Enjeux arabes et maghrébins : Ennahdha, un RCD-hallal ?

Enjeux arabes et maghrébins : Ennahdha, un RCD-hallal ?

PAR ABDELATIF GHORBAL

Au lieu d’œuvrer à la réussite du processus démocratique, les ténors d’Ennahdha semblent avoir comme principal objectif leur maintien au pouvoir, par tous les moyens.À preuve, d’une part, leur refus de respecter le délai limite d’un an pour organiser les prochaines élections, et d’optersérieusement pour lanécessaire concorde afin d’élaborer une constitution neutre, équilibrée et tournée vers l’avenir. Et d’autre part, leur volonté d’accaparer tous les pouvoirs, et de soumettre la population par toutes sortes de peurs, notamment celle des salafistes. Sanscraindre le risque de finir un jour en simples continuateurs d’un système corrompu et dictatorial, tel celui façonné pendant 23 ans par le clan Ben Ali-Trabelsi et leurs acolytes.

Ennadha à l’école du RCD

Depuis quelques jours, les députés de ce qui reste du CPR s’activent au service de la stratégie nahdhaouis pour faire passer une loi interdisant de politique, pendant cinq ans, les anciens membres du RCD ayant occupé des responsabilités de quelque niveau que ce soit. Un conseiller à Carthage surenchérit dans les médias pour hausser le ton contre les juges et le ministre de la justice, leur reprochant leur respect tatillon de la loi, et leur absence de zèle pour engager une justice révolutionnaire contre les dignitaires de l’ancien régime. Celle-ci lui serait acceptable, même injuste selon ses propres mots, au motif que les lois en vigueur étaient taillées sur mesure pour les cercles du pouvoir renversé. En plus de leur caractère excessif, et au-delà des véritables motivations de leurs auteurs, ces initiatives manquent cruellement de clairvoyance et de cohérence. C’est, en creux, de la surenchère revancharde avec en ligne de mire une nouvelle lecture de l’histoire du pays depuis les années cinquante. On a du mal à voir leur initiative comme autre chose qu’un coup de main à leur grand allié, pour lui permettre de se débarrasser de ses principaux rivaux : les ex-RCD et les destouriens qui leur sont assimilés.Probablement parce qu’Ennahdha semble, contre toute logique, les craindre plus que tous les autres. Les considèrent-ils comme les seuls capables, même après la dissolution de leur parti et leur dispersion actuelle, de disputer au mouvement de M. RachedGhannouchi le pouvoir absolu ?Sans doute parce qu’ils possèdent la même conception du pouvoir et les mêmes techniques pour le garder. Malheureusement pour la Tunisie et leurs électeurs, le disciple Ennahda semble vouloir dépasser le maître RCD.

La mise en parallèle des méfaits du RCD et des agissements actuels d’Ennahdha montre de fortes similitudes entre l’État-RCD disparu et un État Ennahdha en devenir.Il n’est pas question pour nous de condamner les Nahdhaouispour ce qu’ils sont, ou pour des faits non encore commis. Ce qui est en cause principalement, c’est le système politique lui-même, beaucoup plus que les hommes qui se mettent à son service, hier comme aujourd’hui. Le RCD a été vaincu, mais le système est malheureusement intact.

Les mêmes méthodes pour arriver au pouvoir

Ennahdha, dans sa conduite des affaires, s’inspire étrangement et sans complexes des méthodes et des pratiques employées précédemment par Ben Ali et ses partisans. D’abord, comparons leursarrivées au pouvoir. Dans les deux cas, elles furent sans violence ; dans les deux cas, elles soulevèrent beaucoup d’espérances ; et dans les deux cas, elles furent basées sur des mensonges. Ben Ali avait promis de rompre avec la dictature de Bourguiba, d’instaurer la démocratie, et d’en finir avec la répression ; de même,Ennadha a promis d’en finir avec le système du parti-État, d’instaurer la démocratie, et d’en finir avec la répression. En fin de compte, à partir de 1987, rien n’a changé : Ben Ali a tout simplement remplacé Bourguiba, sans démocratie, et en réprimant ses opposants. Depuis le 23 octobre, pas une ligne de la constitution n’a été écrite, pas un emploi n’a été créé, et la répression contre l’opposition a repris de plus belle, avec les mêmes mots (des zéros, qui ne représenteraient personne) et les mêmes arguments (ils complotent !) que du temps de Ben Ali. Par contre, l’État Ennadha semble bien parti pour remplacer l’État-RCD.

Similitudes ensuite dans la gestion des affaires politiques, avec usage d’un discours policé mais spécieux, se référant toujours au respect des institutions et de l’État de droit. Alors que dans la pratique, il est davantage question de contraintes, de faits accomplis, de favoritisme, de népotisme,et de concentration de pouvoir.Ben Ali avait ses partis opposants, des alibis démocratiques, faisant décor car sans réelle influence sur les événements. Aujourd’hui, à voir la place et le peu d’influence des deux partenaires d’Ennahdha sur les grandes décisions, le CPR et Ettakatol, on peut s’interroger sur leur futur statut si jamais Ennahdhaparvenait à remplacer complètement le RCD.

Les nominations partisanes récentes au sein du gouvernement, ou à la tête des gouvernorats, des délégations, et des grandes entreprises nationales, sont des illustrations immédiates du fait du prince, comme furent,hier,les promotions, prébendes et faveurs distribuées depuis Carthage aux proches les plus dévoués et les plus soumis.C’estaussi le cas, en ce moment,pour les conseils municipaux provisoires, en voie d’accaparement par les Nahdhaouispour leur servir, le moment venu, de relais locaux en prévision des prochainescampagnes électorales.Les manœuvres constatées ici ou là pour inonder la place avec de nouvelles associations de la société civile, d’obédience nahdhaoui ou salafiste, constituent une violation des règles démocratiques élémentaires et une mise en danger du processus démocratique actuel.Issues de nulle part, celles-ci ne serviraient qu’à tenter de peser, par la force du pouvoir, sur la confection des nouveaux conseils municipaux provisoires partisans. C’est comme du temps où le RCD faisait infiltrer les associations de la société civile par ses sbires, pour les soumettre ou les faire éclater. Il y avait une fausse société civile RCD, il y a maintenant une fausse société civile Ennadha.

