Pour une praxis impérative face au pouvoir algérien

Le président Abdelaziz Bouteflika.
Le président Abdelaziz Bouteflika.

Les législatives de 2012 ont scellé un clivage larvé entre les Algériens. Ceux qui ont participé au vote et ceux qui les ont boycottés.

Ce clivage implique pour les uns leur complicité dans la reconduction du statut quo, qui leur garantit un accès conséquent a la rente des hydrocarbures. En échange, ils s’investissent par leur soutien dans la pérennisation du système de pouvoir dominant, qui a besoin d’une élite soumise pour expédier ses affaires de gouvernance, sans pour cela venir lui contester son hégémonie sur le pouvoir de décision, ni sur son caractère illégitime, encore moins sur ses passifs en matière de crime contre les droits humains et la dilapidation des biens publics commis par ce régime depuis l’indépendance nationale. Pour les autres, ils n’ont eu d’autres choix que le boycott pour la rupture ouverte avec le système, motivé par leur engagement dans la lutte pour l’instauration d’un état de droit.

L’Algérie se trouve ainsi scindée en deux parties qui se tournent le dos, laissant entrevoir un face à face en perspective, dont on ne peut prévoir à ce jour les conséquences. L’appel au boycott de ces derniers s’est soldé par une adhésion massive de la population, dont le taux de participation a avoisiné à peine les 13%.

Pendant que l’Algérie soumise avec sa myriade de partis politiques et de presse publique et "indépendante" sans substance courbe l’échine face à l’appel du régime dictatorial, l’autre Algérie, celle qui a pris le parti de se dresser contre le pouvoir despotique dominant, dans une posture de rupture, appel à la mobilisation, résiste et lutte pour mettre fin à la dictatu re. Dans le désordre certes, avec insuffisamment de détermination et de volonté, mais non sans avoir créé un précédent historique irréversible. Refusant la résignation et disant non à la soumission. La maturation de la radicalisation de ce défi est devenue possible à la suite d’un énième leurre de normalisation de la vie démocratique, dont la lassitude engendrée par son caractère répétitif et sournois a précipité la rupture. Celle-ci ouvre incontestablement la voie à un processus de lutte qui marque le début de la fin de la souffrance de tout un peuple, qui a été confiné depuis l’indépendance dans un état de marginalisation total.

Depuis l’avènement des révoltes dans les pays arabes durant l’année 2011, les élites algériennes et les partis politiques opposés à la dictature ont considérablement multiplié les appels à la mobilisation de la société pour en finir définitivement avec ce système. Elles se sont surtout exprimées en ordre dispersé, sans aucune concertation, ni unification de leurs actions. Ces appels, dont l’impact sur la conscience collective est non moins négligeable, sont restés lettre morte et n’ont pas abouti au résultat attendu. Ils se sont dissous, tel un écho lointain dans l’immensité et la complexité de la diversité du paysage politique et multiculturel de la société algérienne.

Ces appels partent tous du même constat, la gravité de la béance qui sépare le pouvoir du peuple. Caractérisée par la dissolution du lien social et la perte totale de confiance en l’État et en ses institutions. Débouchant sur un chaos sociétal, réduisant le peuple à une masse informe, qui n’a aucune perspective, que de subir la pression d’un pouvoir illégitime, despotique et corrompu.

