Partage de la rente pétrolière et Etat de droit : quel processus ? (III)

Le pouvoir ayant fermé les lieux de débats, les jeunes n'ont plus pour cadre d'expression que la rue.
Le pouvoir ayant fermé les lieux de débats, les jeunes n'ont plus pour cadre d'expression que la rue.

Sans entrer dans le détail des chiffres qui sont vérifiables, on peut considérer que la sociologie de la société algérienne a beaucoup changé, dans une tendance générale, relativement positive, et c’est ce qui explique, à mon avis, cette exigence à une forte démocratisation de la société et à une transformation moderne (dans le sens universel) des principales institutions de l’Etat.

Ainsi, les principaux paramètres de la société ont évolué positivement : avec une population de 41,3 millions d’habitants, l’espérance vie à la naissance est de 77 ans auprès des hommes et de 78 ans pour les femmes, le nombre d’étudiants universitaires dépasse 1,5 million (même si c’est quantitatif), le développement des infrastructures, le recul de l’analphabétisme (qui reste relativement important et tourne autour de 15 %), l’introduction relativement importante des nouvelles technologies etc. Malgré cette évolution relativement, positive, et au-delà des conséquences négatives de la crise économique, le fonctionnement bureaucratique des institutions de l’Etat (des partis-Etat, FLN-RND), des élections pas crédibles du tout, les espaces démocratiques limités, les milliers d’infrastructures culturelles, construites par l’argent public, faiblement mise à la disposition des citoyens, pour l’animation, la sensibilisation ou la formation, etc., représentent le principal blocage. Toutes les exigences d’une amélioration significative du secteur public industriel ou de service (santé, justice ou éducation), les indicateurs sont là pour le démontrer, restent vaines, malgré certaines mesures ou dispositions (en général, bureaucratiques).

L’affaiblissement de la classe ouvrière a été la conséquence, tout d’abord, des contrecoups, du recul du secteur industriel (de 25% des années 1970 à 6,3% en 2014 (hors hydrocarbures), de la bureaucratisation de l’UGTA, des entreprises sans soutien de l’état ou des programmes de relance non exécutés (SNVI, Sider El Hadjar etc.), des unités sans matières premières etc. En général, ce ne sont pas des contraintes économiques mais les retombées d’une stratégie réfléchie, visant la privatisation du secteur public industriel, dans une perspective, néolibérale. Le débat sur la prise de conscience de la classe ouvrière et de la construction de son parti historique, méritent une réflexion à part. L’expérience du PAGS, son apport reconnu et le rôle joué dans la mobilisation de la société et dans l’édification du pays ainsi que sa démarche d’"unité dans l’action", restent un repère pour tous les patriotes et militants de gauche. Si sa reproduction mécanique, dans le contexte d’aujourd’hui, parait difficile, il reste qu’il y a une place nécessaire, irremplaçable, dans le monde du travail et la société, d’un grand parti des travailleurs qui regrouperait tous les militants et intellectuels de gauche, en définissant une stratégie politique, impliquant les militants et militantes dans les luttes sociales et politiques.

Les "institutions" en place, leur fonctionnement, le style de management et de prise de décision, le rapport avec les compétences et le mode d’évaluation réel instauré, restent dominés par les valeurs de "l’Etat despotique" qui a atteint toutes ses limites, en fonctionnant, en dehors des règles et valeurs de l’Etat de droit. C’est un fonctionnement despotique, à l’oriental avec, souvent, des valeurs de la féodalité. La preuve, on le constate, chez les cadres, à différents niveaux de l’Etat, du fait qu’ils ne sont ni encouragés ni aidés dans leur activité professionnelle…Il y a plus de 100.000 cadres diplômés au Canada et encore en France, en Europe, aux USA, dans les pays pétroliers arabes etc. C’est précisément, ce "système d’Etat" qui dévalorise ces cadres, ces managers qui ne permet pas de valoriser tout le travail qui est réalisé par ces milliers de cadres anonymes qui travaillent, quotidiennement, dans l’enseignent, la recherche, les entreprises, les urgences hospitalières, dans le sud du pays, dans l’armée et les services de sécurité etc. Alors que cette armée de cadres et ces réseaux de compétences, constituent le principal atout de l’Algérie. C’est donc tout le problème du facteur politique dans la solution de la crise et la refondation de l’Etat dans un caractère républicain, pas en théorie ou dans les discours, mais en pratique.

Sous l’angle de cette approche, la signification des résultats des dernières élections législatives du 04 mai 2017, est un signal d’alerte : une configuration artificielle et un net rétrécissement de la base sociale du pouvoir, alors que le pays, son économie, en crise, et ses institutions ont besoin d’une grande bouffée d’oxygène de vie démocratique et d’élargissement de la base sociale de l’état ainsi qu’une mobilisation effective de la société, avec ses compétences, ses énergies et tout son potentiel scientifique et citoyen, au profit d’une économie productive et d’une réhabilitation des institutions de l’état.

C’est ce qui explique et justifie que la démocratisation de la société passe, inévitablement, par une reconversion de l’organisation du DRS (dans la cadre d’un Etat civil et de droit), une redéfinition de ses missions et la dissolution de la police politique. Les récents réaménagements opérés, dans un grand retentissement médiatique, n’ont guère servi qu’à mettre le DRS au service du clan présidentiel. Dans la même logique, si l’Algérie veut s’inscrire dans un régime démocratique, elle devrait revoir la loi sur les associations et opter pour le système déclaratif. Ces nouvelles dispositions ne peuvent que redéployer et renforcer la mobilisation de la société, des cadres, de la jeunesse et édifier, démocratiquement, le Front interne, dont on parle tant (si on se réfère aussi à l’appel de l’ANP sur la mise en place d’un front intérieur), qui soutient et renforce la lutte anti-terroriste et contre le crime organisé, et participe, dans l’enthousiasme, à la réalisation des différents chantiers du pays. Dans un récent sondage, assez significatif, réalisé par l’association RAJ (juin 2017), il ressort que "la dépolitisation de la société s’accentue. Les jeunes, plus importante frange de la population, restent en marge de la vie politique du pays". Et que "seulement 1% des jeunes disent être adhérents d’un parti politique et 3% affirment avoir participé à une activité d’un parti".

Dans cette perspective, le statut de la femme mérite une attention particulière, en général, vivant socialement, dans une position inconciliable, entre un statut constitutionnel citoyen (au travail, dans ses relations avec l’administration), et une marginalisation dans l’espace public. Le code de la famille, maintient une conception inégalitaire et des valeurs sociales et idéologiques (reproduites négativement dans la société) qui relèvent de la société féodale. Dans ce cadre, le principe universel de promotion de la femme repose sur la participation citoyenne et une prise de conscience, forgée à l’école (initiation), dans le milieu associatif, la pratique sportive et culturelle et le travail militant. Dans l’Algérie du despotisme, la promotion de la femme, par exemple, dans les assembles élues, se réalise par la voie bureaucratique, à coup de décret !

(A suivre)

Mustapha Ghobrini, universitaire

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Commentaires (9) | Réagir ?

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algerie

merci

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algerie

merci

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