Henri Pouillot, témoin anti-colonialiste : "Pour tourner la page, il faut d’abord officiellement reconnaître les crimes coloniaux "

Henri Pouillot, témoin anti-colonialiste : "Pour tourner la page, il faut d’abord officiellement reconnaître les crimes coloniaux "

Henri Pouillot, militant anti -raciste et anti-colonialiste, auteur de du livre "La Villa Susini" dénonçant la pratique de la torture à Alger par l’armée coloniale, a déclaré samedi, en marge de la marche qui a regroupé plusieurs centaines de personnes défilant contre "l’apologie du colonialisme", au centre de Paris, dans le cadre de la Semaine anticoloniale, que "la page dramatique de la colonisation française ne sera définitivement tournée que lorsque ses crimes seront officiellement reconnus". M. Pouillot, ingénieur de formation, témoin de juin 1961 à mars 1962 des tortures pratiquées en Algérie par l’armée française, a a déploré le fait que " depuis 2002, le gouvernement français veuille faire-valoir les bienfaits du colonialisme". Cette "résurgence de l'apologie du colonialisme" s’est exprimé sous plusieurs formes, a-t-il rappelé, citant la Cité nationale française de l’histoire de l'immigration inaugurée en octobre 2007 dans l’ancienne enceinte qui accueillit l’exposition coloniale en 1931, le Musée de la "présence française en Algérie" à Perpignan avec le "Mur des disparus" dédié notamment aux criminels de l’organisation terroriste OAS, la stèle à Marignane relevant de la même idéologie nostalgique de la période coloniale et la loi jugée "scélérate" du 23 février 2005.

Cette loi est "un texte législatif idéologique d’apologie du colonialisme", a-t-il souligné qui, malgré le déclassement de son article 4, suite à un vaste mouvement de contestations, doit être "totalement abrogée" car, par exemple, son article 13 indemnise les criminels de l’OAS. "Aujourd’hui, il y a des choses qui avancent pour que l’opinion publique prenne conscience des réalités du colonialisme", a-t-il toutefois relevé, soulignant que "le combat continue" contre notamment "la manipulation des mémoires à des fins électorales".

Sur ce point, il a cité le cas de la proposition du président français, Nicolas Sarkozy, d’initier chaque élève de la fin du primaire (CM2) à la mémoire des enfants de confession juive victimes du nazisme. Selon M. Pouillot, "cette proposition est irresponsable", génératrice de "division de la société française" car discriminant, entre autres impacts négatifs sur les sensibilités des écoliers, la mémoire des enfants de tous les peuples martyrisés par la colonisation.

M. Pouillot, membre du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP), a rappelé avoir proposé, lors d’un récent colloque sur la colonisation, l'institution en France d'une "journée nationale des victimes du colonialisme d'hier et à la lutte contre le colonialisme d'aujourd'hui".

De son côté, le président du MRAP, Mouloud Aounit, a soutenu "l’importance de cette journée nationale des victimes du colonialisme", notant que le président Sarkozy "s’est mobilisé" autour des seuls méfaits du nazisme, mais "seulement à la veille des élections municipales". "On a constaté qu’au lendemain de l’annonce de cette proposition du président Sarkozy, son Premier ministre a annoncé l’expulsion de France de 1.000 immigrés", a-t-il dit, déplorant cette "pratique dangereuse du deux poids, deux mesures" qui pénalise "seule l’immigration issue des ex-colonies". Il a fustigé cette "mémoire sélective" comme "si l’une était légitime et les autres illégitimes".

"Il y a aujourd’hui en France une quête pour la reconnaissance officielle des crimes coloniaux, mais il y a aussi une chape de plomb idéologique qui participe à la glorification du colonialisme", a-t-il poursuivi, évoquant "la cité de l’immigration où il n’y a aucune mention sur ces crimes" ou encore "la loi du 23 février 2005 dont nous célébrons aujourd’hui le funeste anniversaire".

"Nous nous battons contre ces logiques coloniales car ce passé colonial est encore présent au quotidien en France", a-t-il ajouté, citant moult discriminations que subit la population issue de l’immigration maghrébine et africaine.

L’immigration "choisie" soutenue par le gouvernement français pour les besoins de l’économie au risque de vampiriser les cerveaux des pays d’origine" (fuite des cerveaux), "la chasse aux sans-papiers à l’appui d’une politique de chiffres" sur les quotas d’immigration et les reconductions à la frontière, sont autant "d’expressions d’une idéologie coloniale persistante", a-t-il affirmé, soulignant "l’absence d’alternative de la part de l’opposition de gauche à cette idéologie puisée de l’extrême droite".

A ses yeux, "l’enjeu est important pour la société française et pour sa cohésion", en référence à la crise des banlieues interprétée comme un échec du modèle français d’intégration du fait de la remontée cette idéologie coloniale "qui n’est pas le fait du hasard". "Il est temps de tirer la sonnette d’alarme parce que cette quête de reconnaissance des crimes coloniaux est d’abord une question de justice et d’équité et permettrait d’éviter les guerres mémorielles", a ajouté M. Aounit.

Cette marche contre l’idéologie des nostalgiques de la colonisation a été soutenue par le mouvement des sans-papiers et par des syndicats de travailleurs.

APS

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Commentaires (5) | Réagir ?

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fateh yagoubi

merci bien

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algerie

merci

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