Le gouvernement appliquera-t-il la règle des 49/51% à Nedjma et Djezzy

Nedjma est désormais sous le contrôle des Qataris.
Nedjma est désormais sous le contrôle des Qataris.

Le groupe de télécommunications qatari Qtel a annoncé le 5 octobre 2012 avoir porté ses parts dans le groupe koweïtien Wataniya Telecom de 52,5% à 92,1%. Avec cette nouvelle acquisition, Nedjma va passer sous le contrôle total du groupe qatari.

Ainsi, après Djezzy, l’Algérie menace d’exercer son droit de préemption sur Nedjma selon la déclaration du ministre algérien des Finances le 10 septembre 2012 qui invoque l’application de la règle 49/51%. Le gouvernement se retrouve piégé ainsi dans le même cas du feuilleton Djezzy avec le changement de détenteur de la licence accordée aux Koweitiens pour l’exploitation de Nedjma. Les estimations russes évaluent les actifs selon la valeur du marché, tenant compte du good will (part du marché) et pas seulement de l’investissement entre 7/8 milliards de dollars alors que pour les autorités algériennes, le montant fluctue entre 4-5 de dollars. Cela explique que le feuilleton n’est pas terminé. En février 2012, Vimpelcom a annoncé que le holding Orascom Telecom a déposé une demande d’arbitrage international dans le litige qui l’oppose aux autorités algériennes concernant le dossier de l’opérateur de téléphonie mobile Djezzy. Cela rappelle les conflits ayant opposé Sonatrach aux deux compagnies pétrolières, l’américaine Anadarko et la danoise Maersk, qui ont fait recours à l’arbitrage international avant de revenir sur leur décision et d'opter pour le règlement à l’amiable de leur différend avec les autorités algériennes, concernant l’application de la taxe sur les profits exceptionnels qui ne peut être rétroactives, arbitrage qui a contraint Sonatrach à verser plusieurs milliards de dollars en cash et en hydrocarbures.

Le cas de Nedjma/groupe qatari Qtel

Quant à l’opérateur Nedjma, il est le 3eme opérateur de téléphonie mobile en Algérie. Wataniya Télécom Algérie (WTA) a obtenu une licence de desserte nationale des services de téléphonie sans fil en Algérie le 2 décembre 2003, en soumissionnant pour un montant de 421 millions de dollars US. Le 25 août 2004, Wataniya a procédé au lancement commercial de sa marque Nedjma qui dotée d’une licence d’une durée de 15 ans, WTA a adopté un programme d’investissements d’environ 1 milliard de dollars US sur trois ans. Rappelons que Wataniya Télécom, l’opérateur de référence de WTA, a été fondée en 1999 au Koweït. Il fait partie des sociétés de Koweït Projects Company (KIPCO), importante entreprise privée du Koweït avec un actif de plus de 10 milliards USD s’étant implantée notamment au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Le groupe de télécommunications qatari Qtel a annoncé le 5 octobre 2O12 avoir porté ses parts dans le groupe koweïtien Wataniya Telecom de 52,5% à 92,1%. Qtel a précisé avoir racheté 39,61% des actions émises dans le cadre de l’offre publique d’achat (OPA) pour un coût de 519,1 millions de dinars koweïtiens, soit l’équivalent de 1,8 milliard de dollars. En mars 2007, Qtel est devenu actionnaire majoritaire de Wataniya Telecom à hauteur de 52,5% qui lui a permis, par conséquent, de détenir 71% des actions de Nedjma, la filiale algérienne du groupe Wataniya. Ce qui dénote la volonté des Qataris d’investir le marché maghrébin, le groupe qatari ayant investi en 2011, la somme de 1,2 milliard de dollars US pour le rachat des parts d’Orascom dans Tunisiana dont il dispose désormais de la moitié du capital.

