIS, dissous) et à ceux de l’Armée islamique du salut (AIS), le droit de revenir à la politique, une sorte de carte blanche pour créer un « nouveau FIS. »

Avec une ruse de diablotin, et comme pour rendre irréversible le pacte, Madani Mezrag le rend public le 16 août 2007, en conférence de presse, et annonce la création prochaine d’une nouvelle formation politique qui succéderait au FIS. « Des droits politiques et civils nous ont été accordés dans le cadre de l’amnistie, et notamment la participation aux élections, et ces droits inquiètent déjà certaines personnes influentes au pouvoir, qui cherchent à nous barrer la route. Nous concrétiserons ce projet s’il le faut sans l’approbation du ministre de l’Intérieur », ajoute-t-il, laissant entendre l’appui direct de Bouteflika.

Les choses sont même allées très loin : au printemps de l’année 2008, la « dynamique négative » du référendum du 29 septembre avait non seulement réussi à replacer les chefs intégristes mais aussi, et surtout, à faire du troisième mandat de Bouteflika l’affaire des islamistes..

Ahmed Benaïcha, l’ancien émir de la branche armée du FIS, dans les colonnes du journal arabophone El Bilad reconnaît l’existence d’un projet politique clairement défini : « Il y a en ce moment plusieurs initiatives pour donner corps à cette solution politique qui va faire l’objet d’un consensus entre les nationalistes et les islamistes. »

Cette solution politique, Benaïcha l’appelle « solution finale », celle qui solderait le contentieux de 1992 né de l’annulation des législatives remportées par les islamistes et de la dissolution du FIS. Elle prévoit une réhabilitation totale et publique du parti dissous et un progressif transfert de pouvoir. C’est dans la bouche de Benaïcha : « Les chefs des deux autres partis de l’alliance présidentielle, le RND et le MSP, ne s’empressent pas de soutenir Bouteflika pour un troisième mandat, parce qu’ils ont eu vent de «la solution finale» préconisée par le président et promise au chef de

l’AIS. Ils savent que le retour du FIS dissous sur la scène politique signifie la fin de leur légitimité en tant que représentants du peuple. »

Madani Mezrag prend le relais et annonce, toujours dans El

Bilad, qu’un congrès de l’ensemble des fractions du FIS est programmé spécialement pour septembre afin qu’il « coïncide avec les élections présidentielles de 2009. »

***

La « spirale négative » du référendum du 29 septembre a conduit Bouteflika à d’autres « rechka ».

Séduire les islamistes, suppose savoir leur donner des garanties.

Bouteflika va les concurrencer dans leurs excès.

Ainsi va-t-il de la Grande mosquée, une suroffre religieuse

supplémentaire, parmi celles que le chef de l’État s’obstine à proposer aux islamistes dans sa stratégie de pouvoir.

Admirable ouvrage de séduction, fabuleuse dot aux intégristes,

prodigieuse clé pour l’immortalité, la future Grande mosquée sera construite près d’Alger, dans le quartier d’El-Harrach où elle côtoiera avec bonheur la prison et les bidonvilles, et s’élèvera face à la mer, comme pour mieux contempler le désarroi des jeunes harragas fuyant leur patrie dans d’aléatoires embarcations.

Le mois même où il lançait le projet de la Grande mosquée, Kaiser Moulay décidait, comme précieux gage aux islamistes, de généraliser l’enseignement islamique dans les lycées et de rendre la matière obligatoire au baccalauréat dès la rentrée 2008.

Puis Bouteflika impulsera la chasse aux hérétiques, traquant tous ceux qu’on soupçonnait d’avoir des sentiments contraires à la foi musulmane.

***

Bien sûr, tout cela a été évité avec le limogeage de Belkhadem.

Deux jours après l'intronisation d'Ahmed Ouyahia, son parti, le Rassemblement national démocratique, réuni en congrès, se prononçait contre les négociations avec les islamistes, et pour « la lutte contre ces criminels, traîtres et mercenaires jusqu'à leur éradication totale ».

Dans sa première conférence de presse en tant que chef du gouvernement, Ouyahia annonce l'arrêt du marchandage avec les chefs intégristes.

Mais pourquoi est-on passé si près du désastre ?

Au point de vouloir l’oublier.

Et d’abolir l’anniversaire honteux.

M.B.

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Commentaires (9) | Réagir ?

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zizou

moi je conseille bouteflika de démissioner il est trés intélégent, visionnaire, nationaliste, c'est zinedine zidane de la politique, un homme raffiné, élégant, un savant quoi sans les ingrédiens de l'aboratoire, je veux dire une population venue de l'année ziro "occidentalisation sans modernisation" khlet " plus le parabole c'est pas la faute à bouteflika qu'on aimes pas nos femmes, qu'on dansent pas avec, "taghenente" monsieur bouteflika t'es degaule sans ce peuple civilisé qui sont les français moi je vous tire le chapeau de vouloir guider encore ce peuple pour le 3 mandat " moi je sais une chose un vrais commandant de bor ne démissionne pas bon courage " de la part d'un jeune d'un quartier populaire fils d'un moujahid qui n'as rien revandiquer à ce jours" entre les vrais la fréquance passe

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thirga

Le plan de 4/4 et de ses parrains orientaux a foiré un certain 11/9. A mon humble avis il devait feter la victoire avec ses poulains "les fous du diable", se venger des plumes qu'il avait rabaissé en bas des lames. Surtout éradiquer les éradicateurs avec pour juges supremes les deux larrons Abassi Madani et Cherif Messadia.

Une charte nationale de reconciliation oui mais avec une vraie justice. La charte de 4/4 relève d'un troc dont on ne connait ni la marchandise encore moins les bénéficaires. Les perdants: l'Algerie, les générations futures.

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