L’Algérie ou l'impossible transition politique

Sans changement, Daho Ould Kablia invite les Algériens à la prochaine élections
Sans changement, Daho Ould Kablia invite les Algériens à la prochaine élections

Le chapitre des législatives semble clos sans qu’il donne lieu ne serait-ce qu’à un début de changement.

Le gouvernement provisoire de sa majesté le Président de la République s’attèle d'ors et déjà à préparer des élections de renouvellement des institutions locales. Les partis politiques qui avaient crié à la fraude électorale y prendront part bien que les conditions légales de leurs organisations soient les mêmes que celles qui ont présidé aux législatives. Avec ceci de particulier, le seuil éliminatoire est revu à la hausse de deux points supplémentaires.  

Si les mêmes causes conduisent inéluctablement aux mêmes effets ; les mêmes conditions ne conduiraient-elles pas aux mêmes résultats ?

Depuis octobre 1988, les Algériennes et les Algériens ont participé à 14 élections dont 5 présidentielles, 5 législatives dont une avortée et 4 élections locales sans compter les consultations référendaires et le vote des lois fondamentales.

Pendant ce temps, nous aurons tout connu : Annulation des élections, dissolution des Assemblées locales, assassinat de Mohamed Boudiaf, mort de centaines d’Algériennes et d’Algériens, destruction du tissu industriel du fait de la politique de réajustement structurel imposé par le Fonds monétaire international et des actes terroristes qui avaient visé toutes ces unités publiques qui employaient des centaines de milliers de travailleurs.

Sur le plan international, l’Europe de l’Est a vu le Mur de la honte s'effondrer sous la pression de l’élan démocratique des Allemands, les dictatures les plus sanguinaires et les plus policées s’écrouler jusqu’à même l’empire soviétique qui leur avait donné naissance. Le Moyen-Orient a connu deux guerres qui ont fini par l’occupation de l’Irak, la destitution et le jugement de Saddam, la fin de la guerre civile au Liban suites aux accords de Taif, l’émergence de l’Iran, la chute de Najibullah en Afghanistan, la chute des Talibans qui l’avaient chassé, la défaite d’Israël au Sud Liban, la partition du Soudan, la chute de Ben Ali, de Moubarak, de Kadhafi …

Notre régime récalcitrant a prouvé au monde qu’il a une capacité de régénérescence que lui envient toutes les dictatures du monde. La rente des hydrocarbures aidant, il a réussi à s’offrir une paix sociale en dépit des grèves et protestations endémiques.

Depuis les législatives de mai dernier, le pays plane sans pilote au milieu des turbulences que connaît le monde depuis les tempêtes qui ont tout balayé devant elles. 

Qu'importe ! Les citoyens participeront aux élections locales, les partis politiques également, dans le même cadre législatif et réglementaire et sous le contrôle de la même Administration et avec les mêmes pratiques. Nous reconduirons le système pour une autre mandature et nous continuerons à crier à la fraude, à la corruption et à la mauvaise gouvernance.

Abdelaziz Djeffal

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Commentaires (4) | Réagir ?

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Abdellaziz DJEFFAL

Pour rester objectif, je vous demande d’oublier un moment la participation ou non de votre parti aux prochaines élections et de réfléchir au-delà de toutes positions partisanes. Faisons l’analyse de 23 années de pluralisme politique et de participation, de non participation et de boycotte actif.

Les premières élections pluralistes ont été les municipales et les wilayales (non déplaise aux puristes de la langue française) de juin 1990. A la surprise générale, le Front Islamique du Salut, parti aujourd’hui dissous, avait raflé la majorité des assemblées communales et wilayales. J’y avais participé très activement. Le Front de Libération Nationale fut battu et il avait, comme tous les autres parti qui y avaient pris part, accepté les résultats.

Dans l’ensemble, c’étaient des élections qui s’étaient déroulées dans des conditions de fortes pressions mais elles étaient honnêtes. Pour notre malheur, c’était un parti fascisant qui les avait gagnées. La gestion, municipale surtout, de ces assemblées par les islamistes du parti dissous fut catastrophique et souvent détournée à des fins partisanes. Il est à noter que certains élus de ce parti refusèrent de suivre ses consignes de désobéissance civile et avaient démissionnés de leurs charges municipales.

Les législatives prévues pour juin 1991 furent précédées par plusieurs amendements de la loi électorale. Le Front Islamique du Salut avait posé des conditions avant sa participation aux élections. Il n’était pas d’accord avec le Gouvernement de Mouloud Hamrouche sur le découpage électoral et le scrutin à la proportionnelle. Nous connaissons la suite. Hamrouche limogé, les chefs islamistes arrêtés, l’état d’urgence proclamé et les élections reportées à décembre 1991.

Contrairement à ce que pourraient avancer beaucoup d’Algériens, j’apporte ici mon propre témoignage pour avoir été très actif comme à l’accoutumée. Les législatives du 25 décembre 1991 n’étaient pas libres. Des pressions, des menaces, des intimidations furent exercées sur les citoyens pour les amener à voter pour le parti dissous. Le recours à la violence avait commencé bien avant la tenue du premier tour. Comme lors des municipales de juin 1990, les militants actifs du parti dissous exigeaient des votants la restitution des bulletins des autres partis à un groupe mis en place dans les centres de vote pour faire le sondage et savoir qui avait voté pour eux. Le secret du suffrage n’était donc pas respecté. Cette violation des droits civiques et les pressions et menaces exercées sur les citoyens avaient bien fonctionné. Le parti avait remporté une victoire presque écrasante.

Le processus électoral fut arrêté, un Haut Comité d’Etat fut mis en place pour palier à la double vacance des présidences de la République et du Conseil Constitutionnel. Le mandat de l’Assemblée Nationale étant venu à terme.