D’une part, ils s’accordent sur le constat que le système est irréformable et qu’il n’a pas de solution d’échange, d’où l’appel à la nécessité de la rupture. Car le réformer, cela signifie la fin des privilèges, la neutralisation de la prédation, l’assainissement des passifs judiciaires de crimes et de dilapidation des biens publics, auxquels les coupables, qui sont les gestionnaires de ce système, devraient répondre. D’autant que ce pouvoir a impliqué presque la majorité du personnel administratif et des cadres des services de sécurité et des entreprises publiques dans un vaste réseau de corruption, à même de les entraîner inévitablement avec eux en cas de leur chute. Intelligemment orchestrée par ce pouvoir, cette stratégie ne laisse aucun choix à ses clients, que de le soutenir ou périr avec. Pour cette raison, toute l’opposition radicale s’accorde sur la rupture, car le constat est évident pour tous, le pouvoir ne peut s’en sortir de ce dilemme autrement que de reconduire indéfiniment ce système, qui lui garanti impunité et pérennité. De ce fait, ils s’accordent à reconnaître que le pouvoir occulte (DRS et cadres de l’armée) impliqués dans la conduite de ce système est certainement en train de manœuvrer pour la reconfiguration de la future coalition au gouvernement, la future assemblée nationale, la révision constitutionnelle qui se profile et la désignation du prochain président à l’horizon de 2014, pour que rien ne change.

D’autre part, cette opposition radicale s’accorde sur le fait que, pour atteindre son but, toute la stratégie du pouvoir en cette période est l’homogénéisation de la situation politique de façade par rapport à l’issue qui a été réservée aux révoltes arabes. En se soumettant aux forces impérialistes néolibérales et à leur tête les États-Unis, qui parrainent un leurre de façade démocratique à caractère conservateur, en échange de ne pas remettre en cause leur domination par des accords économiques, commerciaux et financiers inégaux, ainsi que leur alignement sur leurs options stratégiques. Car, si le pouvoir vient à refuser de souscrire à ce diktat, les États-Unis, soutenus par leurs vassaux européens et les monarchies du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ont le pouvoir et la volonté, au nom des droits de l’homme et de l’ingérence humanitaire, de leur faire une guerre ouverte avec l’aval de l’ONU et de la Ligue arabe.

Elle espère qu’une prise de conscience du peuple pouvant conduire à la mobilisation se manifestera à l’issue du processus des réformes annoncé, à partir du moment où il y aura le constat de la reconduction d’un avenir entravé, par un pouvoir sans perspectives de développement et qui tourne à vide sur lui-même.

C’est une grave erreur que de se limiter à ce constat. En vérité, le désordre et l’insuffisance de ces appels à la mobilisation sont imputables essentiellement à l’insouciance devant la complexité de la situation multiculturelle et pluriethnique de l’Algérie. Tous les constats relatifs à la déliquescence du pouvoir qui motivent leurs démarches, tout en étant communes, sont interprétés par une légitimation idéologique spécifique à chaque tendance au détriment des autres composantes du champ politique configurant l’opposition au système de pouvoir dominant. La complexité de la situation multiculturelle et pluriethnique ne présente pas moins d’une contrainte. La dépolitisation des consciences populaires entreprises par le pouvoir depuis l’indépendance et ses conséquences sur le renforcement de l’imaginaire politique conservateur constitue un obstacle de taille pour convaincre ceux qui sont aliénés dans un imaginaire mythologique religieux, qui est naturellement antinomique avec un projet de société véritablement démocratique, d’adhérer à des appels pour un projet de constitution d’un état sécularisé, synonyme d’état démocratique. De même pour les Algériens qui aspirent à un Etat sécularisé, qui leur garantit toutes les libertés, y compris la liberté de conscience, ne peuvent adhérer à des appels émanant d’une élite conservatrice, dont le projet de société qu’ils proposent contredit leur aspiration, justement par ce manque de sécularisation.

C’est une donnée qui n’est pas suffisamment prise au sérieux. Car les Algériens se trouvent généralement dans une situation de non contemporanéité, dans la mesure où ils refusent les temps présents. Devant cette situation, les Algériens ouverts au monde contemporain, même minoritaires, seront contraints de s’engager dans une seconde rupture, pour clarifier leur démarche et leur projet de société en dépassant les pratiques de bricolage idéologique. Cette rupture, contre les forces réactionnaires et antidémocratiques au sein de la société elle-même cette fois, apparaît à l’évidence comme une nécessité indispensable. Car l’État totalitaire est ancré dans la psyché collective.

