Le boulevard Kadhafi et l’impasse Bouteflika

« La Libye a changé, les Américains ont changé, le monde a changé »
Quelqu’un a dit cela juste avant le f’tour qui a réuni Moammar hier Kadhafi et Condoleezza Rice et qui, du coup, devient, plus que le repas des retrouvailles entre deux vieux ennemis, le repas de baptême d’une certaine Libye démocratique. Oh, bien sûr, tout cela est bien lointain, Khadafi règne encore en despote, le pays est toujours cadenassé, archaïque et fermé aux libertés. Mais la Libye se dégivre et quelque chose s’y passe qui ne se passe pas chez nous.
"La Libye a changé, les Américains ont changé, le monde a changé".
Celui qui a dit cela, c’est le ministre des Affaires étrangères libyen Abdel-Rahman Shalgam après sa rencontre avec Condoleeza Rice.
Et personne n’a songé à rire. Parce que c’est un peu vrai : la Libye est sans doute, aujourd’hui, le seul Etat du Maghreb à être potentiellement en mesure d’envisager une transition vers une société démocratique.
Tout cela, bien entendu, se fera après le départ de Kadhafi, mais la perspective est là qui n’existe pas chez nous : il y a un boulevard post-Kadhafi comme il y a une impasse Bouteflika.
L’élan libyen se mesure au boulet algérien : là-bas, une nouvelle génération de dirigeants – bien qu’issus de la famille régnante- a compris que l’intérêt du système est de se reproduire dans la modernité et de rompre avec le vieux pouvoir absolu ; ici, en Algérie, une ancienne coterie vieillie et usée ne songe qu’à se reconduire dans le vieux système du pouvoir absolu.
Ce qui me conduit à cette conclusion c’est cette soudaine et fracassante déclaration de Seif El Islam Kadhafi, le fils de son père qui renonce à succéder à son père pour se : consacrer désormais « au développement de la société civile et de l'économie en Libye » et qui va jusqu’à fustiger les Etat arabes (dont l’Algérie) qu’il décrit comme « une forêt de dictatures » sévissant au Proche-Orient et au Maghreb, raillant ses « Parlements imaginaires » et la manie des dirigeants de « piétiner la constitution pour se maintenir au pouvoir » !

J’ai longtemps réfléchi aux raisons qui pourraient conduire un rejeton promis au trône et à la puissance, à renoncer à « tawrith esoulta », l’héritage du pouvoir, dans les joumloukias arabes, nos dictatures où la présidence est à vie et où elle se transmet de père en fils !
Que visait-il ?
J’ai parcouru les explications d’un de ses proches, le journaliste Mahmoud Boussifi, rédacteur en chef des deux journaux de Seif El-Islam, Oya et Qurina. Il nous dit : « Seif est jeune et il espérait faire rapidement de grands pas mais il s'est heurté à cette bureaucratie à laquelle il ne s'attendait pas. »
Les arguments de Mahmoud Boussifi ne m’ont pas convaincu. Trop rationnelles.
Or, il y a une part de mystère et de stratégie cachée dans le choix de Seif et c’est cette part de mystère qu’il me fallait trouver.
Et ce mystère tient en une formule : les fausses républiques arabes, les joumloukias archaïques et sclérosées, n’ont plus d’avenir. Il leur faut se transformer en république islamiste ou en vraie république démocratique.
Les régimes en place doivent choisir : se perpétuer dans une république islamiste ou se perpétuer dans une république démocratique.
C’est le carrefour arabe !
Bouteflika, comme la plupart des dirigeants autocrates arabes ne répugnerait pas de se perpétuer dans une république islamiste si elle lui garantit le règne à vie.
Bouteflika sait qu’avec une république démocratique, il n’y a plus de place pour le pouvoir absolu, plus de place pour les tyrans pittoresques comme lui, en revanche, la République islamiste offre une exceptionnelle opportunité de se régénérer : elle n’est rien d’autre qu’une joumloukia à masque religieux. Bouteflika sait qu’avec une république démocratique, il n’y a plus de place pour le pouvoir absolu, plus de place pour les tyrans pittoresques comme lui, en revanche, la République islamiste offre une exceptionnelle opportunité de se régénérer : elle n’est rien d’autre qu’une joumloukia à masque religieux.
Seif El Islam Kadhafi, plus jeune, plus subtil et plus moderne, a compris que le monde a changé : on ne peut plus rien décider sans les sociétés arabes. Il veut toujours accéder au pouvoir, mais dans une « Lybie démocratique », adaptée à son époque, et avec une nouvelle « légitimité », sans rien devoir au passé, au « tawrith esoulta », à cet encombrant héritage du pouvoir dans les joumloukias arabes, où la présidence est à vie et où elle se transmet de père en fils !
Il sera chef « légitime » d’une Libye rénovée et non pas l’héritier d’un père putschiste !