Naguère, du temps de Ben Ali, l’idée de l’existence d’une ISIE (Instance supérieure indépendante pour les élections), était inconcevable. Les élections étaient organisées et contrôlées par le ministère de l’intérieur, rendant possibles toutes les falsifications. Mais la révolution a donné à la Tunisie une ISIE, indépendante, qui a organisé avec succès les élections de la Constituante. Pourtant Ennahdha ne semble pas bien s’accommoder de cette structure bizarre, car indépendante, et qui n’existait pas du temps de Ben Ali. Tout récemment, au palais des congrès, rien n’est venu pour réellement rassurer les citoyens quant au degré d’indépendance d’une nouvelle instance issue de la Constituante, qui risquerait fort d’être estampillée « made in Ennahdha ».Une sorte d’instrument pour le pouvoir en place pour bien « contrôler » le déroulement des prochaines élections.Auquel cas il ne resterait plus qu’à craindre,comme par le passé,les falsifications futures des élections, et l’arrêt du processus démocratique actuel.

Les mêmes politiques pour rester au pouvoir

Les similitudes sont encore plus frappantes dans le type de rapports établis par les deux machines RCD et nahdhaoui avec les citoyens tunisiens. Dans les deux cas, on cherche toujours, par tous les moyens, àgagner leur totale adhésion, voire leur soumission inconditionnelle. Pour trouver des solutions à leurs besoins et préoccupations quotidiennes (un emploi, une promotion, un logement, une bourse d’étude, un permis de construire, une licence de café ou de taxi,…), les gens comprennent très vite qu’il leur serait plus facile d’obtenir satisfaction en acceptant de passer par la cellule du RCD (hier), et par la permanence nahdhaoui locale (demain). Pour les autres, il leur resterait la voie du bakchich et de la corruption. Ce fut le cas du temps de Ben Ali, et c’est connu de tous. Un avant-goût nous a été donné par Ennahdha lors des dernières élections, avec la distribution de moutons et d’argent et autres faveurs à des populations dans le besoin, pour en faire ses obligés. Attendons-nousdevoir apparaître les milicesnahdhaouisau grand jour et sévir contre les insoumis, comme par le passé, malgré les dénégations de M. Dilou.

Dans le domaine de la gestion économique et sociale du pays, les convergences sont encore plus frappantes. Le type de développement proposé par Ennahdha pourrait être la fidèle et pâle copie de celui de l’ère Ben Ali. Les grandes lignes des choix économiques et sociaux sont dans le droit fil des recommandations, ou plus concrètement des diktats des instances bancaires internationales (FMI, Banque mondiale…), qui sont prioritairement au service du capitalisme sans frontières, de la finance mondialisée, et des néo-libéraux sans foi ni loi, lesquelsse préoccupent davantage des mécanismes de financiarisation et de retour sur investissement, que de leurs conséquences, injustes et inhumaines, sur les populations à travers le monde, particulièrement dans les pays en développement. En bons élèves, les nouveaux suivront, comme les anciens l’ont fait, le principe du « moins d’État », alors que la situation présente exige, au contraire, plus d’État. On ne peut laisser le développement du pays et l’avenir de notre jeunesse à la merci du bon vouloir des financiers privés, ou autres bailleurs de fonds, qu’ils soient d’occident ou des déserts du Golfe. Les Ex-RCD et leurs disciples nahdhaouis, se révèlent bien imprégnés par l’idéologie libérale. Ils placent leurs espoirs sur les promesses de mégaprojets, présentés par des bailleurs privés, contre des avantages fonciers et fiscaux scandaleusement élevés. La liste des 100 projets promis par le gouvernement actuel dans son programme d’urgence ressemble étrangement à ce que récitait, dans ses discours creux, l’ex-président Ben Ali. On n’y trouve nulle part les grands projets d’infrastructure, dont le pays et ses chômeurs, de plus en plus nombreux, ont le plus grand besoin : désenclavement des régions de l’intérieur, développement des régions à fort potentiel économique, construction de routes, autoroutes, et ports, modernisation des lignes ferroviaires, investissements privés et publics dans les activités créatrices d’emplois, formation professionnelle dans tous les secteurs, particulièrement ceux à forte valeur ajoutée. Sans idées novatrices et sans programme audacieux tourné vers l’avenir, et intégré dans notre environnement naturel (Maghreb, espace euro méditerranéen…), les gouvernants actuels ne feront que reproduire les erreurs de l’ex-RCD.

Ennadha et le RCD connaitront-ils le même destin ?

Mais à l’inverse du RCD, qui a réussi à donner le change à ses détracteurset donner l’illusion de mouvement, qui lui a permis de tenir 23 ans, Ennahdhadépourvue des atouts de Ben Ali, échouera beaucoup plus vite que « l’artisan du changement ». De la même façon que Ben Ali a été un Bourguiba en pire, Ennadha semble se transformer en RCD en pire, avec tous ses défauts sans aucune de ses qualités. Par exemple, Ben Ali a bénéficié d’un long état de grâce de plusieurs années. En revanche, les insurgés d’aujourd’hui et les insoumis de demain ne laisseront aucun répit à un nouveau RCD, et réagiront dès la confirmation qu’Ennadha ne propose rien au pays, si ce n’est de remplacer le RCD. Rappelez-vous bien que Ben Ali a hérité d’un pays en état de marche, de cadres militants et expérimentés, d’une jeunesse engagée, enthousiaste et motivée. Ben Ali les a trompés, en leur proposant ce qu’ils voulaient entendre. Tous étaient abreuvés de promesses, qu’il n’a jamais tenues. Il a utilisé les compétences du pays, et leur a donné, durant les premières années, l’illusion que le pays était sur la bonne voie. De fait, la Tunisie a connu une éclaircie de quelques années, surtout comparé au chaos déclenché par les islamistes du FIS en Algérie. Puis des nuages gris, puis noirs, se mirent à couvrir le pays, semant incertitude, désordre, inquiétude, et désespoir parmi l’ensemble des couches sociales, jusqu’à la délivrance du 14 janvier 2011. Cela a pris, quand même, de nombreuses années.

