Les enjeux de l’Algérie 2013/2020 où comment dépasser le statu quo

L'urgence est de dépasser cette économie basée exclusivement sur la rente pétrolière
L'urgence est de dépasser cette économie basée exclusivement sur la rente pétrolière

Le statu quo actuel est suicidaire pour le devenir du pays. Mais cela ne saurait durer à travers les dynamiques sociales et économiques inséparables des nouvelles mutations géostratégiques mondiales. Nous aurons dès lors deux scénarios : une voie régressive ou l’amélioration.

La société algérienne est appelée à connaître des recompositions sociales très importantes, différentes des anciennes alliances fondées sur le système monopoliste rentier de type populiste, qui a tissé des relations de clientèles verticales et horizontales, du sommet à la base, en passant par des créneaux intermédiaires. 

1.- Le fondement des politiques 1963/2013 se fonde sur la rente et le monopole

Cela explique que la dépense publique colossale, 500 milliards de dollars entre 2004/2013) ne sont pas proportionnelles aux impacts économiques et sociaux, avec une moyenne de taux de croissance de 3%, approchant le taux de croissance de la population active rendant mathématiquement impossible la baisse du taux de chômage alors qu’il aurait du être supérieur à 10% s’il y avait une bonne gestion et moins de corruption. Le taux de chômage réel que l’on abaisse officiellement par des emplois rentes temporaires dépasse en réalité 20% de la population active et 75% de la population perçoit une revenu mensuel net inférieur à 200 euros par mois et consacrant 75% de ce modeste revenu aux produits de première nécessité dont la hausse du taux d’inflation cumulée, selon les données officielles entre 2008 et 2013 a été supérieure à 20%. Paradoxe : un Etat riche plus de 200 milliards de dollars de réserves de change en mai 2013, dues essentiellement aux hydrocarbures représentant 98% des exportations, l’Algérie n’ayant pas d’économie fondée sur al création de la valeur après 50 années d’indépendance politique, mais une population de plus en plus pauvre expliquant les tensions sociales actuelles. Déjà en 1992, j’avais proposé une grille de lecture à savoir les liens dialectiques entre l’évolution de la rente pétrolière et gazière, le façonnement de la société algérienne en monopole politique, social et économique, et les différentes logiques de pouvoir. On est attentif l’évolution du cours des hydrocarbures ainsi que de l’évolution du cours du dollar.

Ainsi, les différentes politiques économiques ont popur fondement la rente : passage de la couche dominante monopolo-technocratique de 1963 à 1978, à la couche monopole bureaucratique de 1980 à 2013 avec deux variantes différentes : couche monopolo bureaucratique étatique de la période 1980 à 1999 et période 2000 à 2013 couche monopolo bureaucratique compradore. Le fondement est la rente, le monopole et un discours populiste, changement de forme et non de fond produit des différents rapports de forces. La crise, depuis 1986 avec la chute de la rente des hydrocarbures, a permis de mettre à nu cette logique de la fin de l’Etat- providence, dont l’aboutissement a été la cessation de paiement et le rééchelonnement en 1994. La révolte contre l’Etat propriétaire gestionnaire a traduit en fait son incapacité à continuer à entretenir, comme par le passé, de vastes couches improductives qui constituaient, par excellence, la base de ce pouvoir et a constitué le fondement de la crise politique entre 1988 et 1999. Renversement de tendance avec la remontée des cours du pétrole à partir de fin 2002 à mai 2013 avec le retour de l’Etat providence par la distribution de revenus sans contreparties productives. Accélération de cette redistribution surtout après l’avènement des révoltes dans les pays arabes avec pour but d’atténuer les tensions sociales, sans se préoccuper de l’efficacité économique, le but étant d’arriver aux élections présidentielles d’avril 2014 sans remous sociaux. Mais cette politique a produit des revers : tous les secteurs sociaux profitant de cette situation exigent des augmentations immédiates et les députés sans pudeur, en s’auto-votant en mai 2013 des primes de 100.000 dinars par mois (5 fois el SMIG) qui s’ajoutent au prêts sans intérêts , de bons nombre d’avantages, et au 300.000 dinars de salaires (soit au total 20 fois le SMIG), leur seule fonction étant de lever les mains, accélèrent cette tendance qui ne peut que conduire à terme à une hyperinflation et à une implosion sociale différée en cas de chute des recettes des hydrocarbures.

