Al Qaïda au Maghreb islamique : la toile d’araignée

Al Qaïda au Maghreb islamique : la toile d’araignée

Un rapport parlementaire français dévoile l’organisation, le mode de fonctionnement et d’opération d’Al-Qaida au Maghreb islamique.

Le rapport des experts français note que le nom d’Aqmi –"Al Qaida au pays du Maghreb islamique" –  est apparu pour la première fois le 24 janvier 2007. En 2006, le "Groupe salafiste pour la prédication et le combat" ("GSPC" de Hassan Hattab troque son nom pour cette nouvelle appellation, parachevant ainsi son allégeance à l’organisation d’Oussama Ben Laden décidée le 11 septembre 2006 pour marquer le triste anniversaire des attentats de Word Trad.

Sur la loi de la "concorde civile" promulguée par le président Bouteflika en juillet 1999, le rapport estime qu’elle a non seulement échoué mais elle a produit l’effet contraire de celui attendu par ses initiateurs : "Elle a échoué à convaincre le GSPC de déposer les armes. Au contraire, l’organisation, en plus d’être le principal groupe armé dans le maquis algérien, étend son action au désert et renforce ses capacités en accueillant en son sein, en juillet 2000, Mokhtar Belmokthar qui a séjourné en Afghanistan et au Pakistan au début des années 90"

Du "GSPC" à  "Al Qaïda au Maghreb islamique"

Le rapport remonte le parcours de Belmokhtar et donne quelques informations qui en attestent sa présence actuelle en tant qu’"émir" le plus influent, jouissant de la plus "grosse part" du territoire du Sahel sous son contrôle : "Il revient en Algérie en pleine guerre civile et crée une cellule dans le sud de l’Algérie. Il se spécialise dans le trafic de cigarettes importées de l’Afrique noire à destination du Maghreb et reçoit le sobriquet de Mister Marlboro"

Ainsi la concorde civile, loin de produire l’effet escompté a contribué à radicaliser davantage le groupe terroriste du GSPC qui prête allégeance à l’organisation terroriste internationale d’Oussama Ben Laden. Le GSPC devient donc une "aile internationaliste" et Hassan Hattab  va profiter de "l’énorme retentissement des attentats contre le World Trade Center et le Pentagone pour relancer la lutte armée en Algérie et susciter le ralliement d’autres groupes terroristes." Cependant, note le rapport, "Sa stratégie défensive et strictement algérienne suscite des critiques au sein du GSPC. Une aile «internationaliste», portée par 2 commandants de l’organisation, Nabil Sahraoui et Abdelmalek Droukdal, plaide pour une extension du djihad en dehors de l’Algérie. L’invasion de l’Irak par les Etats-Unis, en mars 2003, renforce les tenants de cette ligne et, en août 2003, Sahraoui et Droukdal renversent Hattab. Sahraoui devient le nouvel émir du GSPC. Il est tué dans un accrochage avec l’armée algérienne en juin 2004 et Droukdal lui succède à la tête du GSPC. Admirateur d’Al-Zarqaoui, le chef d’Al Qaida en Irak, Droukdal se rapproche de lui et lui envoie des combattants en provenance du  Maghreb et entraînés dans les maquis algériens. Cette collaboration permet à Droukdal d’asseoir son autorité sur ces troupes et aguerrit nombre de combattants maghrébins qui pourront ensuite utiliser leur expérience dans la lutte contre le pouvoir algérien."