Ennahdha, au lieu de s’inspirer positivement de l’expérience précédente, par exemple en refusant la tentation de remplacer le RCD, s’est mise d’elle même dans l’impasse, en dressant contre elle l’essentiel des forces vives du pays, les unes après les autres : les intellectuels et les médias, les artistes et les créateurs, les universitaires et les enseignants, les bourgeois et les professions libérales, les syndicalistes et les étudiants. Pire, elle continue de les insulter, jour après jour. Il faut ajouter à cela les femmes qui craignent pour leurs droits et acquis de l’ère bourguibienne, les investisseurs et entrepreneurs qui sont tétanisés par le climat social, et l’ensemble du peuple, y compris les électeurs d’Ennadha,stupéfait par l’insécurité généralisée, et la clémence du pouvoir envers les milices salafistes. Cela fait beaucoup de monde,en si peu de temps, et sans la confiance de ces personnes, on imagine mal comment la Tunisie pourra de nouveau connaître une croissance économique, même faible.

Ennahdhapréfère jouer la carte de l’identité et de la religion. Ce fut aussi la politique de Ben Ali, quand il a compris qu’il n’avait plus rien d’autre à proposer aux Tunisiens. C’est un terrain glissant. Lâcher les salafistes contre la société émancipée de Tunisie, en plus d’être mesquin, est dangereux et criminel vis-à-vis de la Tunisie millénaire. À moins que ce soit précisément l’objectif, ce que je ne peux pas croire. Pour garder le pouvoir, Ben Ali a joué avec Ennadha comme Ennadha est en train de jouer avec les salafistes. En échange de leur soumission, Ben Ali leur avait abandonné l’espace religieux, leur offrant en prime, la radio Zitouna. Il a perdu, et les mosquées, et le pouvoir. Les Nahdhaouis offrent le tapis kairouanais aux salafistes. Ils les reverront aussitôt à l’assaut de tout ce qui respire et pense dans le pays. À l’assaut d’Ennahdha dès qu’ils s’en sentiront la force. Qu’attendre de constructif de leurs démonstrations de force ridicules, qui suintent l’obscurantisme et la « sacralisation de l’ignorance et de la régression » ! Si Ennadha veut garder le pouvoir, elle doit faire l’inverse de ce qu’a fait Ben Ali. Ce ne sont pas les fanatiques et les pays du Golfe qu’il faut séduire, mais l’élite et les pays voisins qu’il faut rassurer, et le peuple qu’il faut nourrir. Arrêtez ce jeu. Il n’est pas encore trop tard.

Répéter les erreurs de Ben Ali est absurde. Perpétuer un système qui a échoué est le plus sûr moyen de le voir échouer de nouveau. Mais l’État Ennahda qui se dessine n’aura pas 23 années de répit comme a pu avoir l’État RCD. Le peuple ne s’est pas soulevé contre le RCD, mais contre le système de l’État-RCD. Prochainement, Ennadha tiendra son congrès. Ses membresauront à trancher, en interne, les questions qui nous préoccupent tous. Qu’ilsreviennent dans l’espace politique démocratique avec une ligne cohérente et constructive. Qu’ils se débarrassent de leurs boulets réactionnaires. Et qu’ils abandonnent l’idée de remplacer l’État-RCD par un État-Ennadha. La Tunisie ne l’acceptera jamais.

Abdellatif Ghorbal

Au lieu d’œuvrer à la réussite du processus démocratique, les ténors d’Ennahdhasemblent avoircomme principal objectif leur maintien au pouvoir, par tous les moyens.À preuve, d’une part, leur refus de respecter le délai limite d’un an pour organiser les prochaines élections, et d’optersérieusement pour lanécessaire concorde afin d’élaborer une constitution neutre, équilibrée et tournée vers l’avenir. Et d’autre part, leur volonté d’accaparer tous les pouvoirs, et de soumettre la population par toutes sortes de peurs, notamment celle des salafistes. Sanscraindre le risque de finir un jour en simples continuateurs d’un système corrompu et dictatorial, tel celui façonné pendant 23 ans par le clan Ben Ali-Trabelsi et leurs acolytes.

Ennadha à l’école du RCD

Depuis quelques jours, les députés de ce qui reste du CPR s’activent au service de la stratégie nahdhaouis pour faire passer une loi interdisant de politique, pendant cinq ans, les anciens membres du RCD ayant occupé des responsabilités de quelque niveau que ce soit. Un conseiller à Carthage surenchérit dans les médias pour hausser le ton contre les juges et le ministre de la justice, leur reprochant leur respect tatillon de la loi, et leur absence de zèle pour engager une justice révolutionnaire contre les dignitaires de l’ancien régime. Celle-ci lui serait acceptable, même injuste selon ses propres mots, au motif que les lois en vigueur étaient taillées sur mesure pour les cercles du pouvoir renversé. En plus de leur caractère excessif, et au-delà des véritables motivations de leurs auteurs, ces initiatives manquent cruellement de clairvoyance et de cohérence. C’est, en creux, de la surenchère revancharde avec en ligne de mire une nouvelle lecture de l’histoire du pays depuis les années cinquante. On a du mal à voir leur initiative comme autre chose qu’un coup de main à leur grand allié, pour lui permettre de se débarrasser de ses principaux rivaux : les ex-RCD et les destouriens qui leur sont assimilés.Probablement parce qu’Ennahdha semble, contre toute logique, les craindre plus que tous les autres. Les considèrent-ils comme les seuls capables, même après la dissolution de leur parti et leur dispersion actuelle, de disputer au mouvement de M. RachedGhannouchi le pouvoir absolu ?Sans doute parce qu’ils possèdent la même conception du pouvoir et les mêmes techniques pour le garder. Malheureusement pour la Tunisie et leurs électeurs, le disciple Ennahda semble vouloir dépasser le maître RCD.