2.- Pour une transition démocratique

On ne peut séparer la dynamique économique de la dynamique sociale et des réformes politiques devant s’attaquer au fonctionnement de la société et non pondre constamment des lois en contradiction avec les pratiques politiques et sociales. Aussi, il me semble acquis que la démocratisation dans tous les domaines de la vie sociale, rompant avec les pratiques néfastes du passé, soit la seule voie de salut pour une Algérie prospère, dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux compte tenu de la métamorphose du monde. Mais que l’on s’entende bien, il y a solidarité entre la démocratie politique, sociale, culturelle et économique. On ne peut se targuer d’être un quart démocrate par exemple, en politique, mais pas en économie, au niveau social et culturel. La démocratie politique suppose la libre action des partis sur la base de respect des idées d’autrui, d’un programme clairement défini. La lutte doit se dérouler sur le plan des idées à mettre en œuvre en cas où l’opposition arrive au pouvoir. Et le pouvoir est le pouvoir et l’opposition est l’opposition. Sur le plan social, le syndicat unique est à jamais révolu. La pluralité syndicale, l’implication de la société civile, à travers leurs organisations économico-sociales, est le signe de la vitalité de toute société par la naissance de nouvelles organisations, nouvelles dynamiques, poussant les anciennes plus conservatrices par définition, au changement nécessaire. La démocratie culturelle implique la reconnaissance des spécificités culturelles, la refonte de l’ensemble du système socio-éducatif car l’homme, pensant et créateur, doit être le pivot de tout processus de développement s’adaptant au monde en mouvement. Je suis convaincu que le XXIème siècle sera culturel ou ne le sera pas, ce qui serait préjudiciable à l’ensemble de l’humanité. L’élément inter-culturalité est la base des échanges, par le combat, contre toute forme de racisme et de diktat de la pensée unique, signe le plus évident de décadence de toute société. La liberté des médias, à travers une concurrence loyale durant cette phase de transition en Algérie, doit être une préoccupation constante, ainsi qu’à un renouveau culturel pour véhiculer le nouveau mode de pensée. La démocratie économique n’est que la traduction de l’instauration de l’économie de marché concurrentielle à base de concertation sociale dans le cadre de l’interdépendance mondiale- projet de société économique qui a l’adhésion de majorité de la population qui aspire à un changement.

Il s’agit d’aller vers une économie de marché liant dynamique économique et dynamique sociale. Les axes à mener avec énergie comme condition de sortie de la crise, sous réserve de la mise en place des solidarités démocratiques analysées précédemment sont les suivants : la rationalisation des finances publiques supposant la refonte des missions de l’Etat, la réforme monétaire et surtout du secteur financier, la réforme de l’entreprise publique, le nécessaire développement du secteur privé, la dynamisation du secteur habitat, la politique de l’environnement, l’amélioration des données statistiques, la réforme du secteur agricole, et enfin point important, la mise en place d’un véritable marché du travail (mobilité et flexibilité) tout en protégeant les droits des travailleurs et surtout la mise en place du filet social (lutte contre la pauvreté et assistance sociale aux plus démunis. L’économie de marché véritable ne saurait se limiter à la sphère commerciale mais induit une croissance durable basée sur la production de richesses permanentes tenant compte du bouleversement technologique mondial et de la concurrence internationale, l’Etat régulateur étant le garant du contrat social. Cela doit se caractériser par la lutte contre tout monopole qu’il soit de type public ou privé. La concurrence doit s’effectuer loin de toute vision de modèle périmée, (d’économie autocentrée stalinienne) par l’entrée de l’Algérie dans le cadre de la division internationale du travail à travers la stratégie tripolaire (ALENA, APEC, Europe via Afrique dont la Méditerranée constitue un sous-segment dynamique) qui se dessine à l’horizon 2013-2020. Il y a nécessité de repenser le nouveau rôle de l’Etat Régulateur qui devrait s’adapter à la nouvelle économie mondialisée et aux règles universelles de l’économie de marché, pour se consacrer à sa mission d’encadrement macro-économique, macro- sociale, et investir dans certains segments en amont, dont la maturation est très lente.

