"Révolutions arabes" : quand les islamistes s'appuient sur les dictatures...

L'université d'El-Azhar au Caire : un foyer de "salafistes"...
L'université d'El-Azhar au Caire : un foyer de "salafistes"...

Ce qui se passe actuellement en Tunisie, en Libye et en Égypte où les islamistes reprennent du poil de la bête, est-il le juste retour d'un règne brimé par les dictateurs déchus ou, au contraire, la continuation d'une complicité étroite entre la dictature des Ben Ali, Kadhafi, Moubarek avec les partis islamistes qu'ils n'ont pas traqués comme ils l'ont fait pour les forces démocratiques sous leur règne ?

C'est un fait observable et mesurable. Les "Révolutions arabes" qui ont fait choir les dictateurs, avec ou sans armes, ont fait surgir tout ce qui était comprimé, tassé, interdit, traqué, sous le vernis ou la chape plomb, de sociétés dites "modernes", "modèles" de nationalisme hérités des luttes indépendantistes. La chute de Ben Ali, Kadhafi, Moubarek et bientôt celle de Bachar Al Assad ne l'ont été qu'au prix de sacrifices de vies humaines, de massacres de populations civiles tant ces derniers ont, contre vents et marées, tenté de s'accrocher au pouvoir après un demi-siècle de règne.

Sous le règne de ces potentats, les forces démocratiques de l'opposition ont été laminées tandis que les mouvances islamistes qui ont repris du poil de la bête dès la destitution des monarques, ont trouvé confort et légitimité dans des espaces institutionnels religieux instrumentalisés par ces dictateurs. Nombre d'intellectuels considèrent aujourd'hui que les "Révolutions arabes" ont permis de rendre aux pays ainsi libérés, à leurs réalités politiques, sociales et culturelles, en somme à leurs expressions restées étouffées un demi-siècle durant. En oubliant, toutefois, d'analyser le rapport intime qui s'établit entre dictature et islamisme dans ces pays dits "arabes".

L'institution religieuse de la Zitouna en Tunisie, la puissante El Azhar en Egype et certainement la future mosquée de Bouteflika à Alger, ne sont pas que des lieux de savoir et de culte et de formation d'exégètes rompus aux sciences coraniques, mais aussi des foyers en puissance de formation de "salafistes" résolument opposés à la laïcité et aux libertés citoyennes et irréductibles sur l'impérieuse nécessité de recourir à la "chari'a" comme fondement idéologique de l'Etat et qui trouve terrain fertile dans des sociétés exsangues par les injustices, la corruption systémique, la "hogra" au point où ce ne sont pas pas les "salafistes" qui ont revendiqué l'application de la "chari'a" mais des islamistes qualifiés de "modérés" et même des opposants armés, comme ce fut le cas en Libye. Mais, force est de constater que l'émergence des islamistes, toutes tendances confondues, aux premières élections libres, dès après les "Révolutions arabes", n'est pas l'envers du décor des dictatures déchues, mais peut-être une légitimité enfin recouvrée par la mouvance islamiste qui n'a pas été autant menacée que cela puisse paraître par les régimes de Ben Ali, Kadhafi et Housni Mobarek.

Quelques faits suffisent à illustrer la complicité entre un régime dictatorial et l'islamisme politique. Lorsqu'en 1994, l'écrivain prix Nobel de littérature, Naquib Mahfouz, a été victime d'un attentat de la part d'un "illuminé salafiste", l'institution El Azhar qui déjà avait mauvais oeil sur ses écrits, n'a pas condamné l'acte et c'est du bout des lèvres que le régime de Housni Moubarek s'est réjoui que le Prix Nobel y ait survécu.  En 2011, enivrés par leur victoire relative aux législatives, les salafistes du parti Nour récidivent et insultent le "mécréant" Naguib Mahfouz. En Tunisie, Ben Ali n'était-il pas disposé à faire alliance avec Rached Ghannouchi pour forcer la destitution le père du Hizb Destour, qu'ils ont accusé, tous les deux, d'"ensauvager" la société tunisienne en exhortant celle-ci, en direct, à la télévision nationale, à ne pas observer le jeûne du ramadan.

