Algérie-France : le malheur des uns fait le bonheur des autres

Algérie-France : le malheur des uns fait le bonheur des autres

Trois exemples phares en Algérie : la colonisation, malheur des indigènes, l'exode des pieds-noirs, malheur du petit peuple européen, et la société duale, malheur des exclus du développement

Question : l'inégalité n'est-elle qu'un problème de répartition biaisée ? Réponse :

1/ Les hommes ne naissent pas inégaux, ils le deviennent. Pire : si les hommes n'ont d'égalité que devant Dieu et la mort, ils resteront inégaux tant qu'ils admettront l'imposture suprême de cette maxime distillée à suffisance par leurs dirigeants.

Remarques :

2/ Je ne me résouds pas à accepter de noircir le passé colonial pour seulement glorifier et avaliser les erreurs grossières et les fraudes des dirigeants après 1962. Ce tour de passe-passe est d'autant  plus difficile à déjouer que la colonisation a été cruelle et que grand a été le mérite des combattants qui se sont révoltés et que, malheureusement, beaucoup de dirigeants opportunistes exploitent à leur profit pour accaparer biens, honneurs et pouvoir.

3/ Rien ne prouve dans l'histoire, ni dans le droit coutumier ni même l'ethonologie que, sans colonisation de la France, l'Algérie se serait érigée en nation de droit (concept d'importation coloniale) et qu'elle n'aurait pas dérivé sans fin, au lieu d'être noyée dans la colonisation, dans des conflits régionaux attisés par les voisins et les vautours. C'est, en effet, à la faveur du combat contre l'humiliation et l'exploitation de la colonisation que s'est constituée la conscience nationale. Elle s'est de surcroît fortifiée dans le champ clos des frontières militarisées par  la colonisation officialisées et validées par l'ONU. Paradoxalement, face aux incidents de territoires (rivalités tribales, de coutumes, de langue, de religion et de commerce), puis des conflits et surenchères nationalistes avec la Tunisie et le Maroc, l'Algérie a décrété l'intangibilité des frontières coloniales qu'auparavant elle dénonçait. C'est ce que n'ont pas compris les ultras de l'Algérie française (qui devaient, pour la plupart, leur nationalité aux effets pervers de la colonisation) et qui ont voté en 2005 une loi sur les bienfaits de la colonisation, la croyant bonne pour tous.

4/ Aucun écrivain, moraliste, politique, journaliste confronté à la reconstitution historique de l'indépendance algérienne n'est crédible, s'il ne fait de lui-même le lien entre les deux faces de notre histoire certes tourmentée mais fatalement commune; aucune des deux n'ayant, par voie de conséquence, une autonomie totale par rapport à l'autre. A cet égard, la France n'a pas su dire qu'elle venait en Algérie pour créer un contrepoids aux hégémonies anglaise et germanique qui la menaçaient ou pour mener à bien ses propres guerres de  libération nationale contre l'envahisseur allemand : - 1815 (démantèlement de l'Empire et perte des frontières de la rive gauche du Rhin), - 1870 (perte et germanisation de l'Alsace et de la Lorraine, territoires dont le produit est alors plus de cent fois  supérieur à celui de l'Algérie et proclamation à Paris par Bismarck de l'unité allemande), - 1914-18 (guerre dévastatrice et libération de l'Alsace-Lorraine), - 1940-45 (guerre et nouvelle annexion et germanisation de la Moselle), événements dramatiques qui, néanmoins, ne changent rien aux motifs originels de la guerre d'indépendance en Algérie : (cf. in memoriam : prise et massacres de Laghouat par l'armée, en 1852 ).

5/ Le devoir de l'historien, c'est de prendre assez de recul et de hauteur de vue pour valider ses récits dans le marbre de la vérité historique. Le témoignage, à l'inverse, est une reconstitution des faits et événements sous un seul angle, dans une seule perspective. C'est, volontairement, un parti-pris sur les épisodes et les enchaînements de l'histoire, un zoom partisan sur les péripéties d'un conflit. C'est en cela que j'admire Robert Schuman, architecte de l'histoire européenne, plus que De Gaulle, maçon laborieux et valeureux de la dernière guerre franco-allemande. L'interrogation des actes et des idées des acteurs et des protagonistes ne peut échapper à ce regard d'acuité et de pertinence. L'un est neutre, froid et objectif, l'autre est engagé, passionné et partisan.