3.- Dépasser le statu quo actuel qui menace le fondement de l’Etat algérien

Cette solidarité des démocraties – en fait de la démocratie, trouvera des oppositions des rentiers, dont le fonctionnement occulte a conduit à la crise multidimensionnelle que l’ensemble de la population vit dramatiquement. Ce qui explique certaines dénaturations des réformes irréversibles pour asseoir la véritable démocratie et adapter l’Algérie aux mutations mondiales pour un monde multipolaire. Il s’agit d’avoir une vision stratégique clairement affichée de passage d’une économie rentière à une économie basée sur le travail et la récompense de l’effort supposant de restaurer l’autorité de l’Etat selon une vision démocratique. Ces lignes directrices impliquent donc une synchronisation des tactiques pour optimaliser l’efficience économique et sociale, donc une stratégie clairement définie dans le temps évitant l’actuelle instabilité juridique qui décourage tout investisseur potentiel. Cette politique devra être menée par des hommes convaincus par les réformes et surtout leur moralité afin de susciter l’adhésion populaire car les ajustements sociaux à venir, souvent différés, seront douloureux. La transparence et le langage de la vérité s’imposent pour une adhésion de l’ensemble des citoyens à la philosophie générale des réformes, dont l’accélération est la seule voie pour l’amélioration des conditions de vie des plus défavorisés. Et c’est là, que l’on trouve le rôle fondamental de l’Etat : lutter contre les disparités régionales à travers une politique d’aménagement du territoire base de la décentralisation économique, de l’implication des acteurs locaux, une nouvelle politique de la ville afin d’éviter ces gigantismes sources de délinquance, de prostitution et cause de surcoût supporté par un transfert d’impôts, lutter contre l’exclusion, intégrer la sphère informelle qui draine plus de 40% de la masse monétaire en circulation et garantir la cohésion sociale par la conciliation des coûts sociaux et des coûts privés.

L’avenir de l’Algérie pose la problématique d’un véritable contrôle démocratique loin du juridisme. Et la facilité devant les problèmes est de se réfugier derrière des lois l’Algérie ayant les meilleures lois du monde mais rarement appliquées ou des aspects techniques qui en fait produisent du fait de la gouvernance mitigée et du pouvoir bureaucratique sclérosant, l’effet inverse, le blocage étant d’ordre systémique. Aussi, arrêtons de verser dans la sinistrose mais également de faire des bilans euphoriques. Analysons la réalité en disant la vérité rien que la vérité. L’avenir en ce XXIème siècle appartient aux pays qui ont un Etat de Droit et une bonne gouvernance supposant une moralité sans faille des gouvernants chargés de gérer la Cité. Or prenant en compte des performances de l’éducation, de la santé, de la qualité de vie, le dynamisme économique et l’environnement politique, le grand hebdomadaire financier américain Newsweek très influent dans les milieux d’affaires avec l’appui d’éminents experts internationaux dont le prix Nobel et professeur à Columbia University Joseph E. Stiglitz, McKinsey & Co, le directeur du Bureau Byron Auguste, le directeur fondateur de l’Institut de l’Université McGill pour la santé et la politique sociale et le professeur à l’université Geng Xiao, directeur de la Colombie-Global Centre Asie de l’Est ,dans une enquête fouillée, vient de classer fin 2010 l’Algérie à la 85ème position sur un échantillon de 100 pays. Ce rapport montre clairement un déphasage entre le discours officiel algérien et la réalité, considérant que l’Algérie risque à terme de se vider de ses cerveaux, de sa substance essentielle, un pays sans son élite étant considéré comme un corps qui se vide de son sang.

De ce fait, nous assistons ainsi en Algérie à la marginalisation du travail et de l’intelligence, à la bureaucratisation de la société qui bloque toute initiative créatrice, qui est dû au fait que la reproduction du système ne repose pas sur le travail mais sur la rente expliquant l’appel massif aux services étrangers et la généralisation de la corruption que si elle existe de par le monde prend en Algérie une proportion inquiétante qui menace le fondement de l’Etat algérien du fait de la faiblesse de contrepouvoirs et là on revient à la faiblesse de l’Etat de Droit et de la démocratie. Les expériences historiques montrent que la rente peut être une bénédiction bien utilisée mais gaspillée, elle constitue une malédiction anesthésiant la société. Pourtant, l’Algérie peut surmonter la crise multidimensionnelle passagère à laquelle elle est confrontée pour peu que les responsables soient animés par une profonde moralité, qu’ils évitent de regarder dans le rétroviseur, en réhabilitant l’entreprise et le savoir, en instaurant une véritable société démocratique conciliant son authenticité et l’ouverture sur la modernité et ce afin de réaliser la transition d’une économie de rente à une économie productive conciliant efficacité économique et équité qui ne sont pas antinomiques.

Dr Abderrahmane Mebtoul, expert International en management stratégique

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Commentaires (6) | Réagir ?

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adil ahmed

merci

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adil ahmed

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