Pourquoi le ministre de l’Energie souffle-t-il le chaud et le froid ? (II)

L'Algérie multiplie les explorations de son sous-sol pour répondre aux faramineuses dépenses.
L'Algérie multiplie les explorations de son sous-sol pour répondre aux faramineuses dépenses.

Il faut souligner au départ que si l’on se réfère aux données du Centre National de l’Informatique et des Statistiques (CNIS) de la douane dans ses rapports de 2008 au trois premiers trimestres 2013, on se rendra compte que Sonatrach et à travers elle l’Algérie exporte en volume plus de gaz que de pétrole et cette tendance est confirmée par les investissements dont bénéficie cette branche en amont et en aval.

2- D’abord l’option gaz pour l’Algérie est effective

En dépit de l’erreur commise par le PDG de Sonatrach qui estime les réserves prouvées de gaz à 2 trillions de m3 alors qu’en réalité elles sont plus de deux fois cette quantité (2), l’Algérie ne pèse pas lourd sur l’échiquier international. En effet, trois pays, la Russie (35%), l’Iran (15%) et le Qatar (10%), totalisent à eux seuls 60% des réserves mondiales. Le continent asiatique où la croissance semble se maintenir est tout prêt du Qatar qui bradera son gaz pour ne pas laisser l’Algérie pénétrer ce marché et, ceci sans tenir compte du gaz de schiste de bonne qualité qui arrive au Japon et bientôt le charbon de l’Australie en Chine, pays très peu soucieux de l’environnement. La Russie a déjà investi dans les conduites North Stream et le South Stream, totalement opérationnels à partir de 2015. Son retard sur de nombreux projet comme le Galsi (3) rétréci son champs d’intervention et l’étrangle face à ses contraintes internes.

3- Situation du marché traditionnel de l’Algérie

Le marché gazier européen est en déprime et le sommet des 27 le 22 mai dernier a mis en exergue les contraintes qui retarde une politique commune de l’énergie entre autres l’exploitation et le développement du gaz de schiste. Bien qu’ils se soient engagés à donner plus de poids dans leur bouquet énergétique aux énergies renouvelables d’ici 2020, des pressions politiques poussent à limiter les coûts notamment de l’énergie éolienne et du charbon. Revenir à redémarrer les centrales à charbon pour produire de l’électricité reviendrait à obliger le consommateur de payer plus chère sa facture de l’électricité ce qui enflammerait le climat social. En effet, la production d’un Mégawatt/h d’électricité dans une centrale à gaz dégage 0,38t de CO2 contre 0,99t dans une centrale à charbon. Si l’on estime (4) un prix d’émission de 25 euros/t, on s’approchera à 15 euros le Mégawatt/heure qu’il faudra ajouter dans la facture du citoyen européen. Connaissant les difficultés de l’hivers dernier, est-ce qu’il pourra la supporter ? Donc la bonne nouvelle pour l’Algérie c’est que le gaz continue d’avoir un avenir en Europe dont de nombreux membres sont sceptiques au gaz russe malgré les investissements consentis. C’est pour cela qu’il faudrait s’accrocher pour aboutir à un accord long terme avec la communauté européenne quitte à faire des concession sur le prix. 

4- Y auraient-ils des alternatives face à une telle situation ?

Sans rentrer dans les détails et en se limitant uniquement aux documents officiels fournis par le gouvernement en place, on peut déduire que pratiquement tous les secteurs de l’économie nationale sont demandeurs en perspective de capitaux sans aucun espoir de retour sur investissement ni sur le court ni sur le moyen et encore moins sur le long terme. Le secteur de bâtiment veut arriver à un million de logements, celui de l’éducation au sens large du terme doit faire face aux 900 000 Algériens qui viennent chaque année (5), le secteur industriel englouti annuellement des sommes considérables sans pouvoir se relever de sa chute, le tourisme s’effrite, plus de 200 000 demandes d’emploi de diplômés s’ajoutent à la liste des chômeurs chaque année, le secteur privé fait pression pour avoir accès à la manne financière alors que l’ONS dans son évaluation relève que sur 957 718 entités recensées près de 90% sont versées soit dans le commerce, soit dans les services d’utilité discutable, etc. Donc en résumé, on constate que même dans des perspectives à long terme, le poids est mis sur les hydrocarbures pour mettre à la disposition du secteur des fonds nécessaires pour les besoins divers et s’autofinancer pour augmenter les réserves en hydrocarbures, voire même d’autres sources d’énergie.

Seules les orientations du ministère de l’Energie et des Mines semblent "si elles se réalisent" porteuses de fruits. Il s’agit d’abord d’introduire d’autres formes de production d’électricité que celle produite par le gaz. Pour rappel, 96% de l’électricité est produit à partir du gaz en Algérie. Sur le moyen terme, poursuivre les efforts d’efficacité énergétique pour limiter le gaspillage et arriver à une certaine vérité des prix pour une certaine catégorie de consommateurs. Ensuite intensifier les efforts d’investissement pour valoriser les réserves des ressources fossiles, s’attaquer en troisième phase aux .énergies renouvelables enfin et aux alentours de 2025, construire carrément une centrale nucléaire. Malheureusement tous ces programmes demandent du temps que tous les acteurs concernés semblent perdre dans débats stériles.