Les appels émanant des nationalistes conservateurs, qui veulent se démarquer du pouvoir central, se fondent généralement sur un projet d’établissement d’un État hybride, à cheval entre la modernité et la tradition, mais à dominante conservatrice. Ils recourent généralement à une rhétorique populiste, qui consiste à s’attirer la sympathie du peuple, par l’exaltation de ses faiblesses culturelles induites par l’ignorance dans laquelle le pouvoir dominant l’a confiné. Ils instrumentalisent un anti-occidentalisme primaire, mi-savant, une sorte d’hybridation culturelle, qu’ils font valoir comme discours mobilisateur pour une fausse rupture avec le système dominant et l’instauration d’un régime démagogiquement démocratique. Cet anti-occidentalisme considère à tort que les acquis des lumières servent d’alibi à l’impérialisme et à la domination de l’Occident. Leur antithèse aux valeurs des lumières débouche sur une attitude narcissique, en opposant l’ersatz du fantasme identitaire comme défi à ces valeurs universelles. La revendication de la souveraineté dans des valeurs islamiques se fonde sur une vision autarcique dans leur rapport aux autres. C’est un défi lancé à l’Occident et à la modernité, mais condamné à ne pas trouver de valeurs de substitution et d’échange à celles de l’universalité de la raison des lumières. Le discours identitaire nourri uniquement du ressentiment et de la négation de l’autre ne peut aboutir qu’à la régression.

Plus autarciques, les appels des islamistes radicaux, théocratiques, anachroniques, se fondent sur l’établissement d’un État théocratique et prônent l’application stricte de la charia. Ils incarnent la radicalité du défi contre les valeurs universelles. Ils considèrent le mythe théocratique comme la fin de l’histoire.

La démocratie ne peut se concevoir en dehors d’un projet de société sécularisé, car sitôt, elle sera confrontée à une limitation des libertés religieuses et, donc, des libertés de conscience. Si aux origines du mouvement national, la problématique identitaire était une stratégie de contestation de la spécificité de la personnalité algérienne par opposition à la personnalité coloniale, cela ne pouvait de ce fait signifier que le projet de société, objet des luttes pour l’indépendance, devenait de facto une référence exclusive.

Les appels des Kabyles, qui se fondent sur la partition de la nation, donne une occasion supplémentaire au pouvoir dominant, pour affaiblir les forces qui s’opposent à son hégémonisme. Dans leur délire séparatiste, les Kabyles confondent le concept de culture avec l’identité ethnique.

L’identité algérienne tout compte fait ne pouvait se réduire à son caractère berbère et arabo-islamique et à leurs valeurs exclusives. Plusieurs peuples et plusieurs cultures ont effectivement participé à la constitution de l’algérianité. La richesse du peuple algérien se mesure à son fort taux de métissage et de multiculturalisme. Ainsi, les Égyptiens, les Hébreux, les Grecs, les Phéniciens, les Romains, les Byzantins, les Arabes, les Espagnols, les Ottomans, les Français, et autres Maltais, Portugais, Africains subsahariens…, ont contribué à l’élaboration de la culture algérienne. La conquête arabo-islamique, de l’avis des historiens, n’a pas déplacé de nombreuses populations, et l’invasion hilâlienne s’avère être plus une exagération mythique au service de l’idéologie, qu’une réelle colonisation de peuplement. Il conviendrait de considérer les Algériens d’aujourd’hui, pour être plus plausible, comme étant majoritairement des Amazighs confrontés en permanence au dialogue interculturel, par leur position géostratégique au confluent entre méditerrané, proche orient et Afrique, et fortement acculturés par la culture arabo-islamique, que de les assimiler à des Berbères où a des Arabes, ce qu’ils ne sont pas en réalité. C’est pour cela que la sécularisation est une base politique capable d’absorber tous ces clivages et faire de l’Algérien un citoyen jouissant d’une situation transculturelle à l’avant-garde de l’Humanité. Cela nous évitera autant de dangers de partition de l’Algérie, en autonomie kabyle par exemple, on pourra aussi envisager l’autonomie du M’Zab, des Chaoui, des Touaregs, si le processus d’autonomie de la Kabylie aboutit on ne saura pas jusqu’où il peut nous mener. Cette perspective correspond exactement au projet impérialiste pour la région dans son projet de grand moyen orient. Partition de ces pays en sous-États à caractères religieux, ethniques ou tribaux, pour rendre plus facile leur inféodation.

