La mobilisation : un impératif pour une alternative démocratique

Djamel Zenati conduit avec Bouhadef un mouvement qui appellera à une conférence nationale.
Djamel Zenati conduit avec Bouhadef un mouvement qui appellera à une conférence nationale.

L’Algérien n’est pas seulement un tube digestif qu’il faut remplir par des importations alimentaires intempestives avec des dépenses frénétiques en puisant dans des richesses naturelles, qui sont de plus en plus limitées, en gaspillant massivement la plus-value de leur exploitation.

Il ne peut pas non plus être indéfiniment privé de ses capacités imaginatives et créatives et de ne pouvoir se recréer par lui-même, en imaginant et en produisant ses propres biens de consommation, qui sont nécessaires à son développement et à son épanouissement en accord avec lui-même. En neutralisant son développement économique et industriel et de se voir imposer une importation aveugle de tout ce qui est consommable et disponible sur le marché mondial. Il n’est pas non plus exclusivement un corps à allonger dans des cités dépourvues des commodités indispensables à tout établissement humain, qui enrichissent des sociétés de constructions étrangères, au détriment du développement de ce secteur national, qu’elles bâtissent hors des considérations sur la qualité du cadre de vie. Il n’est pas acquis aussi que l’ensemble de la société peut bénéficier du logement ainsi bâti sur des bases égalitaires ou selon des ordres de priorités selon des critères de justice sociale. 

L’Algérien, c’est aussi une conscience à libérer, une personnalité historique et anthropologique à façonner dans une école performante et une loi fondamentale conséquente, qui peut lui permettre de s’émanciper de toute forme d’aliénation et de s’arrimer dans la contemporanéité du monde. Le constat d’échec à cet impératif est aujourd’hui sans appel. L’Algérien aujourd’hui est confronté à l’absence de toute perspective politique et économique, qui résulte d’une impasse qui affecte tous les aspects de la société. Le système de pouvoir, mis en place depuis l’accès à l’indépendance nationale, n’a réussi à atteindre aucun de ces objectifs. L’Algérie aujourd’hui est toujours sous-développée économiquement, socialement, politiquement et culturellement. On ne peut que constater la dégradation de sa cohésion et l’absence d’un lien social impossible à construire à défaut d’un objectif commun, cimenté autour d’un intérêt national et une gestion rationnelle de l’État, par un système de gouvernance légitime et basé sur la compétence. L’image dominante de l’Algérie est aujourd’hui son effondrement, qui se mesure à la corruption généralisée, à la paralysie de l’administration, de la justice, de l’école, de la santé publique, de l’économie nationale, de l’exacerbation de la violence urbaine, qui s’exprime à coups de sabre et menace la paix civile devant l’indifférence des services de l’ordre public. C’est une situation qui est principalement imputable à la prise en otage de la vie politique par un système de pouvoir démissionnaire devant l’intérêt général. Une situation en somme, qui précipite de jour en jour la société vers une perspective de chaos destructeur et meurtrier.

Devant la démission d’un pouvoir qui ne se soucie que de ses propres intérêts et devant cette dérive dangereuse, pouvant précipiter à terme le chaos de la guerre civile, cette situation ne devrait pas laisser indifférents, les élites, les intellectuels, les journalistes, les militants associatifs, les militants politiques en rupture avec ce système de pouvoir, et généralement tout citoyen engagé vers la reconquête d’une légitimité des institutions de l’État.

Bien qu’il apparaît évident que la monnaie d’échange contre cette indifférence est une mobilisation citoyenne comme seul rempart à ce destin redoutable, peu d’Algériens se soucient de prendre l’initiative de s’engager ouvertement dans une dynamique pouvant provoquer un processus vers cet objectif de mobilisation des énergies potentielles éparpillées dans tous les segments de la société. Pourtant, il n’y a aucun doute sur la pertinence d’une telle démarche, et que l’impératif politique aujourd’hui en Algérie, c’est la mobilisation citoyenne. Un impératif qui repose sur un triple constat, la crise de légitimité et l’impasse politique dans laquelle elle plonge les institutions de l’État, le fait que le "printemps algérien" n’a pas eu lieu et que le changement pacifique promis et attendu de la part d’une volonté interne au pouvoir, s’est révélé un leurre, reconduisant indéfiniment le statu quo et mettant la société et sa souveraineté en danger.