5- Conclusion

Il faut souligner que les Etats-Unis qui ont chamboulé le marché gazier par son shale gas a toujours pour habitude de rechercher un vecteur de croissance par des bulles. Cela a commencé par Internet, puis l’immobilier et voilà maintenant le gaz de schiste. Donc cette analyse de l’Agence Internationale de l’Energie et le département de l’énergie américain selon laquelle ce pays pourrait passer au stade d’exportateur d’ici moins d’une décennie s’est avérée un coup de bluff. Cet ogre de l’énergie ne peut se rassasier ni sur le court ni sur le long terme et de nombreux experts américains prédisent la fin de ce boom de schiste en moins de temps que prévu. Les marchés des produits pétroliers sont nerveux de nature C’est la raison pour laquelle ils ont réagit à la baisse avec cette propagande de l’autosuffisance américaine. Mais de nombreux pays européens et asiatiques tentent de s’adapter momentanément à ces nouvelles donnes du marché sans grande conviction. Si la Chine a profité de l’abondance du charbon pour redémarrer un maximum de centrales c’est parce qu’elle n’a pas de pression citoyenne sur l’écologie. Les groupes écologiques en Europe ne permettent pas de devenir un dépotoir américain et australien. Dans leur stratégie énergétique 2020, ils favorisent un approvisionnement de proximité sans une grande dépendance envers la Russie. Il reste donc aux Algériens de profiter de ces atouts pour les intégrer dans une stratégie globale envers les pays de la rive méditerranéenne. Pour cela il faut absolument oublier cette habitude de vendre ce qu’on produit mais opter pour produire ce qu’on vend. C'est-à-dire que le travail commence en aval mais pas en amont. Il est impératif de combiner la diplomatie et le commercial pour se rapprocher des pays européens pour une prospection sérieuse du marché. La crise et la situation actuelle du marché gazier telle qu’elle est décrite plus haut, obligent les cadres de sonatrach de sortir de leur bureau pour rechercher des débouchés comme font les autres pays.

Rabah Reghis, consultant et économiste pétrolier

Renvois

(2) PDG de Sonatrach le 24 févier 2012

(3) Gazoduc qui devait ramener le gaz jusqu’à l’Italie via la Sardaigne bloqué pour plusieurs raisons dont celles écologiques propres aux Italiens eux même.

(4) Règlements européens.

(5) Taux de natalité estimé à 2,4% voir site de l’ONS

Lire ici la première partie : Pourquoi le ministre de l’Energie souffle-t-il le chaud et le froid ? (I)

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Commentaires (2) | Réagir ?

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adil ahmed

merci

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Massinissa Umerri

Tanmirt a Ravah...

J'ai remarque' ceci: "... C’est pour cela qu’il faudrait s’accrocher pour aboutir à un accord long terme avec la communauté européenne quitte à faire des concession sur le prix. ... "

Je reguarderais la chose autrement: Reduire la production et subjuguer l'exportation a un tarif supplementaire, de telle sorte a rendre l'usage de ces matieres quasi-impossible en Europe. Pas dans un esprit de mechancete' du tout, mais pour renverser l'immigration, celle des personnes et des appareils productifs, puisqu'il est plus couteux sur tous les points de vue de produire au nord qu'au sud.

Ca resoudrait plus d'un probleme, incluant les fleaux sociaux, du genre la xenophobie europeenne et au sud, ca renverserait le equilibres entre conservateurs et modernistes, pour guarder un language tiede. Cela est conditionne' par le climat politique sur la rive sud, dont la rive nord est aussi sinon plus responsable.

Cette solution maniere de reguarder les choses n'est pas nouvelle biensur, et se retrouve sans cesse confronte'e a ce detail qu'est le 49/51. y a-t-il une autre facon de faire pour contourner cette situation? A mon avis oui. A travers la license. c. a. d. que les societe's de la rive nord, doivent sous-licensier la production a des societe's du sud. Pour que cela soit possible, beaucoup de domaines au sud doivent etre sanatise's, c. a. d. la reciprocite' dans tous les domaines, allant de l'appareil justiciaire, jusqu'a la possibilite' d'un Europeen d'envoyer sa fille a l'ecole sans peur de ne plus la revoir, ou d'aller a l'eglise dimanche ou la synagogue samedi, sans se faire egorger, etc. etc. etc.

Par ou commencer? Guarantir ces possibilite's projette'es aux Europeens, au Algeriens sur place pour commencer, ou instituer la diversite' a commencer l'Algerienne...