Amendements de la loi sur les hydrocarbures et les mutations énergétiques

N'est-il pas urgent pour le gouvernement d'explorer d'autres sources de richesses que le pétrole ?
N'est-il pas urgent pour le gouvernement d'explorer d'autres sources de richesses que le pétrole ?

Sans m’attarder sur la loi prévisionnelle de finances 2013, établi sur la base d’un cours de 37 dollars le baril, où le projet du budget prévoit des dépenses publiques de 6.737,9 milliards (mds) de DA dont 4.335,9 mds de DA pour le fonctionnement et 1.590,1 mds de DA pour le budget d’équipement, et 3.820 mds de DA de recettes, montrant un important déficit budgétaire de 2917 milliards de dinars qui risque d’accroître les tensions inflationnistes, tout en précisant que les dévaluations rampantes du dinar par rapport au dollar et à l’euro gonflent artificiellement le fonds de régulation des recettes et la fiscalité hydrocarbures et voilent l’importance de ce déficit.

Le Conseil des ministres a d’adopté le 17 septembre 2012 des amendements relatifs à l’ordonnance n°06-10 du 29 juillet 2006 modifiant et complétant la loi n°05-07 du 28 avril 2005,objet de cette contribution. Seront-elles opérantes, le manque de visibilité, et l’instabilité juridique nuisant à tout opérateur local ou étranger soucieux d’investir dans le moyen terme ?

Force est de constater que depuis l’indépendance politique à ce jour en décembre 2011, l’économie algérienne est dépendante de la rente pour plus de 98% de ses recettes en devises et importe 70/75% de ses besoins, étant en plein syndrome hollandais. Ces amendements introduisent essentiellement des dispositions permettant de renforcer l’approvisionnement en hydrocarbures et des aménagements fiscaux à même d’encourager l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures dans des zones peu prospectées ou exigeant l’utilisation de moyens complexes. Ces amendements ne s’appliquent pas aux gisements actuellement en production, qui restent soumis au régime fiscal en vigueur. Le projet de loi attribue également à l’entreprise nationale Sonatrach le droit exclusif en matière de transport d’hydrocarbures par canalisations et lui garantit la majorité dans les partenariats, aussi bien dans la production que dans la transformation des hydrocarbures. Je rappelle que depuis la loi d’avril 2005 ce n’est plus à Sonatrach d’attribuer les permis de prospection pour de nouveaux gisements et qu’elle reste propriétaire de tous ses domaines miniers, et pour les nouvelles superficies non exploitées, c’est à l’institution Alnaft, dépendante du ministère de l’Energie, de les attribuer, et dans ce cadre aucune modification de la loi. Le constat est que les derniers appels d’offres entre 2008 et 2012 se sont avérés un véritable échec ayant attiré que des compagnies marginales, n’ayant pas de savoir technologique et comptant sur Sonatrach pour supporter la majorité des coûts, les grandes compagnies n’ayant pas soumissionné.

Sonatrach depuis des années n’a pas découvert de réserves rentables substantielles tant du pétrole et du gaz importants, malgré certaines déclarations fracassantes car pouvant découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement. Sonatrach n’a pas les capacités technologiques, bon nombre de cadres compétents ayant depuis des années quitté cette compagnie, surtout avec l’erreur que j’ai dénoncée à maintes reprises de mettre les cadres à la retraite à partir de 60 ans sans préparer la relève. Comme il y a lieu de signaler que le taux de profit dans les canalisations est inférieur de 30% en moyenne par rapport aux grands gisements de l’amont. Sonatrach continuera donc à supporter les surcoûts au niveau des canalisations. Les réserves se calculant par rapport au vecteur prix international, l’évolution des coûts et de la concurrence des énergies substituables, selon les revues internationales dans moins de 15 ans, en cas de non découvertes substantielles, surtout avec les nouvelles raffineries programmées, l’Algérie sera importateur net de pétrole (cela a été le cas de l’Indonésie) ayant 1% des réserves mondiales. Car l’Algérie, selon la revue financière Gasoil, l’Algérie a pompé entre 1962 et 2006 plus de 15 milliards de barils de pétrole, soit plus que les réserves actuelles, mais récemment avec des coûts supérieurs à la moyenne des grands pays pétroliers. Pour le calcul des réserves du pétrole-gaz il y a lieu de tenir compte de la forte consommation intérieure posant la problématique des subventions certes nécessaires mais non ciblées.

