L’Algérie olympique : entre la fortune et le souffre-douleur

La délégation algérienne  aux JO de Londres
La délégation algérienne aux JO de Londres

"Si vous gagnez sans progresser, vous ne serez jamais champion". John McEnroe

C’est à peu près quoi 39 athlètes partant aux joutes olympiques pour une population juvénile adulte – à l’âge de pratiquer le sport de compétition – de quelque 5 millions d’habitants sans compter le million et demi d’étudiants et les centaines de milliers de lycéens des classes supérieures ? Soit, pour rester dans l’ordre des grandeurs admis, deux bons millions de filles et garçons en âge d’être compétents dans les tournois sportifs internationaux et de cela tâchons d’en tirer quelque 100.000 licenciés toutes disciplines sportives confondues, du tir à l’arc au football, en passant par le tennis de table, l’aviron et bien sûr le judo, la boxe, le handball et l’athlétisme. Ce qui représente petit dans la moyenne relative aux nations sportives, dans le proportionnel démographique, bien entendu.

Sport souffre-douleur

Ce n’est pas une interrogation, cet extraordinaire chiffre de 39, mais une réponse. La réponse à la disqualification du sport en Algérie dès la base, c’est-à-dire à l’école où la matière sportive n’est pas prise en charge car le régime impose la discipline de l’éducation religieuse plus facile à injecter dans les esprits saints des petits enfants que le sport qui aux tenants de ce régime du boulot intelligent, faculté difficile à dégoter dans leur proximité. Quand le pédagogue le plus abruti n’ignore pas que le talent, sinon le génie, se découvre à la première enfance. Il commence à se cultiver à partir de cet âge. Mais n’allons pas jusque-là, sauf exception, les milliers de collèges en Algérie, où officiellement l’éducation physique et sportive est une discipline parmi les autres dans l’instruction générale, les installations inhérentes à cette pratique n’existent pas. Les élèves, pour ce faire, sont traînés dans la cour de l’établissement, le préau, ou carrément dans les corridors quand il pleut, quand bien même ça perturbe le reste du collège dans ses classes. Certains braves chefs jouent serré dans les vacations afin de libérer ici et là une salle de libre pour ne pas sécher le cours. Le cours qui consistera à faire gambader les gosses, sans plus, jusqu’à la transpiration dont ils s’accommodent jusqu’au retour à la maison.

Dans les lycées, ce n’est pas moins désastreux. L’élève accède à ce type d’enceinte pédagogique à l’adolescence, à l’"explosion" de l’organisme pour parler comme les physiologistes, cette tranche de la vie où l’activité sportive, en dehors du souci de la compétition, encore moins de la performance, est la condition du salut du corps et de l’esprit. Que fait-il dessiner le maître de l’ouvrage, c’est-à-dire la personne morale qui mandate l’édification d’un lycée dans lequel viendraient s’épanouir des filles et des garçons qui ont entre, disons, quinze et dix-huit ans, dans la rubrique concernant l’infrastructure du sport ? Rien. Nonobstant un petit stade quelconque, qui peut être de football, de handball, de volley-ball, de basket-ball, mais qui en réalité fera juste tourner les élèves après les mouvements standards qu’on ne pratique qu’en taule, il n’est pas prévu de gymnase avec ses douches, ses vestiaires, une piste de lancer ou autre adaptation de discipline de spécialité.

Dans l’indigence des campus

Autrement dit, le bachelier, s’il en est, accède à l’Université – où normalement il est confortablement assis sur une bonne licence dans un sport donné qu’il pratique régulièrement avec plus ou moins de bonheur – avec le moral sportif qu’il détenait à son entrée au collège. Il va à la fac à cet l’âge propices aux meilleurs records dans son pays et dans les pays voisins, mais il a depuis assez longtemps amorti ses projets d’envisager une carrière dans les compétions internationales capables de le hisser sur des podiums. Son statut d’étudiant anodin lui concocte déjà toutes les contradictions d’une pauvre société de convertis végétariens qui coure depuis un demi-siècle auprès d’une Université censée fabriquer les élites dans tous les domaines de l’activité humaine, les sports compris.

