Mokrane Aït Larbi réagit sur "la criminalisation de l'atteinte aux religions"

Mokrane Aït Larbi.
Mokrane Aït Larbi.

Mokrane Aït Larbi a écrit à Liberté une précision au sujet de sa déclaration : “Il faut criminaliser l’atteinte aux religions et aux prophètes”. Etant donné la passion qu’a suscitée cette déclaration après l'article que nous avons publié (*), nous reproduisons à nos lecteurs cette précision.

Une erreur (de bonne foi) de traduction, et le titre de l’article de Liberté (du 20 janvier 2015) ont donné lieu à des interprétations erronées de ma réaction suite à l’attentat sanglant contre Charlie Hebdo. Aussi, je tiens à préciser ma position.

Il n’a jamais été question, ni dans mon analyse ni encore moins dans mes convictions de “criminaliser le blasphème”, mais de pénaliser l’atteinte aux religions et aux prophètes ayant pour but de stigmatiser des communautés ou d’inciter à la haine raciale ou religieuse. Dans mon exposé, je me suis référé au Pacte international relatif aux droits civils et politiques dont j’ai cité 2 articles :
Art. 19 :
2- Toute personne a droit à la liberté d’expression ; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix.
3- L’exercice des libertés prévues au paragraphe 2 du présent article comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires :
a) au respect des droits ou de la réputation d’autrui ;
b) à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques.
Art. 20 : Tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence est interdit par la loi.
Partant de ces références juridiques, j’ai estimé qu’il était dans l’intérêt des pays musulmans qui se sentiraient stigmatisés par les caricatures de Charlie Hebdo, de réagir par les leviers du droit international et non par la violence contre les communautés non musulmanes, notamment les chrétiens et les juifs, et leurs lieux de culte. Car, cette violence ne fera qu’attiser la haine et ne manquera pas d’avoir des conséquences fâcheuses sur les musulmans vivant en Europe.
Si les musulmans affirment que “l’Islam n’a rien à voir avec le terrorisme”, quelle est donc la responsabilité de la religion chrétienne dans les caricatures de Charlie Hebdo qui justifierait les attaques contre les églises ? Ou du judaïsme dans les crimes d’Israël contre le peuple palestinien ?

La critique des religions, toutes les religions, est légitime et relève de la liberté d’expression. L’incitation à la haine contre ceux qui les pratiquent est une discrimination qui peut engendrer des violences et des conflits ; elle relève de la loi pénale. Les guerres de religion ont fait trop de victimes dans le passé ; celles qui s’annoncent risquent d’être encore plus sanglantes.
Face à ces menaces, le recours au droit international pour pénaliser — et non criminaliser — l’atteinte aux religions dont le but est de discriminer ceux qui les pratiquent, ou d’inciter à la haine raciale ou religieuse, est une piste à explorer. Si elle n’est ni exclusive ni même originale, elle a le mérite d’ouvrir le débat.

En Algérie, où “l’Islam est religion d’État”, l’usage de la religion à des fins politiques, aussi bien par le pouvoir que par les islamistes, a piégé toute évolution démocratique et a déjà engendré un fleuve de sang. La liberté de conscience, synonyme pour chaque citoyen de pratiquer la religion de son choix ou de n’en pratiquer aucune, peine à trouver sa place, même si elle est garantie par la Constitution. Ceux qui pratiquent un autre culte, notamment les convertis au christianisme, comme ceux qui revendiquent leur droit à l’athéisme sont réduits à la clandestinité, lorsqu’ils ne sont pas pourchassés par les forces de l’ordre et présentés devant les tribunaux.

Peut-on revendiquer le respect des droits des musulmans d’Europe lorsqu’on méprise ceux de ses compatriotes fidèles d’une “religion autre que musulmane” ? Peut-on tolérer, au nom de la liberté d’expression, que des appels au meurtre ciblent les “mauvais musulmans”, notamment des écrivains et des artistes en toute impunité ? Doit-on encore accepter les dossiers récurrents de journaux extrémistes qui stigmatisent des communautés, des régions, et des individus pour leurs convictions, leurs croyances ou leur couleur de peau, incitant ainsi à la haine et parfois à la violence ? Dans une société qui aspire à la démocratie, ce sont là autant de questions sensibles qui exigent un débat franc entre les forces politiques, la société civile et les citoyens, pour la recherche d’un consensus : le respect de chacun dans la singularité de toutes ses convictions. Première règle du vivre ensemble, c’est aussi la condition incontournable d’une paix civile durable. Nous en sommes, hélas, encore très loin.

