La Libye bascule définitivement dans l'après-Mouammar Kadhafi

Depuis hier, Moustapha Abdeljalil a quitté la scène et cédé le pouvoir au Congrès général national
Depuis hier, Moustapha Abdeljalil a quitté la scène et cédé le pouvoir au Congrès général national

Lors d'une cérémonie historique marquant la première transition pacifique après plus de quarante ans de dictature de Mouammar Kadhafi, le Conseil national de transition (CNT) a remis mercredi soir les pouvoirs à l'assemblée issue des élections du 7 juillet.

La page Kadhafi est bel et bien finie. Ce n'est pas seulement le drapeau qui a changé en Libye, mais tout le fonctionnement de l'architecture du nouvel Etat libyen en construction.

A preuve : la cérémonie de passation de pouvoir à l'assemblée élue ouverte mercredi soir en présence de représentants des missions diplomatiques en Libye, ainsi que des membres du CNT et du gouvernement et des chefs de partis. L'heure était au transfert pacifique des clés de la transition. Une première dans cette région qu'il faut souligner. Personne en effet n'aurait parié un dinar libyen il y a moins d'un an qu'une telle cérémonie allait être possible dans ce pays voisin plongé depuis quarante ans dans une des dictateurs les plus imbéciles. 

Le CNT est dissout

"Je remets nos prérogatives constitutionnelles au Congrès général national qui est désormais le représentant légitime du peuple libyen", a déclaré le président du CNT, Moustapha Abdeljalil, en remettant symboliquement le pouvoir au doyen des 200 membres du Congrès général national (CGN) élus il y a un mois lors du premier scrutin libre en Libye. Peu avant, les 200 membres ont prêté serment devant le président de la Cour suprême libyenne. "Maintenant, le CNT n'existe plus. Il est dissout", a déclaré Othman Ben Sassi, membre du Conseil. 

En raison du mois de jeûne de ramadan, la cérémonie a commencé tard dans la nuit dans une luxueuse salle de conférence d'un hôtel de la capitale libyenne. Une autre salle aménagée au deuxième étage de cet établissement sera désormais le siège du CGN. A l'issue de la cérémonie qui n'a duré qu'une quarantaine de minutes, les membres du Congrès ont été appelés à rester dans la salle pour leur première réunion officielle au cours de laquelle ils devraient élire un président et deux vice-présidents de l'a de l'assemblée. "Il faut qu'on choisisse un président ce soir ou demain pour éviter un vide constitutionnel", a précisé l' un des membres du CGN. 

Election du président du CGN jeudi

Plus tard dans la soirée, à l'issue d'une réunion à huis clos, le CGN a décidé de reporter l'élection de son président au lendemain, jusqu'à l'adoption d'un "règlement" régissant ces élections. Le Congrès doit reprendre ses travaux jeudi à 14h00, selon Mohamed Al-Megarief, membre du CGN et ex-opposant notoire du régime de Mouammar Kadhafi. Des mesures de sécurité exceptionnelles ont été mises en place à cette occasion, notamment après uneescalade de la violence dans plusieurs régions du pays ces derniers jours. Le ministère de l'Intérieur a ainsi bouclé le périmètre de l'hôtel et toutes les routes proches ou menant à la salle de conférences ont été fermées à la circulation.

Sur la place des Martyrs, à Tripoli, une foule importante s'est rassemblée pour célébrer la passation alors que des feux d'artifice illuminaient la nuit.

Le CNT était né à Benghazi il y a un peu plus d'une année, il était l'organe politique de la rébellion qui a fait tomber le régime de Mouammar Kadhafi, avant de prendre officiellement la tête du pays avec la chute du Guide libyen, tué en octobre dernier après plus de quarante ans au pouvoir. 

"Moment historique"

Dans son discours, Moustapha Abdeljalil a salué "une première passation de pouvoir dans l'histoire de la Libye" qui représente un "moment historique" pour les Libyens. Abdeljalil a reconnu des "erreurs" durant une période de transition "exceptionnelle" et un "retard dans le traitement de certains dossiers", notamment ceux de la sécurité, du désarmement. Selon lui, le CNT a échoué aussi à trouver une solution au dossier des déplacés du conflit libyen à l'intérieur et à l'extérieur du pays, qu'il a qualifié de "véritable drame". "Nous n'avons pas pu garantir la sécurité comme nous le souhaitions et comme le désirait le peuple libyen", a-t-il ajouté. 

Il a annoncé par ailleurs qu'il prenait sa retraite et qu'il quittait ses fonctions au CNT et dans le Conseil supérieur de magistrature dont il était membre sous le régime de Mouammar Kadhafi. La cérémonie a été marquée par un petit incident, quand Moustapha Abdelajalil a ordonné le remplacement d'une jeune femme qui présentait le programme de la cérémonie parce qu'elle était maquillée et non voilée. "Nous croyons dans les libertés individuelles et nous les consolidons mais nous sommes musulmans et nous sommes attachés à nos principes. Tout le monde doit comprendre ce point", a-t-il déclaré sans autre précision, avant de prononcer son discours. L'incident est passé inaperçu par la plupart de l'assistance qui n'a pas compris la remarque du chef du CNT. 

Le CGN sera chargé de choisir un nouveau gouvernement pour prendre le relais du CNT, qui devrait être dissout lors de la première session du Congrès. Il devra conduire le pays à de nouvelles élections sur la base d'une nouvelle Constitution. L'Alliance des forces nationales (AFN), une coalition libérale quelques dizaines de petits partis, menée par des architectes de la révolte de 2011 dont Mahmoud Djibril, contre le colonel Kadhafi, détient 39 sièges sur les 80 réservés à des partis politiques.