La mise en parallèle des méfaits du RCD et des agissements actuels d’Ennahdha montre de fortes similitudes entre l’État-RCD disparu et un État Ennahdha en devenir.Il n’est pas question pour nous de condamner les Nahdhaouispour ce qu’ils sont, ou pour des faits non encore commis. Ce qui est en cause principalement, c’est le système politique lui-même, beaucoup plus que les hommes qui se mettent à son service, hier comme aujourd’hui. Le RCD a été vaincu, mais le système est malheureusement intact.

Les mêmes méthodes pour arriver au pouvoir

Ennahdha, dans sa conduite des affaires, s’inspire étrangement et sans complexes des méthodes et des pratiques employées précédemment par Ben Ali et ses partisans. D’abord, comparons leursarrivées au pouvoir. Dans les deux cas, elles furent sans violence ; dans les deux cas, elles soulevèrent beaucoup d’espérances ; et dans les deux cas, elles furent basées sur des mensonges. Ben Ali avait promis de rompre avec la dictature de Bourguiba, d’instaurer la démocratie, et d’en finir avec la répression ; de même,Ennadha a promis d’en finir avec le système du parti-État, d’instaurer la démocratie, et d’en finir avec la répression. En fin de compte, à partir de 1987, rien n’a changé : Ben Ali a tout simplement remplacé Bourguiba, sans démocratie, et en réprimant ses opposants. Depuis le 23 octobre, pas une ligne de la constitution n’a été écrite, pas un emploi n’a été créé, et la répression contre l’opposition a repris de plus belle, avec les mêmes mots (des zéros, qui ne représenteraient personne) et les mêmes arguments (ils complotent !) que du temps de Ben Ali. Par contre, l’État Ennadha semble bien parti pour remplacer l’État-RCD.

Similitudes ensuite dans la gestion des affaires politiques, avec usage d’un discours policé mais spécieux, se référant toujours au respect des institutions et de l’État de droit. Alors que dans la pratique, il est davantage question de contraintes, de faits accomplis, de favoritisme, de népotisme,et de concentration de pouvoir.Ben Ali avait ses partis opposants, des alibis démocratiques, faisant décor car sans réelle influence sur les événements. Aujourd’hui, à voir la place et le peu d’influence des deux partenaires d’Ennahdha sur les grandes décisions, le CPR et Ettakatol, on peut s’interroger sur leur futur statut si jamais Ennahdhaparvenait à remplacer complètement le RCD.

Les nominations partisanes récentes au sein du gouvernement, ou à la tête des gouvernorats, des délégations, et des grandes entreprises nationales, sont des illustrations immédiates du fait du prince, comme furent,hier,les promotions, prébendes et faveurs distribuées depuis Carthage aux proches les plus dévoués et les plus soumis.C’estaussi le cas, en ce moment,pour les conseils municipaux provisoires, en voie d’accaparement par les Nahdhaouispour leur servir, le moment venu, de relais locaux en prévision des prochainescampagnes électorales.Les manœuvres constatées ici ou là pour inonder la place avec de nouvelles associations de la société civile, d’obédience nahdhaoui ou salafiste, constituent une violation des règles démocratiques élémentaires et une mise en danger du processus démocratique actuel.Issues de nulle part, celles-ci ne serviraient qu’à tenter de peser, par la force du pouvoir, sur la confection des nouveaux conseils municipaux provisoires partisans. C’est comme du temps où le RCD faisait infiltrer les associations de la société civile par ses sbires, pour les soumettre ou les faire éclater. Il y avait une fausse société civile RCD, il y a maintenant une fausse société civile Ennadha.

Naguère, du temps de Ben Ali, l’idée de l’existence d’une ISIE (Instance supérieure indépendante pour les élections), était inconcevable. Les élections étaient organisées et contrôlées par le ministère de l’intérieur, rendant possibles toutes les falsifications. Mais la révolution a donné à la Tunisie une ISIE, indépendante, qui a organisé avec succès les élections de la Constituante. Pourtant Ennahdha ne semble pas bien s’accommoder de cette structure bizarre, car indépendante, et qui n’existait pas du temps de Ben Ali. Tout récemment, au palais des congrès, rien n’est venu pour réellement rassurer les citoyens quant au degré d’indépendance d’une nouvelle instance issue de la Constituante, qui risquerait fort d’être estampillée « made in Ennahdha ».Une sorte d’instrument pour le pouvoir en place pour bien « contrôler » le déroulement des prochaines élections.Auquel cas il ne resterait plus qu’à craindre,comme par le passé,les falsifications futures des élections, et l’arrêt du processus démocratique actuel.

Les mêmes politiques pour rester au pouvoir

Les similitudes sont encore plus frappantes dans le type de rapports établis par les deux machines RCD et nahdhaoui avec les citoyens tunisiens. Dans les deux cas, on cherche toujours, par tous les moyens, àgagner leur totale adhésion, voire leur soumission inconditionnelle. Pour trouver des solutions à leurs besoins et préoccupations quotidiennes (un emploi, une promotion, un logement, une bourse d’étude, un permis de construire, une licence de café ou de taxi,…), les gens comprennent très vite qu’il leur serait plus facile d’obtenir satisfaction en acceptant de passer par la cellule du RCD (hier), et par la permanence nahdhaoui locale (demain). Pour les autres, il leur resterait la voie du bakchich et de la corruption. Ce fut le cas du temps de Ben Ali, et c’est connu de tous. Un avant-goût nous a été donné par Ennahdha lors des dernières élections, avec la distribution de moutons et d’argent et autres faveurs à des populations dans le besoin, pour en faire ses obligés. Attendons-nousdevoir apparaître les milicesnahdhaouisau grand jour et sévir contre les insoumis, comme par le passé, malgré les dénégations de M. Dilou.

