Troisième mandat : L’entracte du 8 avril

Ils n’en peuvent plus d’attendre et l’on sent la fébrilité gagner leurs rangs. Inquiets de voir les échéances se rapprocher tandis que leur projet piétine, les partisans de Bouteflika font le forcing pour que celui-ci (re)lance le processus de « révision » constitutionnelle promis. Bref, qu’il mette en route ladite opération et dévoile ses intentions ; enfin, qu’ils puissent déployer leur zèle courtisan en se jetant de nouveau dans la « campagne de soutien ». Une campagne du genre de celle dont nous avons eu un avant-goût l’automne dernier et qui s’est éteinte aussi soudainement qu’elle avait démarré : C’est qu’il leur faut faire vite, le temps presse − les élections présidentielles sont dans 12 mois. Au rythme et au vu de l’état d’avancement de leur programme, chaque jour qui passe hypothèque un peu plus les chances de mener à terme le coup de force contre la Constitution. Remarquez, leurs appréhensions sont justifiées : voilà 21 mois déjà, le 5 juillet 2006 exactement, devant les cadres de la Grande Muette au siège du ministère de la Défense, leur champion annonçait son intention de réviser la loi suprême qui l’empêche de briguer un nouveau mandat, mais depuis… rien. Ou si peu.

Il est grand temps de passer aux actes, se disent-ils. D’abord inciter leur homme autrefois si discoureur à divulguer ses desseins. Accélérer les événements, les provoquer, en répandant toutes sortes d’informations et d’annonces les unes plus invraisemblables que les autres. En politique comme au poker, le bluff fait parti du jeu. Le 8 avril, avaient-ils prédit, serait l’occasion d’une proclamation solennelle historique de la part du président de la République. Celui-ci devait nous surprendre en nous annonçant, entre autres choses, son retrait de la compétition. D’ailleurs, n’a-t-il pas annulé son déplacement au sommet de New Delhi pour être en Algérie ce jour-là ? La veille de ce séisme annoncé, la presse « publique » avait apporté sa contribution en tressant des tonnes de lauriers à l’intention du « grand-président-qui-a-restauré-le-prestige-du-pays ». Un panégyrique qui aurait pu faire pâlir de jalousie Kim Il Sung en son temps. Ç’en était nauséeux. Le lendemain soir, n’ayant rien à se mettre sous la dent : ni communiqué de conseil des ministres, ni déclaration commémorative, ni annonce de candidature, ni date de référendum, l’APS s’est résolue à se livrer à son exercice préféré : compiler la dithyrambique logorrhée qui s’était déversée dans les journaux du matin, resservir un digest de l’éloge du despote. Le résultat, une revue de presse recensant l’informe bouillie, était édifiant. Mais pas autant que le silence de médias qui s’étaient associés à ce matraquage. L’opération intox étant éventée, il ne s’est pas trouvé une seule gazette à battre sa coulpe devant ses lecteurs, ou à tout le moins, reconnaître avoir été abusée et les avoir à leur tour abusés. Sauf Liberté, particulièrement inspiré par le sujet, qui a osé ce formidable scoop : « Khalida Toumi soutient un troisième mandat pour Bouteflika ! », les plus chauds supporters du troisième mandat, d’habitude prolixes sur la question, ont observé un mutisme exemplaire. Il ne s’est trouvé pour remplir ce silence que les sanglots des familles de ces onze jeunes gens de Tiaret dont les vies, coincées entre la corruption et le chômage, se sont achevées au fond de la Méditerranée.

Selon toute évidence, la journée du 8 avril ne serait qu’un entracte, une simple pause dans le calendrier, obligée de surcroît. On ne sait trop par qui du reste. Car, enfin, pourquoi ce retard dans le programme, qui s’acharne à bloquer la révision constitutionnelle si chère à Bouteflika ? Bientôt, sans doute, la campagne reprendra droit de cité dansr les medias, on entendra de nouveau des « bruits courir » et la rumeur fleurir qui enfantera d’autres impostures. Nous verrons des ministres gesticuler devant les caméras, des syndicalistes haranguer leurs troupes, des chefs de parti se rallier.

Pendant ce temps-là, partant de Beni Saf, des plages de Sidi Salem ou de l’embouchure de la Seybouse, des brûleurs de frontières, fuyant un système en faillite qui les condamne à une non-vie, iront achèver leur voyage au fond de l’océan ou, pour les rescapés venus s’échouer sur les rives qu’ils cherchaient à fuir, derrière les barreaux. Oui, derrière les barreaux, puisque, selon M. Zerhouni, il est interdit de chercher à quitter l’enfer sans visa de voyage. Voilà une formalité que Ould Abbas aurait dû rappeler aux pauvres morts de Tiaret. Mais il est vrai qu’il ne pouvait pas faire campagne pour une « ou’hda thalitha’a » et compatir aux malheurs d’un peuple qui lui est étranger.

Ghania Hammadou

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Commentaires (7) | Réagir ?

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Wardi Omar

Salut.. un salut riche qui vous vient d'un pôvre. Ensuite je n'apprend rien en disant que le mechoui est toujours le meme ce qui change assez souvent ce sont ceux qui s'attableront autour. Pour le rest c'est le Popolo, les haragas les massakine les desemparés les desoeuvrés les mahgourines et j'en oublie..

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abdenour alliche

Madame, votre plume acérée mais néanmoins lucide prouve qu'il y a de l'espoir dans notre Algérie livrée aux vautours du pouvoir. car il s'agir bien de vautours qui chantent et dansent autour du gateau de la manne financière du pétrol. Maudit pétrol qui dans les pays arabes se transforme en poison des peuples et contribue à créer des dynasties et des régimes despotes sous le label de république.

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