Selon l’analyse des experts français, l’abandon de l’organisation primitive et locale du GSPC pour un redéploiement d’envergure internationale : "Pour remercier le GSPC, Al-Zarqaoui, en juillet 2005, fait kidnapper et exécuter 2 diplomates algériens en poste à Bagdad. Cela incite Droukdal à demander l’affiliation du GSPC à Al-Qaida.Il est soutenu, dans cette démarche, par Al-Zarqaoui qui avait emprunté la même voie en 2004. Ben Laden confie la gestion de ce dossier à son bras droit, l’Egyptien Al-Zawahiri.» Al Qaida qui souhaitait depuis longtemps étendre ses réseaux vers l’Afrique du Nord,  trouve, analysent les experts français, grand intérêt à accéder à la requête de Droukdal "dont l’organisation dispose de sanctuaires en Algérie et qui fait preuve d’un grand dynamisme en lien avec son engagement anti-américain en Irak". Après plusieurs mois de négociations, Al-Zawahiri annonce, le 11 septembre 2006 -la date n’est pas choisie au hasard-, l’allégeance du GSPC à Al Qaida. L’affiliation du GSPC à Al Qaida doit se traduire par un changement de nom. Le 24 janvier 2007, Droukdal annonce ainsi la transformation du GSPC en "Al Qaida au pays du Maghreb islamique" (AQMI).

Une nouvelle stratégie

Selon ce document des parlementaires français, l’avènement d’AQMI correspond à l’apparition d’une nouvelle stratégie de combat qui fait entrer l’ex-GSPC sur la scène djihadiste mondiale : "A ce titre, l’année 2007 est marquée par une violence inouïe, en particulier avec l’introduction, en Algérie, de la méthode de l’attentat suicide largement utilisée en Irak. Le 11 avril, des kamikazes font exploser leurs voitures près d’un commissariat de police et du siège du Gouvernement à Alger. 33 personnes sont tuées. Le 11 juillet, une attaque suicide contre une patrouille militaire, à l’est d’Alger, tue 8 soldats. Le 6 septembre, à Batna, un attentat kamikaze vise la foule attendant la visite du Président Bouteflika, tue 25 personnes et fait une centaine de blessés. Le 11 décembre, un double attentat frappe, à Alger, l’immeuble du Haut commissariat aux réfugiés et celui du Conseil constitutionnel. 67 personnes sont tuées et 177 blessées."

Malgré ce pic dans les attentats et la folie meurtrière qui frappent au cœur du pouvoir algérien, le document insiste sur l’ « incapacité » de cette organisation, contrairement à ce qu’avaient envisagé Ben Laden et Al-Zawahiri au moment de son affiliation à Al Qaida, de dépasser sa logique algérienne et de mener des actions sur le sol européen : "Ainsi, en dépit des efforts en ce sens, AQMI ne parvient pas à fédérer les groupes djihadistes présents au Maroc, en Tunisie ou en Libye. Certes, des Maghrébins sont passé par ses camps d’entraînement mais plus pour aller en Irak que pour combattre en Afrique du Nord. De même, en décembre 2006, quelques semaines avant son changement de nom, le GSPC tente d’infiltrer 30 combattants en Tunisie mais ils sont démasqués et neutralisés, soulignant une fois de plus l’échec d’AQMI à embraser le Maghreb." De plus, est-il relevé dans le rapport :" En ce qui concerne d’éventuelles actions en Europe, le bilan est nul. AQMI n’a jamais réussi à toucher le territoire européen en raison, notamment, de l’efficacité de la coopération policière. Cette incapacité à atteindre la rive nord de la Méditerranée conduit AQMI à reporter sa violence meurtrière sur la présence étrangère en Afrique du Nord. Sont ainsi touchés, par une vague d’attentats, les expatriés travaillant en Algérie. Par ailleurs, fin 2007, les hommes de Belmokhtar assassinent 4 Français dans l’est de la Mauritanie et la menace qu’ils font peser sur le Paris-Dakar, qui doit s’élancer quelques jours après cet attentat, conduit à l’annulation de la course et à son transfert en Amérique latine. Le 8 juin 2008, AQMI tue un ingénieur français, à Lakhdaria, à l’est d’Alger, au prix de la mort de 11 civils algériens tués par l’explosion de 2 voitures piégées."