Un Conseil National Consultatif fut mis en place composé de représentants de petits partis, des organisations de masse, des représentants des corporations professionnelles et d’intellectuels de tous bords. Le Front de Libération Nationale, le Front des Forces Socialistes et bien sûr le parti dissous et les islamistes à l’exception du Parti de Mahfoud Nahnah n’y avait pas siégé. Au contraire, ils lancèrent l’initiative connue sous le non de l’organisation sous l’égide de laquelle ils s’étaient rencontrés à Rome: Saint Egidio.

Boudiaf assassiné, Ali Kafi lui succéda à la tête du Haut Comité d’Etat et le processus enclenché continua dans le sens que l’on sait. L’espoir qu’avait suscité Mohamed Boudiaf fut assassiné avec lui.

Une nouvelle loi électorale fut votée par ce conseil consultatif non élu. Des élections présidentielles furent organisées pour l’intronisation du Général Liamine Zeroual, alors ministre de la défense nationale. Elles furent pluralistes. Quatre candidats jouèrent le jeu du système en se présentant à ces élections qui s’étaient déroulées sous le contrôle de l’Administration et des services de sécurité y compris l’armée nationale populaire. Le contexte était exceptionnel. Pression interne exercée par les terroristes islamistes et pression internationale exercée sur le pays par les puissances occidentales, Etats-Unis et pays Européens. Au-delà du fait de la fraude, car elles n’étaient pas aussi honnête qu’on le croit, elles furent décisives sur le plan de la lutte antiterroriste. Le peuple vainquit la peur et se mobilisa autour du Président Zeroual.

L’espoir né par l’arrivée de Liamine Zeroual à la tête de la République ne durera pas assez longtemps. Le Rassemblement National Démocratique a été crée en 1996 par le Gouvernement. Il remportera une année après les législatives de juin 1997 et les locales d’octobre de la même année. Ces élections n’en avaient que le nom d’élection. La fraude fut massive, directe et sous le contrôle de tous les services. J’ai porté l’affaire devant les juridictions compétentes. En vain. Le président de la cour de justice de Bouira me conseilla amicalement de me contenter de participer comme tous les partis car il n’avait aucune base juridique d’y intervenir. Selon ses propos, le législateur était un frauduleux car le Conseil National Consultatif n’était pas élu.

Je ne vais pas vous ennuyer par des détails qui vous laisseraient bouche bée devant ce qui s’était passé, les menaces proférées à notre encontre (mes camarades et moi) et les pressions subies.

En 1999, les présidentielles qui ont intronisé Bouteflika Abdelaziz furent une autre mascarade. Les six autres candidats avaient annoncé leur retrait officiel de la cours en signe de protestation contre la fraude électorale et la partialité de l’Administration. Malgré cela, les élections furent organisées à la date prévue et les résultats proclamés avec la victoire écrasante du candidat du système. Rappelons qu’il fut présenté à l’opinion nationale et internationale comme étant le candidat du consensus car il avait réussi à avoir le soutien des petits partis et des organisations de masse inféodés au régime.

En 2002, aussi bien les législatives que les locales furent non pas entachées seulement mais organisées par la même administration qualifiée depuis par les partis d’opposition du parti politique du régime. En 2004, 2007, 2009 et lors des législatives de mai 2012, les partis politiques ont participé à toutes ces élections mais cautionner le régime et contribuer à le reconduire à l’infini.

Pour ceux qui tantôt optaient pour la participation tantôt pour le boycotte actif, ils ont fini par admettre leur échec devant un régime fort, très fort et une société atomisée et incapable de changement.

Pour ceux qui avancent des arguments qui ne tiennent plus comme celui de participer pour faire connaître le parti, je rappelle que tous les partis qui ont participé à toutes les élections n’ont réussit à se faire connaître que comme comités de soutien aux candidats du régime en place.

Non ! Je crois que nous avons gagné en maturité politique pour ne plus tomber dans le piège d’un régime agonisant. Toute participation compromettra nos chances de réussir à bâtir un véritable parti politique capable de conduire le peuple vers l’émancipation et le progrès en l’accompagnant par l’encadrement sa révolte prochaine.

Le régime est en mal de légitimité depuis 50 longues années. Les élections sont vitales pour lui. Il y recoure toujours car il en maitrise les règles. Ces règles ne sont pas immuables ; elles changent en fonction du contexte selon les enjeux du moment et les forces en présence. Aucun changement ne peut venir des élections parce que les institutions républicaines sont vidées de leur substance. Les décisions se prennent en dehors du cadre institutionnel. Nous avons beau changer les hommes, les rapports de force parlementaires, le système n’en sera jamais affecté car son véritable centre de gravité se trouve ailleurs.

A la fin, j’aimerais vous demander d’imaginer un instant quelle sera la réaction du Pouvoir et de l’opinion internationale si le 29. 11. 2012 tous les Algériens décideraient de rester chez-eux pour continuer leur sommeil ou de regarder tranquillement la télévision en offrant leurs villes et villages aux fantômes ?

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Guel Dring

Tant qu'il y a une prise de conscience des citoyens sur la façon d'organiser des élections, il ne faut pas désespérer car depuis le 10 Mai nous avons vraiment ressenti l'effronterie du pouvoir et son audace à imposer son commandement. Ce qui est vraiment à craindre, c'est justement ce changement qui tarde à se manifester. C'est comme un orage : tous les éléments sont réunis, des nuages lourds et gris, une atmosphère lourde, un vent instable et tout le monde s'attend au 1er éclair, au 1er grondement de tonnerre, après c'est le déchaînement de la Nature : la logique des choses.

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