L’Algérie est classé troisième pays où le prix du carburant est le moins cher au monde, selon une enquête réalisée par une maison de courtage française spécialisée dans la location de voitures. Avec un prix à la pompe de à 0,22 euro/litre pour l’essence et 0,13 euro pour le gasoil en 2010, l’Algérie arrive derrière l’Arabie Saoudite et le Venezuela, note l’enquête. En Arabie Saoudite, un des plus grands pays producteurs de pétrole au monde, l’essence coûte l’équivalent de 0,12 euro et le gasoil 0,06 euro. Au Venezuela, autre grand producteur de pétrole, le prix de l’essence est à 0,13 euro, alors qu’un litre de gasoil est vendu à 0,06 euro.L’Egypte arrive en quatrième position avec un prix d’essence de 0,23 euro, et un prix de gasoil de 0,19. Or selon le ministère de l’Energie et des Mines, le prix réel des carburants devrait fluctuer 60 et 80 DA le litre. Mais conserver cette politique coûte de plus en plus cher. En effet, ces dernières années, l’Algérie est devenue importatrice de produits raffinés. En 2009, la facture des carburants s’est élevée à près de 1,5 milliard de dollars et ce montant a certainement cru entre 2010-2012. Cela favorise la contrebande aux frontières. La différence du prix à la pompe avec les pays voisins fait que de grandes quantités de carburants traversent quotidiennement les frontières vers le Maroc et la Tunisie, sans compter les pays riverains du grand Sud.

Pour l’électricité, selon un rapport du ministère de l’Energie, car, il faut comparer le comparable, les pays du Maghreb et non pas les pays européens dont le niveau de vie est plus élevé, (voir le site MEM 2011), la tarification algérienne tant pour la consommation des ménages que pour la consommation industrielle est la suivante : pour les clients résidentiels (ménages): Algérie: entre 2 DA et 3,20 DA/kwh selon le niveau de consommation, alors que ce prix est entre 3,45 DA et 4,94 DA/kwh en Tunisie, et entre 5,27 DA et 6,40 DA/kwh au Maroc. Pour les clients industriels en Algérie, le prix oscille entre 1,48 DA et 2,15 DA/kwh selon le niveau de consommation, en Tunisie entre 2,35 DA 3,54 DA/kwh, et au Maroc entre 4,21 DA et 5,53 DA/kwh. La plus grande partie de ces écarts en faveur du consommateur algérien provient du prix du gaz fixe par l'état à l'entrée du système de production-transport-distribution de l'électricité. Le niveau du prix du gaz concédé aux centrales est de l'ordre de 10 % de celui qui correspond aux transactions internationales du gaz dans la région 612 DA par millier de m3 soit environ 0,21 dollars le million de btu contre un niveau moyen de 2,2 dollars mbtu. A titre d’exemple selon le directeur général de la Société de distribution de l’électricité et de gaz d’Alger SDA, s’agissant de l’électricité, l’unité (kilowatt/heure) qui revient à 3,75 DA est vendue à 3,33 DA. Une différence qui grève considérablement le budget de la SDA, les coûts de revient restant élevés par rapport aux tarifs appliqués. Sonelgaz accuse 41 milliards de dinars de pertes selon son rapport officiel de 2011. Selon le ministère de l’Energie les subventions de l’électricité seront maintenues jusqu’en 2015 et bien au-delà de quoi décourager tout investisseur étranger dans ce domaine rendant caduque la loi sur l’’élecrricité et le gaz par canalisation. Selon les extrapolations de l’organisme de régulation CREG, la consommation intérieure devrait passer de 35 à 50 milliards de mètres cubes gazeux horizon 2017. Mais ce calcul ayant été fait avant que ne soient décidés suite aux coupures d’électricité en 2012, le doublement des capacités électriques privilégiant les turbines à gaz et des centrales fonctionnant au gasoil dans le Sud, allant donc vers plus de 60/70 milliards de mètres cubes gazeux en cas de non rationalisation des coûts de l’énergie, incompressible si l’on veut un réel développement intérieur. A cela s’ajoute le volume exportable extrapolé tant à travers les canalisations que pour le GNL, 85 milliards de mètres cubes gazeux alors qu’elle peine actuellement à atteindre 55/60 milliards de mètres cubes gazeux, donc perdant des parts de marché selon les statistiques internationales de 2011 malgré les déclarations se voulant rassurantes des responsables de l’énergie. Avec 4500 milliards de mètres cubes gazeux (2,37% des réserves mondiales prouvées de gaz naturel données de 2008), à partir de cette période, la durée de vie pour un prix de cession moyen, à coûts constants, référence année 2010- de 10 dollars le MBTU pour les canalisations et 13/14 dollars pour le GNL, serait moins de 25 ans. Face à ce constat, les amendements proposés seront-elles suffisantes pour redynamiser le secteur ?