Malgré tous ces obstacles et leur difficile résorption apparente, les forces démocratiques ne sont pas pour autant au bout de leurs peines, car ils doivent encore faire face à un autre problème, qui pèse à son tour de tout son poids sur les conditions de rassemblement de ces forces. Il s’agit d’une forte aliénation de la société dans une structure mentale patriarcale qui l’affecte profondément, malgré leur apparente émancipation politique.

L’Algérie ne peut plus aujourd’hui se permettre de continuer dans ce sens. L’enlisement et la dangerosité de la situation exigent que ces appels aillent plus loin et s’imposent comme praxis, au sens d’une véritable théorie de l’action. Devant cette exigence, les appels à la mobilisation émanent de personnalités indépendantes et de partis politiques ayant consommé la rupture avec le pouvoir dominant, devraient être également fondé sur cette double rupture, qui en appel à une véritable révolution culturelle, et doivent être accompagnés par des tentatives insistantes de rapprochement entre les différentes forces démocratiques présentes dans le champs politique.

Demander au peuple de se mobiliser sans pouvoir le faire soi-même, en allant vers les autres, en cherchant la coalition la plus large possible, relève du non-sens. C’est certainement à ce prix-là, que le rassemblement des forces qui luttent pour une nation souveraine puisse s’accomplir.

Youcef Benzatat

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Commentaires (14) | Réagir ?

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youcef benzatat

@moncef Alloui

Et vous appeler ça un commentaire ! Je vous ai pourtant conseiller d'aller vous cultiver un peut, ça va peut être contribuer à l'inhibition de votre bestialité. À moins que votre employeur le DRS a plutôt besoin d'abrutis tel que vous et n'a que faire de gens dignes comme ceux qui fréquentent ce canard très libre. Vous ne devriez pas vous sentir fier en donnant à manger à votre famille avec un argent gagne lâchement en faisant le larbin chez ton maître. Bon courage !

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moncef alaoui

Nous être abrutis monsieur benzoutout. nous manger beaucoup et être gros et gras. nous aimer énoormément bonne viande fraiche (surtout cuisses), gazouz hamoud et chouiya osbane. vous être choqué par commentaire de moi? moi rire quand vous écrire avec des mots savants. je connais un vrai savant qui se nomme Edison. vous connaitre? lui lumière. vous ? vous hizb franssa. Mais ce qui m'inquiète c'est que vous considériez le Matin dz comme un canard libre!!!! faut arrêter de fumer la moquette benzoutout. et chutttttt, toi pas révéler moi etre sdr ou dsr, ou d.... s

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Ali Mansouri

J'ai un grand respect pour vos écrits oh combien riches en informations, et pourtant j'ai l'esprit très critique, s'il vous plait, ne tenez pas compte des aboiements stériles de certains, comme le grossier personnage qui vous a insulté sans apporter le moindre argument sérieux pour vous contredire, je suis certain qu'il n'est même pas algérien, nous savons que des centaines d'infiltrés mekhzéniens et sionistes s'ingèrent dans les débats algériens pour orienter le débat, insulter les intervenants, entraver le débat sans contribuer à son enrichissement, leur seule force est la diffamation, l'insulte, la désinformation. Bonne continuation Mr Benzatat et laisser svp les chiens aboyer.

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moncef alaoui

Une "praxis"... po po po... pot de chambre! c'est quoi cette diarrhée verbale benzoutout? faut te faire soigner mon pète (pas mon pote) sinon on va te chasser... mais bien sur Lematindz va te garder car l'égout et les colères s'acoquinent.... (pouah!!!).

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