Influences et guerres de leadership

Sur le plan local, les forces de sécurité algériennes ont été « prises de court » par Al Qaïda au Maghreb islamique qui «doit faire face à une réponse plus efficace de ces forces de sécurité algériennes» par la vague d’attentats de 2007. Ce qui explique, selon les auteurs du document que «La violence terroriste chute alors sur de nombreux pans du territoire algérien et AQMI concentre ses actions dans les 3 provinces de Bouira, Tizi Ouzou et Boumerdès, surnommées le «triangle de la mort». Aqmi change ainsi de stratégie et se redéploie sur d’autres territoires précis : "Pour compenser les revers du djihad local, ses échecs maghrébins et le fait que le territoire européen demeure hors de sa portée, AQMI en vient à voir dans le flanc sud de l’Algérie la seule alternative pour concrétiser ses aspirations internationales. Certes, une pratique terroriste existait dans la zone sahélienne avant l’avènement d’AQMI. En février 2003, par exemple, le GSPC avait procédé au rapt de 32 touristes européens dans le Tassili (sud-ouest algérien). Le commando d’une vingtaine d’hommes, dirigé par Abderrazak El-Para, avait réussi à échanger la libération des 31 otages contre une rançon de 5 millions de dollars, assurant ainsi une célébrité accrue au GSPC et faisant du rapt un mode d’action privilégié du terrorisme sahélien" La rapport parlementaire français relève que  l’extension des activités d’AQMI au Sahel va prendre une tournure plus violente par les luttes intestines au sein de l’organisation terroriste dont les chefs se disputent le leardership dans la région où ils ont fait leurs armes de contrebandiers.

Cette concurrence entre Belmokhtar et Abou Zeid consiste à qui aura le plus d’otages possibles. "Le premier est connu pour son implication dans un trafic de cigarettes entre l’Afrique noire et le Maghreb. C’est le chef historique d’une katiba, c’est-à-dire un bataillon de 80 membres et il est davantage considéré comme un homme d’argent que comme un religieux. Abou Zeid, lui, est un contrebandier algérien qui organisait des trafics entre la Libye et l’Algérie. Après avoir passé des années dans le GIA, il gagne le GSPC puis rejoint AQMI en montant en grade. Il devient le chef d’une katiba de 120 membres et est parfois nommé, de par son ambition et sa cruauté Al- Zarqaoui du Sahel."

La spirale de la violence qui meurtrit la zone sahélienne résulte de cette  rivalité entre les deux hommes en concurrence au sein d’AQMI dont les "émirs" rivalisent en prises d'otage et en surenchères des rançons.

Ce rapport qui s’appuie sur des faits largement répercutés par la presse, montre comment et pourquoi  un mouvement terroriste essentiellement centré sur l’Algérie, le GSPC, a peu à peu changé de nature pour devenir une organisation étendant ses activités sur le territoire de plusieurs Etats et capable de mener des actions spectaculaires : "Une organisation et un mode de fonctionnement qui lui assurent de la souplesse et de l’autonomie". Le rapport décrit également les réseaux du cartel de la drogue et du marché informel des cigarettes que contrôle Al Qaïda au Maghreb islamique.

Synthèse R.N

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Commentaires (2) | Réagir ?

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mohammed boucetta

Je vais vous dire: si le départ de ce qui nous gouverne en algerie doit passer par la case islamique j'accepte de prendre le risque ! si ces islamiques pronant un islam d'un autre age, revenu de cette vieille abbasside pleine de ride, se montrent les seuls capables de faire chuter enfin le regime actuel alors je les invite à monter vers la capitale. une fois au pouvoir en algérie, il faudra pourtant que nos barbus mettent de l'eau dans leur vin (passer moi l'expression inapproprié ici.), que la charia de l'ecole malikite rouvre les portes de l' ijtihad (qu'on a dit definitivement fermé, il y a plus d'un millénaire deja.) l'algerie devra ensuite prendre pour modéle la turquie, par exemple. celle d'un islam actualisé dans tous les cas, compatible avec notre siecle. en bref, je n'ai pas la patience d'attendre encore 50 ans de plus...

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Aghioul Amchoum

Pourquoi ce n´est pas notre parlement qui fait ce rapport ? Et pourtant c´est plus facile pour nos députés vu que ca se passe chez nous !