Plus de place pour les tyrans pittoresques

Pour un vieil autocrate comme Bouteflika, l’option islamiste ne présente que des avantages. En plus d’être l’alternative idéale aux joumloukias essoufflées, elle fait contrepoids aux généraux, elle garantit l’asservissement de la population.
Pour un jeune ambitieux comme Seif El Islam Kadhafi, les choses sont tout autre : il sait que son peuple, tout comme la majorité des classes moyennes arabes, à l’écoute du monde et de l’Occident, ne rêve pas d’un mythique État islamique pur et dur, mais d’une démocratie qui respecte ses droits et libertés. L’alphabétisation a fait reculer l’ignorance, le niveau de vie a progressé, le statut de la femme a évolué, tout cela a radicalement modifié les données sociales !
Seif, lui, a compris l’influence des chaînes satellitaires arabes qui ont délié les langues et désacralisé les pouvoirs. Il a saisi que les sociétés arabes sont d’ores et déjà dans le débat démocratique. Et conclut que les dictatures arabes mènent une course perdue d’avance : les sociétés civiles s’organisent et se renforcent alors que le discours et les anciennes structures d’encadrement des joumloukia sombrent dans le ridicule et l’impuissance.
« Si le projet de République islamiste tire sa force du passé, celui de République démocratique tire la sienne de la force du présent », note Marzouki.
Bouteflika va préférer le passé au présent.
Seif El-Islam Kadhafi va préférer le présent au passé.
Bouteflika va encourager le tribalisme, en maniant l’intégrisme, dont il sait qu’il se nourrit d’un mythe fondateur puissant et qu’il s’enracine dans la structure familiale patriarcale. Il ne veut pas d’une société en éveil, il préfère une société soumise et liée au maître par les codes de l’allégeance.

Seif, lui, a appelé le 20 août à la « construction d'une "société civile forte" capable de participer à la prise de décision et à même de constituer une force de dissuasion à tout dérapage au sommet de l'Etat », expliquant que son projet de "contrat social" qui fera office de constitution, « protègera le pouvoir du peuple » et « organisera la vie de tous les Libyens »,
Bouteflika, 71 ans, Seif Al-Islam, 36 ans : chacun sa route dans le carrefour arabe.

M.B.

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Commentaires (25) | Réagir ?

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abdelkader

a monsieur miassa !

merci pour votre observation très au fait concernant les bienfait des nouveaux

moyens de communication et de votre analyse sur l'impact et l'hypothétique influence de celui sur la vie politique de notre pays entre autre sachez monsieur que premièrement

je suis algérien et fier de l'étres

et que surtout je n'insulte aucunement comme vous dite mes ancêtres ni mes compatriotes "arabe ou berbère" et pour une seule raison monsieur

je sait d'où je viens et je sait surtout dans quel environnement j'évolue contrairement a vous qui

prenais comme exemple l' archaïsme de l'arabie saoudite comme exemple eu qui connaisse

leurs mœurs et coutumes peut êtres que "le kabyle qui et toujours un terme arabe qui désigne la tribut" et moins archaïque

il n'y a qu'a voir le rôle de la femme dans la communauté kabyle par exemple très tenue et régime sec si je peut me permettre il vaux mieux pour elle avoir un mari universitaire et ouvert d'esprit pour évitée les problèmes et vous me parlée d'archaïsme? écouté chére monsieur on sort littéralement du sujet de cette article mais je vous serais

grée d'êtres un peut plus respectueux vis a vis de certains

internaute comme vous dite monsieur

qui pensée peut êtres avoir affaire a un arabe avec un nom comme le miens et en ce qui me concerne je

suis contre le racisme primaire et le séparatisme la kabylie et en algérie monsieur ne vous en déplaise !

au plaisir de ne pas vous connaitre!

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Miassa

J’ai lu le commentaire de Kaci posté le 6 septembre, je l’ai trouvé d’une grande lucidité. J’aime bien cette idée : ‘’Quant à Kadafi, c’est la tentative d’occuper outre le pouvoir même celui de l’opposition’’. C’est vrai c’est la mutation que l’on observe aujourd’hui au niveau des systèmes politiques anti-démocratiques dans le monde. Mutation presque totalement réussie en Algérie. La mondialisation notament de la technologie de l’information a renforcé les aspirations des sociétés civiles à vivre des rapports de modernité et mis dans une position inconfortable les régimes anti-démocratiques qui ont perdu l’aura qu’ils croyaient la leur, celle qui consistait à conduire vaillament les peuples primitifs qu’ils gouvernaient vers plus propérité et de bonheur. Ces régimes veulent continuer à imposer le mensonge et être reconnu comme étant des bienfaiteurs. Ils jalousent les hommes politiques occidentaux qui traitent avec eux comme on traite avec des bandits. Le seul moyen qui leur reste pour sauver la face et soigner leurs complexes c’est de fabriquer la démocratie. de la sorte ils auront privatisé le pouvoir et séquestré l’espoir démocratique de la société civile en occupant l’opposition. Ils auront finalement décompléxé les rapports de bandits qu’ils entretiennent avec les occidentaux. Quant au texte de Benchicou, effectivement on peut émettre un petit bemol quant à cette manie qu’ont certains inetellectuels Algériens de puiser dans un lexique totalment périmé. Même la dictature a été arabisée. Il reste aux citoyens de ces pays colonisés culturellement qui ne se sentent pas Arabes de redoubler d’efforts et de se battre jusqu’au dernier souffle pour l’avènement d’un système politique qui fera de l’homme et de la femme des êtres respectés qui pourront s’épanouir socialement et culturellement sans avoir à rougir de leurs origines ou de la couleur de leur peau. Il ne me viendra jamais à l’esprit de dénigrer ou d’insulter l’état Saoudien (un vrai état Arabe) qui est, tout le monde le reconnaît, l’état le plus archaique qui existe au 21 ème siécle. Mais quand on entend un Algérien, à l’exemple de l’internaute Abdelkader, insulter les ancêtres des Algériens que des Arabes sont venus alphabétiser, on mesure le travail qui reste à faire pour ceux qui veulent sauver cette vieille terre d’Algérie. Est-il utile de rappeler à ceux qui l’ignorent que le troisième livre le plus vendu de tous les temps a été écris par un ALGERIEN. Le premire livre le plus vendu de tous les temps est la Bible. le deuxième, le Coran. Le troisième, Confessions de Saint-Augustin.

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