L'opérateur qatari (Qtel) vient de publier les résultats financiers de sa filiale algérienne Watania Telecom Algerie-Nedjma, où il est indiqué que la part de marché de Nedjma s'établie à 30% à la fin du premier semestre 2012. Ce chiffre est réalisé grâce à l'évolution du nombre d'abonnés de l'opérateur qui passe désormais à 8,55 millions à la fin du premier trimestre 2012 contre 8,51 millions à la même période de 2011.Les investissements, quant à eux, sont passés de?87,5 millions de dollars à 132,5 millions de dollars soit une augmentation de 51% et les parts de marchés sont portées à 30%. À noter que les 2 milliards d’investissement consentis par Nedjma depuis 2004 dont 1 milliard en investissement direct englobent également l’achat de la licence qui a été payée cash. Nedjma n’a commencé à réaliser de la profitabilité qu’à partir de 2009. Toujours selon Qtel, les revenus de sa filiale algérienne ont nettement progressé pour s'établir désormais à 241.1 millions de dollars à la fin du premier trimestre 2012 (contre 219.7 millions de dollars), soit une progression de 10%. L'EBITDA (entre le premier et le deuxième trimestre 2012) est passé de 87,4 millions de dollars à 95 millions de dollars soit une augmentation de +9%. Entre le premier semestre 2011 et le premier semestre 2012, il est passé de 149 millions de dollars à 183 millions de dollars soit une augmentation de +23% (31% en dinars Algériens). Il est utile de rappeler que la concurrence ente les deux opérateurs étrangers a connu une polémique récente. Pour les responsables de Nedjma, la valeur du marché est concentrée à 55% par l’opérateur dominant, dont le chiffre d’affaires dépasse la somme des deux autres opérateurs de 20%. Pour l’opérateur Nedjma, avec un investissement de 2 milliards de dollars – investissement cumulé depuis 2004 jusqu’à aujourd’hui pour les deux opérateurs –, Djezzy a généré 12 milliards de dollars de chiffre d’affaires, alors que Nedjma en a réalisé trois. Selon Nedjma, il existe une concurrence déloyale. Nedjma pose plusieurs questions à l’autorité de régulation : pourquoi le consommateur algérien ne peut-il garder son numéro de téléphone en changeant d’opérateur ? Pourquoi est-il interdit aux opérateurs de lancer des promotions, de baisser les prix des téléphones et des puces pour les abonnés prépayés ? A quand la licence 3G ou 4G? Comment ne pas rappeler que le classement 2012 effectué par la compagnie NetIndex, portant sur l'importance du débit Internet, classe l'Algérie à la 176e place sur 176 pays, étant dernière (0,95 Mbps), alors qu'elle était à la 172e place (0,96 Mbps) en 2011.

L’Algérie doit s’adapter aux pratiques des affaires internationales

Le droit de préemption (ou droit de préférence) est un droit légal ou contractuel accordé à certaines personnes privées ou publiques d'acquérir un bien par priorité à toute autre personne, lorsque le propriétaire manifeste sa volonté de le vendre mais pas à n’importe quel prix, au prix du plus offrant. La clause de préemption, qu’elle soit prévue dans les statuts ou stipulée dans un pacte extrastatutaire, a pour objet de réserver aux associés existants, ou à certains d’entre eux, un droit de priorité sur les titres dont la cession est envisagée.. Quand un droit de préemption existe, le propriétaire doit notifier, préalablement à la vente, son projet de vente au titulaire du droit de préemption. Le titulaire du droit de préemption a généralement un à deux mois pour faire connaitre sa réponse. A défaut de réponse dans ce délai, il est réputé avoir renoncé à son droit de préemption et le propriétaire peut alors vendre son bien librement, mais aux mêmes conditions. Si le bénéficiaire décide de préempter, il le fait aux conditions financières demandées par le vendeur.. Dans ce cadre du droit de préemption, une loi peut-elle être rétroactive ? Selon l’éminent juriste Portalis« l’office de la loi est de régler l’avenir ; le passé n’est plus en son pouvoir. Partout où la rétroactivité serait admise, la sûreté n’existerait plus. Que deviendrait donc la liberté civile, si le citoyen pouvait craindre qu’après coup il serait exposé au danger d’être recherché dans ses actions ou troublé dans ses droits acquis, par une loi postérieure? » Sauf rares exceptions, en droit international, un acte administratif rétroactif est irrégulier et peut donc être annulé, une loi devant être, en principe plus favorable pour le client afin d’éviter de pénaliser les clients déjà présents et devant figurer dans le cahier des charges au moment du contrat. En a-t-il été pour le cas de Djezzy et Nedjma ? Cela pose problème lorsque cette société est cotée en bourse et qu’elle cède non pas la totalité mais des ventes d’actions partiellement, pratique quotidienne au niveau des bourses mondiales où s’échangent chaque jour des centaines de milliards de dollars, qui est le principe du fonctionnement de l’économie mondiale. Tout au plus, l’Algérie peut donc faire prévaloir les clauses contenues dans le cahier des charges où l’autorité de régulation doit être averti avant toute transaction en application l’article 19 du décret exécutif n°01-124 du 9 mai 2001 que tout projet de cession doit avoir l’Accord auprès de l'Autorité de régulation.

En résumé, les cas de Djezzy et Nejma ne sont plus une affaire entre l’Algérie et Orascom Télécom mais entre l’Algérie et le groupe russo-norvégien Vimpelcom et non plus avec Nedjma Algérie mais avec le groupe qatari Qtel c’est à dire les gouvernements russe et qatari. Aussi y a-t-il urgence pour l’Algérie de s’adapter aux nouvelles mutations mondiales et d’intégrer la théorie de l’intelligence économique qui met nettement en relief ces mutations. Excepté pour les secteurs stratégiques, facilement identifiables, et qui sont historiquement datés, ce qui est stratégique aujourd’hui peut ne pas le devenir demain, ne vaudrait-il pas mieux que l’Algérie revoie la règle généralisée des 49-51% et introduise des critères plus avantageux comme une balance devises, managériale et technologique positives ? Malheureusement, du fait du blocage culturel, avec une vision bureaucratique périmée, croyant être toujours dans les années 1970, certains responsables algériens semblent avoir du chemin à faire pour pénétrer dans les arcanes de la nouvelle économie.

Dr Abderrahmane Mebtoul, expert international en management stratégique

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Commentaires (1) | Réagir ?

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adil ahmed

merci