Néanmoins, l’idée de mobilisation citoyenne existe et elle est en train de faire son chemin, sourdement certes, mais on ne peut pas dire, qu’il y a une absence totale de volonté vers cet impératif, qui est une démarche capable de redéfinir les rapports de forces contre le système de pouvoir dominant et d’imposer une alternative démocratique, qui mettrait un terme au statu quo. C’était d’ailleurs le mot d’ordre par lequel le FFS avait motivé sa participation aux législatives de 2012 "mettre du mouvement dans le statu quo". Mais cet aventurisme solitaire de la part du FFS s’est soldé par un échec prévisible et a débouché sur son implosion et sa discréditation devant l’opinion en rupture avec le système de pouvoir. Tout le monde s’accorde à dire aujourd’hui, que la démarche du FFS était contreproductive pour la perspective d’une alternative démocratique. Car, sa participation aux législatives n’a fait que renforcer le statu quo, en même temps qu’elle a affaibli l’opposition démocratique, en la privant de son appui qui était considérable. L’erreur du FFS, c’était son engagement sur cette voie sans garanties démocratiques.

De son implosion a heureusement émergé un mouvement dissident, conduit par des cadres irréductibles à la compromission et à la soumission au système de pouvoir autoritaire et totalitaire dominant. Ces cadres sont aujourd’hui à l’avant-garde pour cette mobilisation citoyenne et travaillent à une alternative politique dans une perspective de rassemblement de toutes les forces démocratiques engagées pour un changement radical du système de pouvoir. Leur action s’est limitée à ce jour à un meeting public de sensibilisation organisé à Tizi Ouzou le jeudi 12 juillet 2012 et à une réunion qui s’est tenue à Akbou le samedi 8 de ce mois, qui a drainé près d’une centaine de personnes venues de plusieurs wilayas du pays. Cette deuxième rencontre publique a permis à ce mouvement citoyen de se structurer et de se doter d’une assise administrative et représentative. Ainsi, trois commissions ont été mises en place : une commission politique, une commission information et communication et une commission logistique et finances. Djamel Zenati et Mustapha Bouhadef, deux anciens cadres du FFS ont été désignés porte-parole du mouvement. Dans cette réunion, l’objectif déjà énoncé lors du meeting du 12 juillet, d’organiser une conférence nationale pour la construction d’une alternative politique au système de pouvoir actuel, a constitué le principal mot d’ordre. Ils prévoient à court terme de publier une déclaration pour convoquer les forces démocratiques et toutes les potentialités citoyennes à participer à cette conférence nationale.  

Reste à savoir qu’elles seront les conditions et les principes sur lesquels le fonctionnement de ce mouvement sera défini, de manière à donner un large crédit à son statut rassembleur pour une alternative démocratique où tous les citoyens démocrates peuvent s’y reconnaître. Les pièges sont nombreux et les clivages peuvent apparaître à tout moment. Les dangers à l’échec sont réels, et sont à l’image du déficit du fonctionnement démocratique interne à toutes les organisations politiques nationales ou associatives. Leur chance de réussite dépendra de leur capacité à dépasser la conception de leur mouvement comme un bien privé et d’intégrer un fonctionnement démocratique pour chaque décision prise. Il s’agit en fait de dépasser l’influence de nos structures sociales patriarcales, qui nous aliènent dans un mode de pensée verticale, au lieu de nous organiser sur un plan horizontal en tant que fondement pragmatique au débat démocratique. Seule condition pour élever le débat au niveau de l’intérêt national et dépasser l’intérêt partisan. C’est à ce prix que la dynamique de ce mouvement peut prétendre au rassemblement "des jeunes, des intellectuels, des syndicalistes, des acteurs de l'économie productive et créatrice de richesses, des femmes, des hommes de médias et autres artistes qui récusent la fatalité et qui résistent avec dignité et courage." Ce rassemblement doit être également ouvert à toutes les associations civiles qui luttent pour les droits à la citoyenneté et à la liberté de conscience. Parmi elles le collectif des féministes algériennes qui sont en train de s'organiser en collectif militant à Constantine et toutes les autres associations déjà existantes, tels les chômeurs, les non-jeûneurs, les non croyants, et tant d’autres.