Le Parti de la justice et de la construction (PJC), issu des Frères musulmans, est la deuxième formation politique du Congrès avec 17 sièges. Les 120 sièges restants ont été attribués à des candidats indépendants aux allégeances et convictions encore floues mais qui sont très courtisés par les partis. 

Dans cette première assemblée de l'histoire libyenne où les décisions les plus importantes devront être prises à la majorité des deux tiers, l'Alliance des forces nationales (AFN) de Mahmoud Djibril et le PJR vont devoir nouer des alliances avec les indépendants, à qui étaient réservés 120 sièges, et les petits partis. Cependant, certains indépendants, méfiants envers les deux principaux partis, ont évoqué la possibilité de former leur propre coalition.

Yacine K/AFP

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Commentaires (3) | Réagir ?

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miloud benhaimouda

L’anecdote de la jeune femme dévoilée, « impudique » aux yeux des membres du CNT, et remplacée au pied levé par une consœur moins sujette à réveiller leur concupiscence, suffirait à montrer que la tartufferie a fait un grand pas depuis les fameuses « amazones » de Kadhafi. Et s’il y avait un indice sur l’orientation idéologique de la future Lybie, ce serait celui-ci. Mais, laissons-là ce détail grotesque.

Cette "cérémonie historique", qui se flatte de tourner la page de Kadhafi, et qui en fait ne tourne pas grand chose, est un jalon de l'imposture d'une Libye prétendument démocratique, en fait "libérée" par l’aviation de l'Otan, soutenue au plan médiatique par B. H. L., Sarkozy, et les chaînes télévisées arabes, soi-disant sortie du chaos alors que les attentats et les accrochages sont quotidiens ; Libye aujourd’hui pressurée par les compagnies pétrolières, les grandes banques et les entreprises qui soumissionnent pour les projets de reconstruction.

Naturellement, tout cela eût été rendu impossible sans les tares du régime de Kadhafi qui sont globalement celles de l'ensemble des régimes arabes : accaparement et transmission "dynastique" du pouvoir avec son corollaire : larges pans de la population livrés à eux-mêmes, — et rendus immatures, infantilisés au plan politique en raison de l’interdiction du pluralisme politique et syndical (parfois remplacé par un pluralisme de façade pour la galerie internationale), en raison également du confinement du mécontentement dans l'espace des mosquées —, inégalités criantes, économie de rente, c'est-à-dire une économie qui engendre « l’inutilité » de la pensée », l’exhortation à la paresse et à la corruption, etc.

Dans ces conditions, il n'est pas très difficile aux Occidentaux de trouver des relais locaux qui se laissent acheter, ne crachent pas sur les dons, l'argent, les armes, les aides et les promesses de toutes sortes, même si des patriotes sincères résistent tout en ayant conscience de l’infamie dans laquelle ils ont été tenus pendant des décennies.

C’est ici que la lutte politique et militaire contre les menées impérialistes marque sa faiblesse : elle inclut paradoxalement dans le même camp des fractions antagoniques : d’un côté, les privilégiés du régime agonisant, (parmi lesquels beaucoup d’opportunistes fuient le navire et se reconvertissent avant le chaos final), et d’un autre côté, de vrais patriotes, désarmés malheureusement, qui ne défendant pas un régime particulier, mais leur Etat contre une intervention étrangère, finissent par devenir l’ennemi de toutes les parties.

Il est arrivé à la Lybie, ce qui est en train d'arriver (ou arrivera) à nombre de pays arabes, (y compris aux alliés inconditionnels des USA si la raison d’Etat l’exige), qui non content de ne participer en rien au progrès universel, mais par gloriole, folie, par ennui, ou allez savoir pour quel autre motif extravagant, donnent des prétextes aux grandes puissances en versant dans le terrorisme d'Etat (Affaire Lockerbie par exemple), manifestent bruyamment des velléités de contrecarrer les intérêts des grandes puissances sans en avoir la capacité tout en négociant en sous-main avec elles, ou bien encore par un retour de caprice flirtent publiquement avec elles sans réfléchir au retour de bâton : rappelons-nous l’exhibitionnisme de Kadhafi à l'Elysée il y a peu, bref des pays qui donnent une idée si déplorable d’eux-mêmes que l’on pourrait croire que par bêtise et ignorance, ils préparent leur chute finale en croyant jouer avec l’Occident.

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Ali Mansouri

Ce mr Yacine K roule visiblement pour la propagande mensongère française et impérialiste en général sur la Libye, cessez de nous prendre pour des niais mr K on sait pour qui vous roulez à vouloir nous imposer, par la force, la propagande impérialiste sur la Libye, un pays vendu à l'Otan et aux occidentaux qui sont les vrais maitres de ce pays, il y a même, selon plusieurs analyses, des bases israéliennes en Libye près des frontières algériennes. Les algériens, savent ce qu'est une vraie révolution, ils ne sont pas stupides pour avaler vos mensonges propagandistes. Cessez de nous imposer les articles de l'agence France Presse sur les sites algériens, tous les algériens savent tous que la Libye est sous contrôle impérialiste avec un gouvernement fantoche, à l'image de celui de l'Irak de Bush. Si vous tentez d'influencer l'opinion algérienne en faveur de la "nouvelle Libye" comme vous le dite, c'est raté, oui il y a une nouvelle Libye pas dans le sens que vous vous nous faire croire, par contre la Libye de l'anarchie, des guerres tribales, de la partition entre l'Est et l'Ouest de ce pays, existent bel et bien. Je vais vous faire entendre un autre son de cloche bien réel sur ce pays riche en pétrole qui n'appartient réellement plus aux libyens, si vous persistez à insulter l'intelligence du peuple algérien avec votre propagande nauséeuse. Ceci dit je rêverai de voir un pays voisin de l'Algérie réellement démocratique, mais hélas ce n'est qu'un voeux pieux.

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