Le podium en Algérie depuis la nuit des temps – depuis Mimoun, même sous le joug colonial – compte sur le miracle du phénomène individuel, pêle-mêle étalé dans l’histoire, Boualem Rahoui, les frères Morceli, Hassiba Boulmerka, dans l’athlétisme, Rabah Madjer, Ali Bencheikh, Lakhdar Belloumi, Mustapha Kouici, dans le foot, Lamdjadani, Amara, Hammiche dans le hand, les Abbad, les Meridja, Dahmani, Harkat, Salima Souakri, Soraya Haddad, dans le judo, Loucif Hamani, Bengasmia, Oudahi, Rahou dans la boxe, et dans beaucoup d’autres sports encore qui ne possèdent pas d’ancrage important auprès du grand public. Il y en aura demain, c’est certain, sous forme d’espèce de jet explosif générationnel, souvent, comme le cas des handballeurs de Aziz Derouaz, ou celui des athlètes du Mouloudia d’Alger, ou les générations judo et boxe jaillis de clubs ne comptant que sur soi parce que laissés pour compte.

Le sucre et l’incompétence

Les dirigeants algériens n’ont jamais été, individuellement ou en groupement d’affinité, porteurs de visions dans un domaine comme dans un autre. Ils n’ont pas de vision pour la Santé, pour l’Education, ils n’en auront pas pour le Sport. C’est l’esprit "djibouha ya laoulad, ouan tou tri, el moufid el moucharaka" dans une ambiance de management, dans le global ou dans le détail, dont n’envieraient pas les nations les plus catastrophiques dans leurs produits nationaux bruts, mais qui dans la plupart des compétitions internationales ramassent plus de trophées que l’Algérie. Les dirigeants algériens sont non seulement incompétents - soient-ils vraiment férus de sport ou faisant simplement semblant pour glaner l’étiquette – mais aussi naïfs. De cette naïveté malsaine qui s’accommode de toutes les lâchetés du profit personnel ou clanique juste propres à merder quand il s’agit d’une politique nationale d’engagement. Au point où lorsque l’on regarde de quelle manière le professionnalisme a été incrusté dans les associations sportives, on a l’impression que ça s’est fait pour faire encore plus de mal aux sport ; tous les clubs se retrouvent ainsi encore plus fragiles, moins performants et tous, sans exception, submergés par les dettes. Des indiscrétions font état de bassesses inqualifiables, pour l’exemple du football, où les négociations sur le revenu des plus doués se topent sur la base de ristournes au profit des dirigeants. La fédération elle-même, par le biais de composantes familiales, détient de gros intérêts en commerce dans la communication et les services.

De cette déchéance, il resterait à vouloir l’anéantir encore mieux au travers d’un lâcher de chiens à propos d’un petit larcin d’enfant capricieux transformé en catastrophe nationale touchant l’honneur et la dignité de l’Algérie. A l’incident des magasins Décathlon en France durant la préparation des malheureuses volleyeuses, l’on ajoute tout de suite après, une fois la délégation arrivée à Londres, la fumisterie sur la subtilisation des vélos. Mais c’est que l’Algérien, rompu à saisir au vol le moindre faux mouvement "malversationnel" de la part de ses dirigeants à la tête de quelque responsabilité qui soit, il comprend ces "scoops" comme des préalables à des informations cachées derrière autrement plus retentissantes qui concerneraient des coupables tapis dans l’ombre. Qui s’en fichent éperdument du sport, ni des podiums. Parce que pour eux, du début à la fin, ce qui compte, "el mouhim", c’est le fromage.

Nadir Bacha

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Commentaires (10) | Réagir ?

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fatah mahiedine

Tous ces stages, ces competitions pour rien toutes cette preparations pour que dale?, se n'etait pas mieux de former entraineur à l'etranger afin qu'il ils reviennent avec des bagages qui remonterer le niveau actuel ?

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Mouloud FEKNOUS

La représentation algérienne aux JO est factice ! Des athlétes, il n'y en a plus beaucoup ou bien les bons ont émigrés.

Dans un pays où, les équipements sportifs, la prospection dés l'age de la maternelle (faut il encore qu'il y ait des écoles maternelles), l'apprentissage de l'esprit sportif (apprendre à ne pas avoir la grosse tête), apprendre le sens de l'effort permanent pour améliorer les resultats, etc..., n'existent plus alors que peut-on attendre!

Il faudra importer des sportifs chinois, au fait les meilleurs ont déjà été pris ! En Algérie, le corps n'est pas sain et l'esprit encore moins !

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