La rebuffade de la perfide Albion

La rebuffade de la perfide Albion
Le président Bouteflika ne doit pas renforcer sa personne en tant que président, mais plutôt l’institution présidentielle pour qu’elle soit plus représentative du peuple algérien et non pas de sa personne (…), ces propos ne sont pas ceux d’un algérien contestant la révision constitutionnelle, non. Leur auteur est un personnage officiel qui les a proférés dans une tribune publique, ce ne sont donc pas des paroles volées. L’homme pourrait aisément être assimilé à la Grande-Bretagne, puisqu’il en est un de ses représentant autorisé, un diplomate chargé de porter sa voix en Algérie, l’ambassadeur Andrew Henderson, en poste à Alger depuis l’été dernier.
Pour la première fois, rompant avec la langue de bois diplomatique tout en circonvolutions et en faux-fuyant, un diplomate d’un pays occidental, plus aligné sur USA que sur l’Union européenne en matière de politique étrangère, fraîchement débarqué en Algérie, pays désormais célèbre pour ses kamikazes, désavoue publiquement le projet de coup d’état qui se profile derrière la révision constitutionnelle. La réprobation formulée certes sous forme d’un conseil n’en est pas moins une prise de position franche… en faveur de la constitution et du peuple algérien ! Mais pour un pouvoir en recherche constante de reconnaissance occidentale, soucieux de l’onction « démocratique » que celui-ci peut lui délivrer, quel camouflet ! Après les indulgences sarkozistes, la rebuffade de la perfide Albion !
Outre la recommandation lancée à Bouteflika de ne pas monopoliser le pouvoir autour de sa personne au détriment de la souveraineté populaire, que dit en substance Andrew Henderson ? Beaucoup de choses que l’on a peu l’habitude d’entendre dans la bouche d’un envoyé du Foreign Office. D’abord que la situation politique en Algérie est bloquée, que ce blocage est entretenu par la question de la révision de la constitution et le troisième mandat du Président sur laquelle tout est polarisé. Ensuite, que la communauté internationale est inquiète par le manque de vision sur l’avenir de du pays et qu’il est à craindre que d’autres attentats s’y produisent. En clair, vous êtes une région instable, donc peu attractive pour cette communauté internationale. Puis, ces mots qui résonnent comme un constat de faillite de la gestion du pays : « confrontée aux problèmes de santé, d’éducation, de chômage et des prix du lait et de la pomme de terre, une bonne partie de la société a perdu espoir. » Et enfin, cette dernière phrase, autant sibylline qu’assassine, qui est une autre façon de parler de l’opacité du système algérien, de ses zones d'ombre contre lesquelles viennent échouer nos rêves démocratiques : « Le vrai problème du pouvoir en Algérie est avec lui-même et tout ce qui peut apparaître n’est pas la réalité, parce que celle-ci est dans les coulisses… »
Evidemment, cette vision critique de l’Algérie et de ses problèmes, énoncée avec une telle franchise, fait grincer les dents. Les premiers à pousser des cris d’orfraies et à hurler à l’ingérence sont les inconditionnels d’un pouvoir décidé à sacrifier la Constitution sur l’autel des ambitions autocratique de l’actuel président. D’autres, éternels sceptiques, voyant partout le complot de l’occident défendant son bout de gras, doutent de la sincérité de l’intervenant, soupçonné d’être téléguidé par ses intérêts nationaux.
L’intervention du diplomate ainsi que ses entretiens accordés en marge de la rencontre sont déjà abondamment commentés. Sollicité par les journaux qui lui demandaient de s’expliquer sur son exposé, M Henderson ne s’est pas laissé impressionner par le ton de reproche et de ressentiment à peine déguisé du journaliste de Liberté qui l’interrogeait sur les raisons qui ont motivé sa « sombre » description de la situation algérienne. « Des problèmes existent. Il n’est pas bon de les ignorer » a rétorqué l’interviewé avec un flegme très british. Andrew Henderson avoue avoir découvert une fois arrivé en Algérie, une réalité différente de celle décrite par le Foreign Office avant sa prise de fonctions l’été dernier : « j’ai été briefé par le Foreign Office où on m’a dit que les deux choses qui préoccupent les Algériens sont la maladie de leur président et l’insécurité. Mais sur place, je me suis rendu compte que les gens sont plutôt confrontés aux problèmes de santé, d’éducation, de chômage et des prix du lait et de la pomme de terre. Une bonne partie de la société a perdu espoir. »
Qui pourrait le contredire ? Certainement pas les milliers de fonctionnaires en grève pour protester contre la dégradation et la précarisation de leur condition de vie.
Meriem Benmehdi

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Commentaires (6) | Réagir ?

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Mohand Mokher

Un président élu à vie affecte les équilibres fondamentaux des pouvoirs et des institutions. Cela n'est pas permis par la constitution.

Culotter comme ils le sont, la révision se fera sans réferudum juste entre les murs des deux chambres et la présidence. Cela est aussi permis par la constitution.

"On peut tout faire avec une baïonnette, on ne peut pas s'assoir dessus. Napoléon".

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farouk bouguendoura

monsieur nadir zerga, il est vrai que la constitution autorise le président de la republique à demander des amendements à la constitution. MAIS parce qu'il y a un mais IL EST ILLEGAL pour un chef de parti (en l'occurence Belkhadem) de demander un amendement pour un 3° mandat, c'est illegal aussi pour bensalah, ziari, ouhiaya et tous les autres. dans une VRAIE DAWLA ils auraient déjà été convoqués par le procureur général qui les aurait mis en examen. bien à vous, salut.

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