La taxation des superprofits au-delà de 30 dollars dans l’actuelle loi ne répond pas à la situation actuelle du marché où le cours dépasse les 90/100 dollars depuis plus d’une année, tout en précisant que dans le droit international une loi n’est jamais rétroactive sauf si elle améliore la précédente, expliquant les litiges au niveau des tribunaux internationaux entre Sonatrach et des compagnies installées avant la promulgation de cette loi litige réglée à l’amiable où Sonatrach a été contrainte de revenir en arrière en versant des plus values. Dans ce cadre, l’annonce d’un assouplissement fiscal était nécessaire, car l’Algérie n’est pas seule sur le marché mondial face aux importantes mutations énergétiques qui s’annoncent, mais des concurrents qui veulent attirer les compagnies. Mais reste la contrainte des 49-51%. Si pour l’amont gazier et pétrolier pour les grands gisements la règle des 49/51% peut être applicable, pour les gisements marginaux, cette règle risque de n’attirer que peu d’investisseurs sérieux. La non-soumission des grandes compagnies, l’expérience du retrait de la Chine au niveau de la raffinerie d’Adrar, Sonatrach supportant toute seule dorénavant les surcouts, doit être méditée. Egalement, il ne faut pas s’attendre à un flux d’investissement étranger avec ces amendements pour la prospection dans l’offshore et surtout le gaz non conventionnel (réserves prouvées selon le rapport de l’AIE de 2011, 6500 milliards mètres cubes gazeux) qui requiert des techniques de pointe à travers le forage horizontal maîtrisé par quelques firmes, les recherches actuelles se concentrant sur les techniques anti-pollution. En Algérie un débat national s’impose du fait des risques de pollution des nappes phréatiques au Sud du pays, un milliard de mètres cubes gazeux nécessitant 1 million de mètres cubes d’eau douce, sans compter la durée courte de la vie de ces gisements et les confits avec des pays riverains se partageant cette nappe. Cela concerne également l’investissement dans la pétrochimie dont la commercialisation est contrôlée par quelques firmes au niveau mondial (structure oligopolistique) et d’une manière générale à l’aval, dont les produits obéissent aux règles de l’organisation mondiale, cette règle juridique de la dominance de Sonatrach dans le capital social est inopérante. Sans risque de me tromper, l’investissement sera limité pour ne pas dire nul avec cette règle. Car le marché mondial de la pétrochimie et du raffinage est fluctuant et contrôlé par quelques firmes. Cette filière nécessite pour sa rentabilité de grandes capacités, sans compter que les pays du Golfe ont déjà amorti les installations, l’Algérie partant avec un handicap des coûts d’amortissement élevés et un marché forcément limité. A moins et cela concerne tous les cas évoqués, comme pour les entreprises publiques qui ont nécessité plus de 50 milliards de dollars d’assainissement entre 1971-2011,70% étant revenues à la case de départ, Sonatrach subventionne tous ces surcoûts, les compagnies étrangères dans ce cas bénéficiant d’une rente sans prendre de risques. Sonatrach risque de détourner une fraction de ses ressources en autofinancement au détriment des autres secteurs de l’activité nationale avec un des surcouts croissants ,un résultat brut d’exploitation en décadence que voilerait un cours élevé du brut, et être éliminé à terme progressivement de la compétition internationale. Ne serait-il pas souhaitable d’avoir d’autres critères : balance devises excédentaire au profit de l’Algérie, l’apport technologique et managérial et un partage des risques ? Qu’en est-il du programme des énergies renouvelables abordé également en conseil des ministres ? Quant au solaire, selon l’Agence spatiale allemande (ASA), le potentiel est estimé à 169,440 téra-watts heure/an (TWH/an) pour le solaire thermique, et de 13,9 TWH/an pour le solaire photovoltaïque, ce qui équivaut à environ 60 fois la consommation de l’Europe des 15 (estimée à 3 000 TWh par an). L’énergie solaire journalière dans le désert équivalent- pétrole est estimée à 1,5 baril par km².

