Intervention militaire au Mali : Où en est-on ?

Face à l'urgence de la situation du Nord-Mali occupé par Al Qaïda au Mahreb islamique, le gouvernement de Bamako et la Cédéao ne semblent toujours pas avoir trouvé un terrain d'entente pour une intervention militaire dans cette région.

Le président malien a formulé une demande d'aide militaire à la Cédéao (Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest) mais il se refuse à voir la présence des militaires des pays voisins à Bamako qui serait ainsi la base logistique et opérationnelle de cette intervention militaire contre Al Qaïda au Maghreb islamique. Or, pour la Cédéao, une intervention directe sans une base opérationnelle à Bamako, est impossible. C'est le premier point de la discorde qui n'a pas trouvé issue, ce jeudi, à Paris, entre le premier ministre malien, Cheick Modibo Diarra et le médiateur de la Cédéao, le président du Burkina-Faso, Blaise Compaoré, reçus tous les deux à l'Elysée par le président français François Hollande favorable à cette intervention militaire qui répond aux conditions qu'il avait édictées pour apporter son appui logistique : qu'elle soit décidée par les pays africains, sous l'égide de l'ONU. C'est chose faite en théorie. Dans la pratique, plusieurs points d'achoppement divisent la Cédéao et le gouvernement de Bamako accusé de bloquer l'intervention militaire au nord du Mali.

Alassane Ouattara, le président en exercice de la Cédéao, a dépêché ce jeudi  les ministres ivoiriens des Affaires étrangères, Daniel Kablan Duncan, et de l'Intégration africaine, Ally Coulibaly, qui se sont rendus jeudi à Bamako pour remettre au président par intérim du Mali, Dioncounda Traoré, la réponse à la demande officielle d'aide qu'il a adressée début septembre à la Cédéao. Deux des trois points évoqués par Bamako posent problème et ne permettent pas, pour le moment, une mise en pratique efficace d'une éventuelle intervention, selon des sources diplomatiques ouest-africaines. Dioncounda Traoré a expliqué clairement que le déploiement de forces militaires combattantes ne saurait se faire à partir de Bamako, conformément au voeu de l'ex-junte militaire qui a renversé le 22 mars le président Amadou Toumani Touré. Pour la Cédéao, les autorités maliennes doivent accepter le déploiement à Bamako d'un minimum d'éléments, tant pour assurer la logistique de l'opération que pour sécuriser les institutions de transition, selon ces sources diplomatiques.

La Cédéao, par la voix de son médiateur, Blaise Compaoré, a signifié son désaccord sur cette non présence des militaires de la cédéa à Bamako qui servirait ainsi de base aux armées de la cédéao et d'où elles organiseraient leurs attaques contre Al Qaïda dans les territoires du nord du pays. Mercredi, sur France 24, le médiateur Blaise Compaoré l’a redit et affirmé : une éventuelle force d’intervention doit être présente à Bamako; elle doit y disposer d’un aéroport, d’une antenne médicale, de transmissions et d’un dispositif pour éviter à des mouvements armés de déstabiliser Bamako.

En conclusion, pour le président burkinabè, "pour l’instant, les conditions ne sont pas réunies pour une intervention armée au Mali, et c’est Bamako qui bloque". Un autre point divise les deux acteurs face à la crise malienne: les forces armées de la cédéa et celles de Bamako se disputent leur "plan d'action" de cette intervention militaire au nord du Mali, chacun estimant le sien plus stratégique que l'autre.

Pendant ce temps, les groupes terroristes fédérés par Al Qaïda au Maghreb islamique s'implantent durablement dans les trois principales villes, Tombouctou, Gao et Kidal et avancent dangereusement à la lisière du Sud après avoir occupé la ville de Douentza, à la lisière des frontières Sud, en lançant même le défi de conquérir Bamako en quelques jours. Alors même que cette intervention militaire tarde à venir, Al Qaïda au Maghreb islamique en fait déjà son cheval de bataille en menaçant la France de tuer ses quatre ressortissants qu'elle détient en otages depuis deux ans si d'aventure elle persiste à appuyer cette intervention militaire. La menace est tout autre pour l'Algérie qui observe une attitude ambiguë sur l'intervention militaire au Nor-Mali. Le Mouvement pour l'unicité et le Jihad en Afrique de l'ouest avait exigé de l'Algérie la libération des trois terroristes d'Al Qaïda au Maghreb islamique arrêtés le 15 aout dernier à Ghardaïa avant d'exécuter le vice-consul algérien, otages parmi ses trois collègues fonctionnaires consulaires. Le département de Mourad Medelci a réitéré lundi qu'il n'avait pas plus d'informations sur l'assassinat de Tahar Touati que ce qu'en ont rapporté les médias. La France, quant à elle, se dit déterminée à faire libérer ses ressortissants dans l'attente d'une "vérification" du communiqué d'Al Qaïda au Maghreb islamique rapporté et commenté par le site mauritanien Saharamédias ce mercredi.

Sur ces menaces qui mettent en jeu la vie des otages, auxquelles il faut ajouter la tragédie des populations du Nord-Mali prises en otage elles-aussi par l'imposition de la chari'a et ses pratiques barbares (amputation, flagellation, destructions de mausolées, voile islamique, interdictions diverses), les deux parties, pourtant favorables à la reconquête du Nord, Bamako et la Cédéa, qui prennent pourtant la mesure du danger d'Al Qaïda, perdent du temps, amenuisent leurs forces dans des querelles de chapelle. Pourtant, le Premier ministre malien, Cheick Modibo Diarra, qui a rencontré ce jeudi à Paris, le ministre français des Affaires étrangères, a pourtant redit, au-delà de ces divergences, que le temps pressait pour cette intervention dans le Nord. Il a réclamé plus de fermeté de la part de la communauté internationale. Il représentera la semaine prochaine son pays à New York pour la réunion sur le Sahel qui se tiendra en marge de l’Assemblée générale des Nations unies.

L.M/ avec Agences

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