Dans le domaine de la gestion économique et sociale du pays, les convergences sont encore plus frappantes. Le type de développement proposé par Ennahdha pourrait être la fidèle et pâle copie de celui de l’ère Ben Ali. Les grandes lignes des choix économiques et sociaux sont dans le droit fil des recommandations, ou plus concrètement des diktats des instances bancaires internationales (FMI, Banque mondiale…), qui sont prioritairement au service du capitalisme sans frontières, de la finance mondialisée, et des néo-libéraux sans foi ni loi, lesquelsse préoccupent davantage des mécanismes de financiarisation et de retour sur investissement, que de leurs conséquences, injustes et inhumaines, sur les populations à travers le monde, particulièrement dans les pays en développement. En bons élèves, les nouveaux suivront, comme les anciens l’ont fait, le principe du «moins d’État», alors que la situation présente exige, au contraire, plus d’État. On ne peut laisser le développement du pays et l’avenir de notre jeunesse à la merci du bon vouloir des financiers privés, ou autres bailleurs de fonds, qu’ils soient d’occident ou des déserts du Golfe. Les Ex-RCD et leurs disciples nahdhaouis, se révèlent bien imprégnés par l’idéologie libérale. Ils placent leurs espoirs sur les promesses de mégaprojets, présentés par des bailleurs privés, contre des avantages fonciers et fiscaux scandaleusement élevés. La liste des 100 projets promis par le gouvernement actuel dans son programme d’urgence ressemble étrangement à ce que récitait, dans ses discours creux, l’ex-président Ben Ali. On n’y trouve nulle part les grands projets d’infrastructure, dont le pays et ses chômeurs, de plus en plus nombreux, ont le plus grand besoin : désenclavement des régions de l’intérieur, développement des régions à fort potentiel économique, construction de routes, autoroutes, et ports, modernisation des lignes ferroviaires, investissements privés et publics dans les activités créatrices d’emplois, formation professionnelle dans tous les secteurs, particulièrement ceux à forte valeur ajoutée. Sans idées novatrices et sans programme audacieux tourné vers l’avenir, et intégré dans notre environnement naturel (Maghreb, espace euro méditerranéen…), les gouvernants actuels ne feront que reproduire les erreurs de l’ex-RCD.

Ennadha et le RCD connaitront-ils le même destin ?

Mais à l’inverse du RCD, qui a réussi à donner le change à ses détracteurset donner l’illusion de mouvement, qui lui a permis de tenir 23 ans, Ennahdhadépourvue des atouts de Ben Ali, échouera beaucoup plus vite que « l’artisan du changement ». De la même façon que Ben Ali a été un Bourguiba en pire, Ennadha semble se transformer en RCD en pire, avec tous ses défauts sans aucune de ses qualités. Par exemple, Ben Ali a bénéficié d’un long état de grâce de plusieurs années. En revanche, les insurgés d’aujourd’hui et les insoumis de demain ne laisseront aucun répit à un nouveau RCD, et réagiront dès la confirmation qu’Ennadha ne propose rien au pays, si ce n’est de remplacer le RCD. Rappelez-vous bien que Ben Ali a hérité d’un pays en état de marche, de cadres militants et expérimentés, d’une jeunesse engagée, enthousiaste et motivée. Ben Ali les a trompés, en leur proposant ce qu’ils voulaient entendre. Tous étaient abreuvés de promesses, qu’il n’a jamais tenues. Il a utilisé les compétences du pays, et leur a donné, durant les premières années, l’illusion que le pays était sur la bonne voie. De fait, la Tunisie a connu une éclaircie de quelques années, surtout comparé au chaos déclenché par les islamistes du FIS en Algérie. Puis des nuages gris, puis noirs, se mirent à couvrir le pays, semant incertitude, désordre, inquiétude, et désespoir parmi l’ensemble des couches sociales, jusqu’à la délivrance du 14 janvier 2011. Cela a pris, quand même, de nombreuses années.

Ennahdha, au lieu de s’inspirer positivement de l’expérience précédente, par exemple en refusant la tentation de remplacer le RCD, s’est mise d’elle même dans l’impasse, en dressant contre elle l’essentiel des forces vives du pays, les unes après les autres : les intellectuels et les médias, les artistes et les créateurs, les universitaires et les enseignants, les bourgeois et les professions libérales, les syndicalistes et les étudiants. Pire, elle continue de les insulter, jour après jour. Il faut ajouter à cela les femmes qui craignent pour leurs droits et acquis de l’ère bourguibienne, les investisseurs et entrepreneurs qui sont tétanisés par le climat social, et l’ensemble du peuple, y compris les électeurs d’Ennadha,stupéfait par l’insécurité généralisée, et la clémence du pouvoir envers les milices salafistes. Cela fait beaucoup de monde,en si peu de temps, et sans la confiance de ces personnes, on imagine mal comment la Tunisie pourra de nouveau connaître une croissance économique, même faible.

Ennahdhapréfère jouer la carte de l’identité et de la religion. Ce fut aussi la politique de Ben Ali, quand il a compris qu’il n’avait plus rien d’autre à proposer aux Tunisiens. C’est un terrain glissant. Lâcher les salafistes contre la société émancipée de Tunisie, en plus d’être mesquin, est dangereux et criminel vis-à-vis de la Tunisie millénaire. À moins que ce soit précisément l’objectif, ce que je ne peux pas croire. Pour garder le pouvoir, Ben Ali a joué avec Ennadha comme Ennadha est en train de jouer avec les salafistes. En échange de leur soumission, Ben Ali leur avait abandonné l’espace religieux, leur offrant en prime, la radio Zitouna. Il a perdu, et les mosquées, et le pouvoir. Les Nahdhaouis offrent le tapis kairouanais aux salafistes. Ils les reverront aussitôt à l’assaut de tout ce qui respire et pense dans le pays. À l’assaut d’Ennahdha dès qu’ils s’en sentiront la force. Qu’attendre de constructif de leurs démonstrations de force ridicules, qui suintent l’obscurantisme et la « sacralisation de l’ignorance et de la régression » ! Si Ennadha veut garder le pouvoir, elle doit faire l’inverse de ce qu’a fait Ben Ali. Ce ne sont pas les fanatiques et les pays du Golfe qu’il faut séduire, mais l’élite et les pays voisins qu’il faut rassurer, et le peuple qu’il faut nourrir. Arrêtez ce jeu. Il n’est pas encore trop tard.

