Gardes communaux : report de la marche et calomnies du pouvoir

Gardes communaux : report de la marche et calomnies du pouvoir

Les gardes communaux ont reporté leur troisième marche prévue hier, dimanche. En raison d'une extrême fatigue, plusieurs d'entre eux ont été évacués à l'hôpital. Dès leur première marche réprimée tout autant que la deuxième, le pouvoir a mené une campagne calomnieuse à leurs revendications qui, selon le communiqué du département d'Ould Kablia, n'ont aucune assise juridique...

La marche des gardes communaux prévue, hier, dimanche, n’a pas eu lieu ; ce ne sont pas les pressions, les intimidations et les répressions qui ont eu raison des émeutiers. Loin de là. Rassemblés depuis le 19 juillet à Boufarik, les gardes communaux ont décidé de reporter leur marche sur la Présidence. Selon Aliouat Lahlou, le délégué national du mouvement et délégué de Bouira : "La décision a été prise lors d’une réunion tenue aujourd’hui [dimanche 22 juillet, NDLR] après l’évacuation de quelque quatre?vingts gardes communaux à l’hôpital", précisant, au journal électronique TSA, dans son édition d'hier, que ces quatre?vingts gardes ont été évacués à l’hôpital essentiellement à cause de la fatigue. Selon la même source, une autre rencontre devrait réunir aujourd’hui, lundi, les représentants des gardes communaux pour fixer une nouvelle date pour une autre marche sur El Mouradia.

Plusieurs organisations humanitaires ont pris attache avec les protestataires en vue, sans doute, d’une action coordonnées, plus élargie, une marche, cette fois qui aurait le soutien sur le terrain d’organisations humanitaires, apprend-on de la même source. "Il y a des organisations humanitaires, dont la Ligue algérienne pour la défense des droit de l’Homme (Laddh) qui nous ont rendu visite. On recevra la visite d’autres associations demain (aujourd’hui lundi 23 juillet, NDLR)", explique Aliouat Lahlou. Une délégation de gardes communaux devrait rencontrer lundi les responsables du Croissant Rouge pour leur expliquer la situation.

Le mouvement ne s’est donc pas essoufflé malgré une campagne frauduleuse menée à leur encontre par les autorités qui, après avoir annoncé que les revendications étaient satisfaites, après la première marche réprimée du 11 juillet dernier, a, à la veille de cette marche reportée de ce dimanche 22, rendu public un communiqué qui met le feu aux poudres, annonçant que les réclamations exigées par les gardes communaux n’avaient aucune assise juridique et donc illégales, les qualifiant d’"exagérées".

La répression de la première marche des gardes communaux de Blida vers Alger le 11 juillet dernier n’a pas laissé indifférente l’Internationale des services publics (ISP)*. Cette dernière a tenu à interpeller le premier magistrat du pays, via une correspondance officielle envoyée le 18 juillet, sur les incidents qui ont émaillé cette manifestation. "Je vous écris au nom de l’Internationale des services publics (ISP), et de ses 20 millions de membres dans le monde entier, pour dénoncer vivement les violations et les atteintes aux droits syndicaux et droits humains en Algérie." ?Et de poursuivre : “Nous avons été informés que lors de la manifestation du 11 juillet 2012, à laquelle ont participé 45 000 gardes communaux pour protester auprès du ministère de l’Intérieur contre le non-respect des promesses faites par le gouvernement, les manifestants ont été victimes d’une violente répression policière.”

Évoquant le bilan de cette répression, l’ISP mentionne dans sa correspondance au chef de l'Etat "la mort de Lasfer Saïd, âgé de cinquante ans, et des centaines de manifestants ont été blessés. Plus de 44 personnes ont été arrêtées dans de mauvaises conditions. Les policiers leur ont confisqué les certificats médicaux prouvant qu’ils ont subi des sévices corporels”. Les personnes arrêtées ont été convoquées pour comparaître devant le tribunal le 26 juillet 2012. ?Elles sont accusées d’avoir bloqué les voies publiques. Parmi les manifestants, quatre sont portés disparus et leurs familles s’inquiètent de leur sort. L’ISP appelle, une fois de plus, “le gouvernement algérien à prendre les mesures nécessaires au bon respect des droits fondamentaux au travail, y compris les droits syndicaux et les libertés civiles. Nous l’appelons aussi à entamer les négociations sociales avec les gardes communaux.

Le 19 juillet dernier, nouvelle marche réprimée. Les gardes communaux n’ont pu atteindre le siège de la Présidence. Elle a été bloquée par un important dispositif sécuritaire auquel les manifestants se sont heurtés. Selon Aliouat Lahlou, représentant des gardes communaux de la wilaya de Bouira et membre de la Commission nationale de la corporation, les affrontements avec les agents de sécurité déployés en très grand nombre auraient fait plusieurs blessés parmi les gardes communaux au moment où quatre autres auraient été arrêtés.

Victimes d’une répression aveugle et d’une campagne médiatique mensongère, qui ourdit des complots plutôt qu’elle ne communique, les gardes communaux ne comptent pas en rester là. Car, faut-il le souligner, leurs revendications ne sont pas seulement de nature sociale, elles touchent éminemment, au politique, à tout le dispositif idéologique de la concorde civile mené tambour battant par Abdelaziz Bouteflika depuis treize années. Leur protestation est un refus cinglant de l’amnésie voulue par le pouvoir sur les 200.000 victimes du terrorisme islamiste et sur la lutte antiterroriste menée, au côté de l’ANP, par les Patriotes, les GLD et les gardes communaux qui sont devenus les témoins gênants de l’impunité accordée aux GIA par le concepteur d’une réconciliation nationale qui ne signifie rien d’autre qu’une trahison au point que ces gardes communaux qui marchent pour recouvrer leur dignité, lui sont devenus une "honte".

Prompt au dialogue avec l’islamisme politique et ses bras armés, se félicitant d’avoir initié une "voie diplomatique" au Mali avec ses "partenaires" d’Al Qaïda au Maghreb islamique, le pouvoir de Bouteflika, en réprimant les marches des gardes communaux, en menant contre leurs revendications légitimes une campagne calomnieuse, signe, son propre échec et creuse davantage son isolement des forces vives du pays.

R.N.

L’Internationale des services publics (ISP) est une fédération syndicale internationale représentant 20 millions de femmes et d’hommes qui travaillent dans les services publics de 150 pays à travers le monde. L'ISP défend les droits humains et la justice sociale et promeut l'accès universel à des services publics de qualité. L'ISP travaille avec les Nations Unies et en partenariat avec des organisations syndicales et de la société civile et d'autres organisations.

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