Les inutiles compromis d'Alger avec l'islamisme

Les inutiles compromis d'Alger avec l'islamisme

L'analyse de Renaud Girard, grand reporter au service étranger du Figaro.

Au cours de la semaine dernière, l'Algérie a été la victime de cinq attentats islamistes. Dimanche dernier, un double attentat, visant le chantier d'une entreprise française réparant un tunnel ferroviaire à l'est d'Alger, aux confins de la Kabylie, a fait plusieurs morts, dont un ingénieur français. Il serait exagéré de dire que le pays est revenu à la période noire de la guerre civile des années 1990, mais ces attentats répétés signalent un inquiétant affaiblissement de l'État.

Avec des méthodes encore beaucoup plus musclées que celles des paras de Massu de 1957, l'armée algérienne, quarante ans plus tard, a gagné sa guerre contre les rebelles islamistes. On attendait de l'Algérie officielle qu'elle profite de sa victoire militaire, qu'elle modernise sa société, qu'elle empêche définitivement le religieux de se mêler du politique, qu'elle améliore l'éducation laïque et obligatoire des enfants, qu'elle donne aux femmes un Code de la famille équitable, qu'elle construise un véritable État de droit, transparent car libéré du népotisme et de la corruption. Au lieu de cela, l'Algérie a essayé d'amadouer les islamistes, à coups d'amnisties, de compromis électoraux, de nominations gouvernementales, de concessions législatives ou réglementaires. Cette politique, initiée par le président Bouteflika, au pouvoir depuis 1999, a échoué. Toute concession est vécue par les islamistes comme un signe de faiblesse du régime, que les plus radicaux d'entre eux voudront aussitôt exploiter.

À quoi a servi la nomination, comme premier ministre, du « barbéfélène » Abdelaziz Belkhadem ? Parti historiquement laïc, le FLN a été infiltré depuis quinze ans par des « barbus », qui ne cachent pas leur admiration pour les Frères musulmans égyptiens.

Le 11 décembre 2007, une opération islamiste avait visé à la fois le siège de l'ONU et celui du Conseil constitutionnel. Tuant 41 personnes, l'opération lançait un message symbolique fort : le refus islamiste d'accorder toute légitimité à la loi faite par les hommes (et non par Dieu), qu'elle soit internationale ou nationale. Comment le gouvernement a-t-il réagi ? En fermant des bars à Bab-el-Oued et en harcelant les quelque quinze mille chrétiens que compte la nation.

Malgré l'incroyable richesse que lui procurent son gaz et son pétrole, l'Algérie est un pays devenu malade, à force de ne pas choisir. Veut-elle la loi des hommes ou la charia ? Le communisme des «industries industrialisantes» comme on disait au temps de Boumediene, ou une économie de marché fondée sur un État de droit ? Le pouvoir des militaires ou la démocratie des civils ?

En Algérie, la confusion des genres et l'opacité des institutions ont fini par paralyser la machine étatique et dissuader les investisseurs étrangers. Un exemple : le processus de privatisation du Crédit populaire d'Algérie, la première banque du pays, a été un moment suspendu. Personne n'a compris pourquoi et même par qui avait été prise la décision.

Les Algériens reprochent à tort à Renault d'avoir installé sa nouvelle usine de Logan à Tanger : l'administration marocaine a du répondant, alors que l'algérienne n'en a plus.

Le président Bouteflika est «fatigué», comme disent les diplomates. Mais personne ne sait s'il se représentera l'année prochaine pour un troisième mandat, s'il demandera une prolongation de deux ans ou s'il se retirera. Même la nature de sa maladie reste un mystère.

La manne énergétique permet d'attendre sur tout, sans prendre aucune décision stratégique. Remettre à demain ce que l'on pourrait très bien faire aujourd'hui, tel est le mot d'ordre du régime FLN fatigué. Dégoûtés, les jeunes instruits de la diaspora ne reviennent plus au pays.

Le paradoxe algérien est que sa jeunesse s'appauvrit alors que l'État ne cesse de s'enrichir, sans rien faire de son argent. Un hiatus explosif, que rêvent d'exploiter un jour les islamistes…

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Commentaires (26) | Réagir ?

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Asafu

"A win yugaden tidit i lehna swacu d tettas ? " = "Oh toi qui a peur de la guerre, sais-tu au moins comment la paix durable s'installe -t-elle ?" Nous sommes réduit à penser qu'une véritable guerre civile, c'est à dire des régions entières, comme la Kabylie le grand sud, la vallé du Mzab ou l'Oranie se verront contrôlées par des forces régionnales qui s'affronteront entre elles avant de se mettre autour d'une table et discuter sérieusement de l'avenir de ce pays sans l'interference de ce pouvoir qui perdure comme un cancer qui est là à creuser des sillons sur tout le corps sans lui porter un coup de grace et sans lui permettre d'évoluer vers un minimum d'espoir. Dans ces conditions les differentes factions du pouvoir qui s'affrontent aujourd'hui pour la répartition de la rente petrolière se verront noyées dans les differentes milices et tendance régionalistes tampis si le Maroc et autre malin voisin profite pour régler l'affaire du Sahara qui n'est pas la notre. Mais je doute que des réactions comme celle là passe sur le Matin.

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BABI

Les USA ne se suffisent pas du pretexte "Islamisme" pour decider a attaquer tel ou tel pays musulman! ils ont aussi la force. Nous nous plaisons a raconter à qui veut nous écouter que toutes les technologies viènnent d'une seule source; LE CORAN. Pendant que nous campons sur ces idées débiles et incensées les autres avancent. Quand la force était du coté des musulmans, la moitié du monde était bien sous leur controle. maintenant qu'ils sont faibles, en tout point vue, ils se rabattent sur le terrorisme et tuent leurs propres frères et noient leur ignorance dans les mythologies coraniques en les prenant pour des verités scientifiques. OUVREZ vos yeux et constatez que le monde appartient à ceux qui travaillent...

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