Répéter les erreurs de Ben Ali est absurde. Perpétuer un système qui a échoué est le plus sûr moyen de le voir échouer de nouveau. Mais l’État Ennahda qui se dessine n’aura pas 23 années de répit comme a pu avoir l’État RCD. Le peuple ne s’est pas soulevé contre le RCD, mais contre le système de l’État-RCD. Prochainement, Ennadha tiendra son congrès. Ses membresauront à trancher, en interne, les questions qui nous préoccupent tous. Qu’ilsreviennent dans l’espace politique démocratique avec une ligne cohérente et constructive. Qu’ils se débarrassent de leurs boulets réactionnaires. Et qu’ils abandonnent l’idée de remplacer l’État-RCD par un État-Ennadha. La Tunisie ne l’acceptera jamais.

Abdellatif Ghorbal

Au lieu d’œuvrer à la réussite du processus démocratique, les ténors d’Ennahdhasemblent avoircomme principal objectif leur maintien au pouvoir, par tous les moyens.À preuve, d’une part, leur refus de respecter le délai limite d’un an pour organiser les prochaines élections, et d’optersérieusement pour lanécessaire concorde afin d’élaborer une constitution neutre, équilibrée et tournée vers l’avenir. Et d’autre part, leur volonté d’accaparer tous les pouvoirs, et de soumettre la population par toutes sortes de peurs, notamment celle des salafistes. Sanscraindre le risque de finir un jour en simples continuateurs d’un système corrompu et dictatorial, tel celui façonné pendant 23 ans par le clan Ben Ali-Trabelsi et leurs acolytes.

Ennadha à l’école du RCD

Depuis quelques jours, les députés de ce qui reste du CPR s’activent au service de la stratégie nahdhaouis pour faire passer une loi interdisant de politique, pendant cinq ans, les anciens membres du RCD ayant occupé des responsabilités de quelque niveau que ce soit. Un conseiller à Carthage surenchérit dans les médias pour hausser le ton contre les juges et le ministre de la justice, leur reprochant leur respect tatillon de la loi, et leur absence de zèle pour engager une justice révolutionnaire contre les dignitaires de l’ancien régime. Celle-ci lui serait acceptable, même injuste selon ses propres mots, au motif que les lois en vigueur étaient taillées sur mesure pour les cercles du pouvoir renversé. En plus de leur caractère excessif, et au-delà des véritables motivations de leurs auteurs, ces initiatives manquent cruellement de clairvoyance et de cohérence. C’est, en creux, de la surenchère revancharde avec en ligne de mire une nouvelle lecture de l’histoire du pays depuis les années cinquante. On a du mal à voir leur initiative comme autre chose qu’un coup de main à leur grand allié, pour lui permettre de se débarrasser de ses principaux rivaux : les ex-RCD et les destouriens qui leur sont assimilés.Probablement parce qu’Ennahdha semble, contre toute logique, les craindre plus que tous les autres. Les considèrent-ils comme les seuls capables, même après la dissolution de leur parti et leur dispersion actuelle, de disputer au mouvement de M. RachedGhannouchi le pouvoir absolu ?Sans doute parce qu’ils possèdent la même conception du pouvoir et les mêmes techniques pour le garder. Malheureusement pour la Tunisie et leurs électeurs, le disciple Ennahda semble vouloir dépasser le maître RCD.

La mise en parallèle des méfaits du RCD et des agissements actuels d’Ennahdha montre de fortes similitudes entre l’État-RCD disparu et un État Ennahdha en devenir.Il n’est pas question pour nous de condamner les Nahdhaouispour ce qu’ils sont, ou pour des faits non encore commis. Ce qui est en cause principalement, c’est le système politique lui-même, beaucoup plus que les hommes qui se mettent à son service, hier comme aujourd’hui. Le RCD a été vaincu, mais le système est malheureusement intact.

Les mêmes méthodes pour arriver au pouvoir

Ennahdha, dans sa conduite des affaires, s’inspire étrangement et sans complexes des méthodes et des pratiques employées précédemment par Ben Ali et ses partisans. D’abord, comparons leursarrivées au pouvoir. Dans les deux cas, elles furent sans violence ; dans les deux cas, elles soulevèrent beaucoup d’espérances ; et dans les deux cas, elles furent basées sur des mensonges. Ben Ali avait promis de rompre avec la dictature de Bourguiba, d’instaurer la démocratie, et d’en finir avec la répression ; de même,Ennadha a promis d’en finir avec le système du parti-État, d’instaurer la démocratie, et d’en finir avec la répression. En fin de compte, à partir de 1987, rien n’a changé : Ben Ali a tout simplement remplacé Bourguiba, sans démocratie, et en réprimant ses opposants. Depuis le 23 octobre, pas une ligne de la constitution n’a été écrite, pas un emploi n’a été créé, et la répression contre l’opposition a repris de plus belle, avec les mêmes mots (des zéros, qui ne représenteraient personne) et les mêmes arguments (ils complotent !) que du temps de Ben Ali. Par contre, l’État Ennadha semble bien parti pour remplacer l’État-RCD.

Similitudes ensuite dans la gestion des affaires politiques, avec usage d’un discours policé mais spécieux, se référant toujours au respect des institutions et de l’État de droit. Alors que dans la pratique, il est davantage question de contraintes, de faits accomplis, de favoritisme, de népotisme,et de concentration de pouvoir.Ben Ali avait ses partis opposants, des alibis démocratiques, faisant décor car sans réelle influence sur les événements. Aujourd’hui, à voir la place et le peu d’influence des deux partenaires d’Ennahdha sur les grandes décisions, le CPR et Ettakatol, on peut s’interroger sur leur futur statut si jamais Ennahdhaparvenait à remplacer complètement le RCD.