6/ Toute population est caractérisée par les conditions de son environnement physique (géographique, territoriale, climatique, économique). Ces conditions déterminent son organisation, sa culture, son mode de vie, ses désirs). L'adaptation au milieu de vie façonne le moule, l'écosystème dans lequel la population forge ses propres règles de subsistance, d'enracinement, de reproduction et d'autodéfense. L'homme n'est pas universel. Il est toujours le produit de sa population. Son civisme et sa citoyenneté se construisent dans la formation sociale et nationale dont il dépend : ou il aspire à rester dans son milieu, ou il aspire à le transformer ou l'élargir, ou il aspire à le quitter. Le premier cas est symbolique du conservatisme, de l'autarcie. Les deux autres correspondent au désir de mutation, d'évolution ou d'émigration.

7/ Dans la sensibilité de la mixité, deux cas de figure se présentent au plan politique : - le premier (transfert de population) impose de convenir impérativement du cadre statutaire des migrants et des règles de séjour et de circulation des personnes en s'imposant réciproquement de respecter la personnalité des citoyens et du pays d'origine (fin des hold-ups de nationalité et de la co-nationalité du droit du sol en France) ; - le deuxième (dépérissement interne) résulte de la volonté de modifier les conditions de vie de l'écosystème originel, en imitant un modèle d'écosystème externe au motif de l'aménagement du territoire, ex-planification territoriale, dans l'aveuglement des dirigeants (apurer la néocolonisation en Algérie).

8/ C'est ma dénonciation du mythe du développement industriel surdosé (en me répétant depuis 1970) fondé sur l'emploi massif et de technologies de pointe, qui consiste à imposer un mode de consommation et de vie, prétendument progressistes, dans des conditions de nuisances sociales aussi violentes et perverses que la colonisation. Mode, de surcroît, dispendieux et erroné (sous-productivité, maintenance et obsolescence rapide garanties), permettant de soi-disant rattrapper les retards accumulés durant la colonisation. Non seulement, ce mythe productiviste a été distillé par les écoles de management du libéralisme occidental, mais il a été aussi utilisé pour berner les élites et leaders de l'indépendantisme et ainsi ouvrir les marchés et les débouchés du système financier et industriel capitaliste (gérance du FMI et de l'OMC depuis 1945). C'est à ce résultat minable et dispendieux, à cette escroquerie intellectuelle (la société duale) qu'ont conduit les bons conseils de Perroux et de De Bernis, chantres incomparables du développement national algérien sous Boumediene, dont j'ai voulu, de bonne foi montrer le danger des postulats, ce qui m'a attiré les foudres de dirigeants courtisans (application de la gouvernance sociale).

9/ Vu l'ancrage de la famille en Algérie (Kabylie et Sud algérien), les amis d'école et de travail, et même ceux qui m'ont détesté, à priori sur le faciès, je suis et reste acquis au respect strict de l'identité des personnes et des populations sur les deux rives de la Méditerranée.

Je suis d'autant plus partisan de ce respect dans la réciprocité, qu'en France, la Lorraine, dont est originaire l'autre partie de ma famille, a connu l'humiliation, les révoltes et les guerres contre la barbarie allemande, l'occupation, l'annexion et l'oppression de l'identité des personnes. Le moteur de ma critique reste clairement celui de la mixité et m'a conduit, en cette année 2012, 50ème anniversaire de l'indépendance algérienne, à souligner l'intérêt et l'importance pour l'avenir de :

- la coparentalité sans conjugalité France-Algérie.

- le Traité de Coopération-développement franco-algérien.

- la Province française manquante de tous les rapatriés.

Christian Benamar

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ali Foughali

Coopération à sens unique. Que vendent les algériens à l'Europe (hors hydrocarbures). Même les dattes Deglet Nour transitent par la Tunisie pour y être vendu sous le label "Made in Tunisie".