En Libye, Mouammar Kadhafi, après la destitution du Roi Idriss 1er, a reconduit ses relais islamo-indicateurs dans sa cour en récupérant toute la culture (néo)-patriarcale basée sur la chari'a que revendique par ailleurs, son fameux Livre vert. Lors de son élimination, après la prise de Tripoli par les opposants armés ont été découverts, dans son bunker, des livres sur des pratiques religieuses occultes, pas si éloignées de l'imposition de la chari'a. Dans son livre La compagnie des Tripolitaines consacré aux femmes de Tripoli au seuil de l'avénement de Kadhafi, sous le règne du roi Idriss 1er, l'écrivain libyen en exil, Kamel Ben Hameda, montre, sous le regard d'un enfant admis dans les espaces féminins secrets, la résistance des femmes à la culture islamique ambiante qui les cloître et réprime, à travers leurs hommes, pères, maris, frères, la diversité de leurs origines et cultures : arabes, berbères, juives, italiennes…

Ces quelques exemples montrent qu'il y a un lien évident entre la chute des dictateurs et l'émergence des islamistes, les deux forces ayant été complices, solidaires de la chasse sans merci des intellectuels militant pour la laïcité, la justice sociale et les libertés d'expression et d'opinion. De fait, il s'avère absolument faux que de considérer cette poussée islamiste dans les pays maghrébo-arabes après la chute de leurs dictatures, comme une revanche sur ces dernières, ainsi que le fait croire un Rached Ghannouchi qui fait croire qu'il a été la première victime de Ben Ali.

Les islamistes d'Ennahda qui se disent "modérés" en allant jusqu'à reculer, par tactique, sur l'application de la chari'a, trouvent un appui tacite avec leurs salafistes qui passent à l'action, investissant par la violence les manifestations culturelles, interdisant tout spectacle culturel jugé insultant les préceptes de l'islam et contrevenant aux dogmes de la chari'a. "Ennahdha" de Rached Ghannouchi, majoritaire à la Constituante, laisse faire, ne fait que gagner du temps au risque de provoquer le courroux du Président de la République, du reste, non encore élu, Moncef Merzouki. Il adopte, en fait, la même stratégie que celle de Ben Ali aux temps forts de son règne: laisser croire que c'est un parti respectueux de l'Etat de droit et des libertés citoyennes, tout en jetant des ballons sondes contre l'égalité des sexes. Pourvu que les femmes soient voilées, corrompues et "complémentaires" à l'Homme, comme en Algérie, alors elles feraient croire qu'elles ont enfin donné de la chair à leur émancipation !

Se prêtant à un jeu stratégique, les Frères musulmans au pouvoir en Egypte agissent de même. Le nouveau président Morsi de la mouvance des Frères musulmans qui jette un journaliste en prison et met à la retraite l'un des plus puissants généraux de l'armée de Hosni Moubarek ne le fait sans doute pas pour "plus" de démocratie. Car, dans le même temps, il prête le flanc à ses salafistes qui sèment le chaos entre les communautés confessionnelles.

En Algérie, le pouvoir en place, qui laisse miroiter des réformes à même de consolider l'Etat de droit, actionne les mosquées chargées d'appeler à l'inquisition contre les "non-pratiquants" de l'islam, traque les "non-jeûneurs" au nom de la politique de la concorde civile d'Abdelaziz Bouteflika. Que les salafistes détruisent en Libye des lieux sacrés de vénération, que ceux de Tunisie s'en prennent à un élu PS français roué de coups en raison de la tenue "légère" de son épouse et de sa fille sur une plage, que des imams algériens lancent dans leurs prêches incendiaires une campagne d'assainissement des moeurs, cela n'est sans doute pas le revers de la médailles des dictateurs déchus ou en voie de l'être, mais la continuation logique de leur règne aboli ou finissant…

R.N

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Commentaires (6) | Réagir ?

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med lahouagi

mais ke ditez vous ce ne sont pa nimporte kel islamiste ces des gens ki suivent la methode de limam elbenna et c la 1ere fois ds lhistoire ke les freres musulmens tiennent effectivement le pouvoir ! la 1ere reaction confonde pe etre ceux ki regne au nom de lislam et les islamiste : vu ke lautre branche des islamiste (salafiste) prohibe jusk 1 date tres proche la politik

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Afulay Anzar

À ce que je sache, l´islamisme est la plus haute forme de dictatures.

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