Les nominations partisanes récentes au sein du gouvernement, ou à la tête des gouvernorats, des délégations, et des grandes entreprises nationales, sont des illustrations immédiates du fait du prince, comme furent,hier,les promotions, prébendes et faveurs distribuées depuis Carthage aux proches les plus dévoués et les plus soumis.C’estaussi le cas, en ce moment,pour les conseils municipaux provisoires, en voie d’accaparement par les Nahdhaouispour leur servir, le moment venu, de relais locaux en prévision des prochainescampagnes électorales.Les manœuvres constatées ici ou là pour inonder la place avec de nouvelles associations de la société civile, d’obédience nahdhaoui ou salafiste, constituent une violation des règles démocratiques élémentaires et une mise en danger du processus démocratique actuel.Issues de nulle part, celles-ci ne serviraient qu’à tenter de peser, par la force du pouvoir, sur la confection des nouveaux conseils municipaux provisoires partisans. C’est comme du temps où le RCD faisait infiltrer les associations de la société civile par ses sbires, pour les soumettre ou les faire éclater. Il y avait une fausse société civile RCD, il y a maintenant une fausse société civile Ennadha.

Naguère, du temps de Ben Ali, l’idée de l’existence d’une ISIE (Instance supérieure indépendante pour les élections), était inconcevable. Les élections étaient organisées et contrôlées par le ministère de l’intérieur, rendant possibles toutes les falsifications. Mais la révolution a donné à la Tunisie une ISIE, indépendante, qui a organisé avec succès les élections de la Constituante. Pourtant Ennahdha ne semble pas bien s’accommoder de cette structure bizarre, car indépendante, et qui n’existait pas du temps de Ben Ali. Tout récemment, au palais des congrès, rien n’est venu pour réellement rassurer les citoyens quant au degré d’indépendance d’une nouvelle instance issue de la Constituante, qui risquerait fort d’être estampillée « made in Ennahdha ».Une sorte d’instrument pour le pouvoir en place pour bien « contrôler » le déroulement des prochaines élections.Auquel cas il ne resterait plus qu’à craindre,comme par le passé,les falsifications futures des élections, et l’arrêt du processus démocratique actuel.

Les mêmes politiques pour rester au pouvoir

Les similitudes sont encore plus frappantes dans le type de rapports établis par les deux machines RCD et nahdhaoui avec les citoyens tunisiens. Dans les deux cas, on cherche toujours, par tous les moyens, àgagner leur totale adhésion, voire leur soumission inconditionnelle. Pour trouver des solutions à leurs besoins et préoccupations quotidiennes (un emploi, une promotion, un logement, une bourse d’étude, un permis de construire, une licence de café ou de taxi,…), les gens comprennent très vite qu’il leur serait plus facile d’obtenir satisfaction en acceptant de passer par la cellule du RCD (hier), et par la permanence nahdhaoui locale (demain). Pour les autres, il leur resterait la voie du bakchich et de la corruption. Ce fut le cas du temps de Ben Ali, et c’est connu de tous. Un avant-goût nous a été donné par Ennahdha lors des dernières élections, avec la distribution de moutons et d’argent et autres faveurs à des populations dans le besoin, pour en faire ses obligés. Attendons-nousdevoir apparaître les milicesnahdhaouisau grand jour et sévir contre les insoumis, comme par le passé, malgré les dénégations de M. Dilou.

Dans le domaine de la gestion économique et sociale du pays, les convergences sont encore plus frappantes. Le type de développement proposé par Ennahdha pourrait être la fidèle et pâle copie de celui de l’ère Ben Ali. Les grandes lignes des choix économiques et sociaux sont dans le droit fil des recommandations, ou plus concrètement des diktats des instances bancaires internationales (FMI, Banque mondiale…), qui sont prioritairement au service du capitalisme sans frontières, de la finance mondialisée, et des néo-libéraux sans foi ni loi, lesquelsse préoccupent davantage des mécanismes de financiarisation et de retour sur investissement, que de leurs conséquences, injustes et inhumaines, sur les populations à travers le monde, particulièrement dans les pays en développement. En bons élèves, les nouveaux suivront, comme les anciens l’ont fait, le principe du « moins d’État », alors que la situation présente exige, au contraire, plus d’État. On ne peut laisser le développement du pays et l’avenir de notre jeunesse à la merci du bon vouloir des financiers privés, ou autres bailleurs de fonds, qu’ils soient d’occident ou des déserts du Golfe. Les Ex-RCD et leurs disciples nahdhaouis, se révèlent bien imprégnés par l’idéologie libérale. Ils placent leurs espoirs sur les promesses de mégaprojets, présentés par des bailleurs privés, contre des avantages fonciers et fiscaux scandaleusement élevés. La liste des 100 projets promis par le gouvernement actuel dans son programme d’urgence ressemble étrangement à ce que récitait, dans ses discours creux, l’ex-président Ben Ali. On n’y trouve nulle part les grands projets d’infrastructure, dont le pays et ses chômeurs, de plus en plus nombreux, ont le plus grand besoin : désenclavement des régions de l’intérieur, développement des régions à fort potentiel économique, construction de routes, autoroutes, et ports, modernisation des lignes ferroviaires, investissements privés et publics dans les activités créatrices d’emplois, formation professionnelle dans tous les secteurs, particulièrement ceux à forte valeur ajoutée. Sans idées novatrices et sans programme audacieux tourné vers l’avenir, et intégré dans notre environnement naturel (Maghreb, espace euro méditerranéen…), les gouvernants actuels ne feront que reproduire les erreurs de l’ex-RCD.

Ennadha et le RCD connaitront-ils le même destin ?