Parmi les pièges qui pourraient également discréditer la validité démocratique de ce mouvement, c’est le risque d’une dérive populiste, qui consiste à reconduire l’erreur de Saint Egidio, d’associer l’idéologie anti-démocratique des islamistes à ce projet, sous prétexte d’élargir la participation à tous les mouvements d’opposition, qu’ils soient démocratiques ou non. La séparation du politique et du religieux doit être nettement tranchée, et ne laisser courir aucune ambiguïté à son sujet pour pouvoir réhabiliter le débat public à partir de ce principe. C’est à ce prix que se dessine un véritable projet démocratique qui pourra assurer à l’Algérie un avenir qui s’inscrit dans la contemporanéité du monde.

La réussite de la conférence nationale que projette cette dynamique de rassemblement sera inévitablement conditionnée par une double rupture. À la condition inaliénable de la séparation du politique et du religieux, il faut que les démocrates se décident à en finir avec le système politique dominant, qui prend en otage la vie politique depuis l’accès à l’indépendance nationale. Car, dans les conditions politiques qui sont les nôtres aujourd’hui, cette double rupture est la garantie qui peut assurer à un consensus de se construire autour d’une telle dynamique de mobilisation citoyenne, initiée par ce groupe de cadres dissidents du FFS, ou de tout autre mouvement comme l’a été autrefois la CNCD, pour poser comme objectif à une telle conférence la création d’une instance nationale capable de définir un programme d’action pour une alternative politique pacifique.

Youcef Benzatat

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Commentaires (12) | Réagir ?

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samy iris

Le FFS doit assumer sa responsabilités, vous avez, par votre participation, aidé à donner l’illusion d’une base sociale à ce pouvoir!

Mécili n’aurait pas cautionné cette « participation » à la mascarade du 10 Mai, qui signifie « caution » au Régime militaire. Mécili était un Opposant oppositionnel, radical, farouchement opposé à la Junte criminelle. Alors, il est indigne de se servir de son nom pour justifier et légitimer la « reddition du FFS »…..

Par ailleurs, l’égarement du FFS et le fourvoiement de ses Dirigeants sont dénoncés de l’intérieur même de ce parti, les militants de base sont majoritairement hostiles à cette « stratégie participationniste » suicidaire et collaborationniste, une démarche décidée unilatéralement « par le haut », violant le Règlement intérieur du parti….. suite à des « négociations secrètes » avec le Clan Boutef-Zerhouni, des négociations au demeurant « tenues au secret », non divulguées aux militants…..

Quant aux allégations mensongères et trempeuses des éradicateurs (, Chouicha…) la réponse est à chercher dans l’histoire récente. En rappelant que le CNCD de 2011 est calqué sur le CNSA de 2001. Le CNCD, comme le CNSA est lié à l’aile dure du Pouvoir militaro-mafieux : les faucons et extrémistes du DRS et de l’Etat-major, les deux leviers principaux de la Junte dictatoriale au pouvoir. Et c’était par la voie d’Ali Yahia Abdennour que le CNCD avait bel et bien appelé à la « déposition de Bouteflika », ce qui signifie Coup d’ Etat, comme en 1992.

L’autre faute du FFS est celle liée au fait qu’il tourne le dos aux « réconciliateurs »-partisans de « la solution politique pacifique »-. Le FFS fait « cavalier seul » et prête flanc aux éradicateurs du Clan Mediene-Tartag (néo-MALG/DRS) et leurs chiens-de-garde, qui ont tous les moyens de propagande à même d’épuiser le FFS, sachant que ce parti est, contrairement aux proclamations triomphalistes de ses dirigeants, déjà démuni, contrecarré et neutralisé dans son fief historique même, en Kabylie, où le DRS (dire « la mission Belkheir-Ayyat ») a crée une pléthore de micro-partis, associations, blogs, journaux, infligé la « mise à mort » du MCB et fractionné la LADDH, qui étaient les « deux béquilles » du FFS. L’on peut déduire objectivement que le « champ d’audience réel » de ce parti est réduit. Quoi qu’en disent ses dirigeants ! N’en déplaise à ses dirigeants !