Me Mokrane Aït Larbi

Précision parue dans l'édition de lundi du quotidien Liberté.

(*) Criminaliser le blasphème, est-ce bien raisonnable et moderne Me Aït Larbi ?

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Commentaires (21) | Réagir ?

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demm ahom

Si je comprends la position de Monsieur Mokrane Aït Larbi et quelques unes des réactions de lecteurs, je suis choqué par les termes utilisés par certains.

Les expressions utilisées démontrent, au minimun, une méconnaissance du fait religieux. Les mécréants sont bien évidemment des personnes qui "pensent" qu'ils sont le fruit du hasard et de l'évolution des espèces si chère à Darwin.

Le hasard étant leur "dieu", ils balancent donc des idées en vrac et "pensent" que l'évolution des mots (et des maux) va en faire une vérité aussi complexe que la plus simple des comparaisons : quelle est différence entre un corps vivant et un corps mort.

Lorsqu'ils comprendront, il sera trop tard et tant pis pour eux.

Pour en revenir au thème, je suis pour la pénalisation de l'atteinte aux religions, même celle de ceux qui n'en ont pas. Pour le reste, la défense de la religion n'impose pas d'utiliser la violence et la contrainte mais, au contraire la force de la conviction.

C'est un autre débat, loin de tout "régionalisme" car, même pour les "évolutionistes", il y a eu nécessairement le premier "hominidé" et de facto, il ne peut y avoir qu'une race, quelle que soient les couleurs des cheveux, des yeux ou de peau. Deux espèces ne pourraient avoir choisi le même type d'évolution.

Pourtant la génétique de toutes les espèces animales se ressemble, bizarre non pour un simple hasard.

PS : hasard est issu du mot arabe "Ez-zhar" - La Chance. Bonne chance donc à tous.

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Slimane Attabou

Une méconnaissance du fait religieux ? Je ne vois pas ce qu'il y a de compliqué dans la religion ou l'adoration. On se soumet et on dit Oui. C'est tout.

Par contre, associer les athées au Darwinisme dénote de votre part une grave méconnaissance de l'athéisme. L'athéisme, monsieur, ne nous dit pas comment le monde a été créé. Il nous dit seulement et simplement que le monde n'a pas été créé comme on veut nous le faire croire.

L'athée dit : je ne sais pas. Le religieux dit : je sais. On lui demande alors comment il a fait pour savoir et il répond : c'est ce qu'on dit depuis des siècles.

Où est l'humilité ? où est la prétention ? A vous de voir...

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demm ahom

Réponse à Slimane Attabou

Vous utilisez le mot "athée" alors que je ne l'ai pas fait. En ce qui concerne la religion, votre raccourci démontre tout simplement que vous croyez aux fables. Avant d'accepter une religion, un raisonnement intellectuel est nécessaire avant le cheminement spirituel pour être sûr de son choix. Ce n'est qu'une fois que notre convicton est faite qu'on peut et qu'on doit se soumettre à la volonté divine. Ne croyez pas que ça se fait automatiquement de façon héréditaire, si on n'a pas sa propre conviction on ne peut pas avoir la Foi, sinon ça ne serait que du fanatisme qui n'est en rien une croyance mais un aveuglement.

Si vous faites votre introspection, vous finirez par vous rendre à l'évidence. Je vous le dis en toute objectivité et je ne vois pas ce que viendrait faire l'humilité ou la prétention dans une prise de position en faveur de la pénalisation de l'atteinte aux religions. Pour finir, que vous le vouliez ou non, le darwinisme prône effectivement l'athéisme.

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Slimane Attabou

Très bien. C'est noté. Bonne journée Mr Demm Ahom.

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demm ahom

Merci à vous Mr Slimane Attabou.

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Aksil ilunisen

Me Ait larbi est atteint du syndrome de Stockhom........... Rien a faire! Je l'ai su lors de sa derniere apparition sur BRTV. Ses prochaines declarations risquent de faire plus de mal aux Democrates et sa "chere" Kabylie qu'il a deja oubliée!

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Adrim a son pluriel; Idrimen!

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