Mais à l’inverse du RCD, qui a réussi à donner le change à ses détracteurset donner l’illusion de mouvement, qui lui a permis de tenir 23 ans, Ennahdhadépourvue des atouts de Ben Ali, échouera beaucoup plus vite que « l’artisan du changement ». De la même façon que Ben Ali a été un Bourguiba en pire, Ennadha semble se transformer en RCD en pire, avec tous ses défauts sans aucune de ses qualités. Par exemple, Ben Ali a bénéficié d’un long état de grâce de plusieurs années. En revanche, les insurgés d’aujourd’hui et les insoumis de demain ne laisseront aucun répit à un nouveau RCD, et réagiront dès la confirmation qu’Ennadha ne propose rien au pays, si ce n’est de remplacer le RCD. Rappelez-vous bien que Ben Ali a hérité d’un pays en état de marche, de cadres militants et expérimentés, d’une jeunesse engagée, enthousiaste et motivée. Ben Ali les a trompés, en leur proposant ce qu’ils voulaient entendre. Tous étaient abreuvés de promesses, qu’il n’a jamais tenues. Il a utilisé les compétences du pays, et leur a donné, durant les premières années, l’illusion que le pays était sur la bonne voie. De fait, la Tunisie a connu une éclaircie de quelques années, surtout comparé au chaos déclenché par les islamistes du FIS en Algérie. Puis des nuages gris, puis noirs, se mirent à couvrir le pays, semant incertitude, désordre, inquiétude, et désespoir parmi l’ensemble des couches sociales, jusqu’à la délivrance du 14 janvier 2011. Cela a pris, quand même, de nombreuses années.

Ennahdha, au lieu de s’inspirer positivement de l’expérience précédente, par exemple en refusant la tentation de remplacer le RCD, s’est mise d’elle même dans l’impasse, en dressant contre elle l’essentiel des forces vives du pays, les unes après les autres : les intellectuels et les médias, les artistes et les créateurs, les universitaires et les enseignants, les bourgeois et les professions libérales, les syndicalistes et les étudiants. Pire, elle continue de les insulter, jour après jour. Il faut ajouter à cela les femmes qui craignent pour leurs droits et acquis de l’ère bourguibienne, les investisseurs et entrepreneurs qui sont tétanisés par le climat social, et l’ensemble du peuple, y compris les électeurs d’Ennadha,stupéfait par l’insécurité généralisée, et la clémence du pouvoir envers les milices salafistes. Cela fait beaucoup de monde,en si peu de temps, et sans la confiance de ces personnes, on imagine mal comment la Tunisie pourra de nouveau connaître une croissance économique, même faible.

Ennahdhapréfère jouer la carte de l’identité et de la religion. Ce fut aussi la politique de Ben Ali, quand il a compris qu’il n’avait plus rien d’autre à proposer aux Tunisiens. C’est un terrain glissant. Lâcher les salafistes contre la société émancipée de Tunisie, en plus d’être mesquin, est dangereux et criminel vis-à-vis de la Tunisie millénaire. À moins que ce soit précisément l’objectif, ce que je ne peux pas croire. Pour garder le pouvoir, Ben Ali a joué avec Ennadha comme Ennadha est en train de jouer avec les salafistes. En échange de leur soumission, Ben Ali leur avait abandonné l’espace religieux, leur offrant en prime, la radio Zitouna. Il a perdu, et les mosquées, et le pouvoir. Les Nahdhaouis offrent le tapis kairouanais aux salafistes. Ils les reverront aussitôt à l’assaut de tout ce qui respire et pense dans le pays. À l’assaut d’Ennahdha dès qu’ils s’en sentiront la force. Qu’attendre de constructif de leurs démonstrations de force ridicules, qui suintent l’obscurantisme et la «sacralisation de l’ignorance et de la régression» ! Si Ennadha veut garder le pouvoir, elle doit faire l’inverse de ce qu’a fait Ben Ali. Ce ne sont pas les fanatiques et les pays du Golfe qu’il faut séduire, mais l’élite et les pays voisins qu’il faut rassurer, et le peuple qu’il faut nourrir. Arrêtez ce jeu. Il n’est pas encore trop tard.

Répéter les erreurs de Ben Ali est absurde. Perpétuer un système qui a échoué est le plus sûr moyen de le voir échouer de nouveau. Mais l’État Ennahda qui se dessine n’aura pas 23 années de répit comme a pu avoir l’État RCD. Le peuple ne s’est pas soulevé contre le RCD, mais contre le système de l’État-RCD. Prochainement, Ennadha tiendra son congrès. Ses membresauront à trancher, en interne, les questions qui nous préoccupent tous. Qu’ilsreviennent dans l’espace politique démocratique avec une ligne cohérente et constructive. Qu’ils se débarrassent de leurs boulets réactionnaires. Et qu’ils abandonnent l’idée de remplacer l’État-RCD par un État-Ennadha. La Tunisie ne l’acceptera jamais.

Abdellatif Ghorbal

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Commentaires (18) | Réagir ?

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Kynou djodjo

Franchement parlant je ne suis pas optimiste pour ce Pays frére et rien à dire de +

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Ali Mansouri

Si défendre son pays et son patriotisme contre les hordes d'imposteurs siono mekhzéniens qui infestent nos sites algériens, pour distiller de la haine envers l'Algérie et son peuple, un comportement sournois et malveillant propres à ces parasite lâches et arrogants qui s'affichent sous une fausse appartenance algérienne, est synonyme "d'être flniste et je ne sais quoi" surtout venant de de la part de lécheurs de babouche, je dis vous toz de la part d'un patriote algérien qui sait faire la distinction entre un vrai algérien même si je ne suis pas en accord avec ses idées et les lécheurs de babouche qui se permettent de s'immiscer dans les affaires internes algérienne qui ne les concernent pas, en vu de pervertir le débat et l'orienter. Cela est connu que des hordes de lécheurs de babouche envahissent nos sites pour insulter notre intelligence, eux les lécheurs de babouche.

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