Cependant, il ne faut pas perdre de vue aussi que le Clan Mediène-Tartag (néo-MALG/DRS) des éradicateurs, les durs et faucons au sein du Pouvoir militaro-mafieux manifestent leur hostilité à ces élections décidées par le Clan Boutef-Zerhouni (ex-MALG/SM). Les porte-flingues du DRS n’hésitent pas à tirer à boulets rouges (journaux, blogs) …. D’où la nécessité de prendre au sérieux les probables manipulations et provocations où les Chevaliers de l’Apocalypse vont perpétrer des manipulations et provocations, des massacres de masse, une répression à grande échelle afin de poursuivre dans le sens de leur volonté d’asseoir à jamais leur domination sur la société. On est amené alors à supputer sur l’éventualité d’un Coup d’Etat, comme en 1992, sous une autre forme !

Le FFS devait opter pour le « boycott et plus », le boycott plus quelques crans de plus…Car il ne doit se laisser « doubler à sa gauche par des partis et mouvements de droite », les partis des Généraux, les « enfants de Belkheir », les Belkheir’s Boy’s ….. Il ne restera plus rien du FFS après sa participation-caution à la supercherie de mai….. Sauf s’il se retirera au prétexte de la fraude (qui) massive !

A Tizi-Ouzou, la plus importante fédération du Front n’échappe pas à cette logique. Plus grave encore, c’est « à la logique clientéliste et mercantile que la direction répond ». On évoque même un marchandage de listes qui ne dit pas son nom.

Hannachi pour imposer karim Tabou et Nouredine Berkane, l’avocat de la JSK

Selon, « l’argent qu’a détourné Tabou en étant 1er secrétaire du parti sera remboursé par le boss de la JSK ». Il s’agit de quelques 5 ou 6 millions de dinars que l’ex secrétaire national du FFS avait subtilisés durant ses deux mandats à la tête du Front. « Karim Tabou avait même arnaqué des hommes d’affaires en leur promettant de figurer sur les listes du parti lors de ces législatives », a encore informé notre source, qui a ajouté que « Tabou a eu un appartement à Alger de la part de l’un des prétendants à la candidature ».

Questionnée sur les raisons du maintien de Tabou en 2e position sur la liste du FFS et l’irruption de Hannachi dans une affaire interne au parti, notre source a souligné que « Hannachi est un ami proche des Bahloul, ces derniers détiennent tout au FFS », a-t-elle précisé. Et d’ajouter que « Hannachi s’en est pris à tous les acteurs politiques de la région, sauf au FFS », car, « il espère que ce parti allait le sauver dans ses magouilles à la JSK ». Devant cet état de fait, des militants du FFS menacent de « rendre ces magouilles publiques », si la situation reste en l’état, a-t-on aussi appris auprès du ffs a tiziouzou

Un autre militants a ajouté, par ailleurs, que « le 5e de la liste du FFS de Tizi-Ouzou est un proche de Hannachi ». il est « Avocat du club et ami des Bahloul ». Donc, Hannachi a investit « un argent fou pour avoir ses éléments à l’intérieur du parti afin de défendre ses intérêts ». Par rapport au lâchage de Tabou par les Bahloul, nos deux sources ont souligné que « malgré la relation familiale qui les lie, les Bahloul ont d’autres intérêts à défendre avec d’autres militants et de l’argent à engranger avec Hannachi qui est du même bord qu’eux ».

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Belaid Slaouti

Tous les partis qui se disent démocratiques sont porteurs de tares qui font que le citoyen n’y croit plus à leur propos.

Pourquoi voudriez vous qu’on se mobilise sachant que les premiers responsables de ces partis soutiennent des contrefaçons historiques pour des profits personnels qu’on leur propose à eux et à leur famille.

Alors finis le temps des cerises ! Déguerpissez svp, vous traînez derrière vous de lourds fardeaux de la situation polluée du peuple.

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