Syrie : un vétéran de l'humanitaire réclame une zone d'exclusion aérienne

Jacques Bérès a connu plusieurs guerres : Du Vietnam jusqu'en Libye.
Jacques Bérès a connu plusieurs guerres : Du Vietnam jusqu'en Libye.

Pour Jacques Bérès, chirurgien de guerre et cofondateur de Médecins sans frontières, en mission à Alep, la mise en place d'une zone d'interdiction aérienne en Syrie est d'une urgence absolue face au nombre croissant de victimes de bombardements aériens.

"Il y a au moins 50.000 morts, plus tous les disparus. C'est honteux!", s'insurge le médecin français, rencontré par l'AFP dans un hôpital près de la ligne de front à Alep, la grande métropole du nord de la Syrie, théâtre depuis plus d'un mois d'une bataille cruciale pour le régime comme les rebelles.

Selon lui, le bilan de plus de 26.000 morts depuis mars 2011 établi par l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), installé en Angleterre et s'appuyant sur un réseau de militants et de témoins, est nettement sous-évalué. "Je suis sûr que les morts que j'ai ici ne sont pas comptabilisés à Londres", insiste ce septuagénaire à la barbe blanche. Au cours des deux dernières semaines, le Pr Bérès estime avoir soigné entre 20 et 45 combattants rebelles par jour, et enregistré deux à six décès quotidiens.

Et ces chiffres ne concernent qu'un hôpital relativement petit dans une immense métropole où la situation évolue très vite, avec des commerces ouverts et des piétons dans les rues dans certains quartiers tandis que d'autres zones sont sous les bombes.

"C'est un massacre incroyable. Même si maintenant, c'est devenu une guerre civile. Mais c'est quand même très très asymétrique comme conflit. Des armes légères contre des chars et des bombardements aériens", dénonce le médecin, qui a arpenté la plupart des champs de bataille depuis le Vietnam dans les années 1960 jusqu'à la Libye l'année dernière.

Et pourtant, les rebelles "vont gagner. Ils méritent de gagner. Ce sont des hommes braves, ils sont très courageux. Ils souffrent beaucoup et il y a beaucoup de pertes", déclare-t-il en posant sa tasse de thé pour examiner des radios et conseiller un collègue syrien sur le meilleur moyen de retirer une balle de la jambe d'un blessé.

"Un gouvernement qui tue son peuple"

Face à ce drame, l'inaction de la communauté internationale met le vétéran de l'aide humanitaire hors de lui : "C'est honteux qu'on n'ait pas fait une zone d'exclusion aérienne".

Le régime de Damas est "un gouvernement assassin de son propre peuple. C'est assez rare, un gouvernement qui tue son peuple. (Le dirigeant libyen Mouammar) Kadhafi a essayé, mais heureusement, il a eu l'intervention" militaire internationale en soutien à la rébellion libyenne, souligne-t-il. "En une seconde, un bombardement fait plus de blessés que ce qu'un chirurgien peut réparer en une journée", rappelle-t-il.

Dans les zones contrôlées au sol par les rebelles, l'armée multiplie en effet les attaques aériennes. Lundi matin, un raid mené par un avion de combat a fait au moins 18 morts, dont des femmes et des enfants, à Al-Bab, à 30 km au nord-est d'Alep, selon l'OSDH. C'est la troisième fois que Jacques Bérès est en mission clandestine en Syrie cette année, avec le soutien de petites associations françaises.

En mai, il a sillonné la région d'Idleb (nord-ouest), où il assure que des soldats ont détruit des pharmacies et incendié des centres de soins. Et auparavant, il était à Homs (centre) en février, quand l'armée pilonnait le quartier de Baba Amr.

"C'est beaucoup de souffrance, beaucoup de malheur, des familles détruites... Des orphelins... Tout ça parce qu'ils ont demandé un peu de liberté, qu'ils ont dit qu'ils en avaient un peu marre" du président Bachar Al-Assad, s'indigne-t-il.

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