Présidentielle en Tunisie : Moncef Marzouki est sorti avec les honneurs…

Moncef Marzouki aura marqué la Tunisie en acceptant la transition démocratique.
Moncef Marzouki aura marqué la Tunisie en acceptant la transition démocratique.

Une fois les résultats annoncés, Moncef Marzouki a félicité Beji Caid Essebci. Dans les annales du Maghreb et du monde arabe, c’est une première. Un fait qui mérite d’être relevé. D’autant que nombreux sont ceux qui s’attendaient à ce qu’il conteste les résultats et crie à la fraude. Disons-le, c’est sans précédent. Chapeau Monsieur Marzouki !

Par Hassane Zerrouky

Le 21 novembre à Hammam-Lif, j’ai assisté au dernier meeting de Moncef Marzouki lors du premier tour de l’élection présidentielle. Il y avait peu de monde dans la salle des sports de cette ville dont le club de football, à l’instar du Mouloudia d’Alger, a marqué le mouvement national tunisien et maghrébin. Dans cette salle pouvant contenir au maximum un millier de personnes, il a pris la parole sur une scène avec à ses côtés son épouse française et sa fille. Elles étaient là, quelque peu anxieuses. L’image se voulait forte, celle d’un homme voulant concilier la modernité et l’islam. Sans doute pour balayer cette autre image d’un homme soutenu par Ennahdha et les salafistes de Hizb Tahrir qui lui collait à la peau. Un moment, il m’a fait penser à Ait Ahmed et Mouloud Hamrouche réunis. A la fin du meeting, il n’a pas donné l’impression d’un probable vainqueur de l’élection présidentielle. Mais celle d’un homme – cela se lisait sur les visages de son épouse et de sa fille – en train de faire ses adieux. Et, pourtant, il a continué d’y croire. Six points le séparaient de Caid Essebci qu’il a eu le tort de traiter de candidat incarnant le retour de l’ancien régime, voire de jouer sur l’âge de son rival ! Moncef Marzouki n’est pas un islamiste. Mais il a payé son compagnonnage avec le rusé Rached Ghannouchi.

Médecin, fils d’un dirigeant du mouvement national tunisien, originaire du sud tunisien, Marzouki a été membre de la Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme. C’était unopposant résolu au régime de Ben Ali, et ayant parcouru ce pays, la Tunisie, je peux dire que dans ces années 2000, ceux qui s’opposaient à Ben Ali n’étaient pas très nombreux. Mais Marzouki – c’est mon point de vue – n’était pas fait pour diriger la Tunisie, voire faire de la politique. Une fois au pouvoir, par la grâce d’Ennahdha, majoritaire à l’Assemblée constituante, il a été désigné chef d’Etat de la Tunisie en transition vers la démocratie. Et à partir de cet instant, il a sans doute été otage d’une fonction à laquelle il n’était pas préparé et jouet d’un jeu politique qui le dépassait.

Son tort est d’avoir cru à une possible conciliation entre démocratie et islamisme. Son tort est de n’avoir pas entendu les appels de la société civile sur les risques qu’encourait la Tunisie. Son tort est d’avoir succombé au «charme discret» de Rached Ghanouchi, de ne pas s’être montré assez ferme envers les islamistes quand ses anciens camarades, opposés à Ben Ali, Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, ont été assassinés. Son tort est de n’avoir pas écouté ses anciens autres camarades de combat – je pense à Kamel Djendoubi – qui l’avaient mis en garde contre son compagnonnage avec Ennahdha, et qui se sont sentis trahis par ses prises de position. Son tort est de n’avoir pas rompu avec les qataris qui voyaient en lui une caution démocratique au projet d’islamisation de la société tunisienne. Son tort est d’avoir sous-estimé l’héritage moderniste de Bourguiba notamment en ce qui concerne le statut des femmes. Et sur ce plan, il s’est aliéné une majorité de tunisiennes.

Il n’empêche : Moncef Marzouki, qui n’a eu de cesse de déclarer que BCE ne pouvait remporter l’élection présidentielle que par la fraude, s’est ravisé en acceptant «sportivement» ( ce sont ses termes prononcés dimanche en soirée) le résultat des urnes alors que les franges islamistes les plus extrémistes attendaient qu’il crie à la fraude pour passer à l’action. Et de ce fait, l’homme qui a dirigé la Tunisie depuis la chute de Ben Ali, est sorti par la grande porte.

H.Z.

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Commentaires (3) | Réagir ?

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gtu gtu

merci pour les informations

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Rabah Mansour

Un grand bravo pour la petite Tunisie façonnée par Bourguiba. Le grand, l'immense bourguiba.

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