Selon les données du ministère de l’énergie, l’Algérie devrait choisir en 2013 un fournisseur de technologie qui mettra à exécution le programme d’énergies renouvelables pour un montant estimé à 60 milliards de dollars. Ce programme vise à produire, à l’horizon 2030, 40% de l’électricité à partir des énergies renouvelables devant se traduire par l’installation d’une puissance de 12 000 mégawats en solaire et en éolien. Le mémorandum d’entente dans le domaine des énergies renouvelables signé le 9 décembre 2011 entre la société algérienne d’électricité et de gaz Sonelgaz et l’entreprise allemande Desertec aboutira-t-il à du concret ? La règle des 49/51% et le prix bas de cession du KWH, posant d’ailleurs la problématique de la généralisation des subventions sans ciblage, le choix stratégique du gouvernement algérien, distribuer la rente afin de calmer le front social jusqu’aux élections présidentielles d’avril 2014. Ce contexte politique lié à la logique rentière, loin des logiques économiques des opérateurs mus par la logique du profit et cela est tune règle économique, ne risque-t-il pas de décourager tout investisseur potentiel à moins que Sonelgaz via Sonatrach supporte les couts de départ importants ?

En résumé, l’opérationnalité des amendements de la loi sur les hydrocarbures renvoie à l’éclaircissement de toute la politique économique et sociale face à la Remondialisation et aux nouvelles mutations énergétiques mondiales. Sans visibilité et cohérence de la réforme globale, comme facteur d’adaptation à ces mutations, les impacts seront forcément limités d’autant plus qu’existe une concurrence internationale féroce surtout dans le domaine du gaz. Et pour finalité, le problème central qui se pose à l’Algérie, du fait de la faiblesse de ses capacités d’absorption, est pourquoi continuer à pomper les hydrocarbures pour placer cet argent à l’étranger à des rendements faibles, voire négatifs, actuellement plus de 83% sur les 190 milliards de dollars des réserves de change au 1er septembre 2012 ? L’objectif stratégique n’est-il pas pour l’Algérie d’opérer la transition rapide d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures, supposant également une nouvelle transition énergétique en utilisant au mieux cette ressource éphémère ? Cela implique forcément un Etat de droit, un large débat national sur cette ressource propriété de toute la population algérienne donc une gouvernance renouvelée, de profondes réformes politiques et économiques solidaires, la valorisation de l’entreprise et son support, la ressource humaine, richesse bien plus importante que toutes les ressources en hydrocarbures.

Abderrahmane Mebtoul, expert international en management stratégique, directeur d’études ministère énergie/Sonatrach (1974/1979- 1990/1995-2000/2006) auteur de nombreuses communications et contributions internationales sur le secteur énergétique.

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Commentaires (1) | Réagir ?

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oziris dzeus

D'apres cette fameuse reordonnace sonatrach sera reduite à moyen terme a revenir a sa raison d'etre d'origine en 1963 a savoir la commercialisation et le transport des hydrocarbures et la boucle est bouclée cette loi boutefienne sur les hydrocarbures revient aprés avoir été modifié ou mise en veille suite aux remous quelle a sucitée en son temps. des compétences algéro-algériennes travaillent pour les plus grandes compagnies de petrole et de gaz dans le monde. si sonatrach n'a pas les moyens c'est la faute au clan boutef qui ne veut pas voir sonatrach en avoir. les richesses algériénnes sont mises entre les mains des etrangers par la grâce de boutef. le programme de boutef est maintenant clair pas besoin d'expert en quoique ce soit.