Témoignage de dons aux Archives nationales 1995-2001

Mohammed Harbi a remis ses archives personnelles aux Archives nationales.
Mohammed Harbi a remis ses archives personnelles aux Archives nationales.

Extrait du livre d'Abdelkrim Badjadja sur les échanges avec historiens et témoins de la Révolution concernant la remise de leurs archives.

Abdelhamid Mehri

Abdelhamid Mehri, secrétaire général du parti du FLN à l'appareil :

- M. Badjadja, je vous appelle au sujet des archives du FLN qui sont en notre possession…

- Oui, ces archives nous intéressent au plus haut point !

- Justement, mais il faudrait au préalable définir leur statut juridique…

- En vertu des dispositions de la loi 88/09 relative aux archives nationales, article 5, les archives du parti du FLN sont classées comme archives publiques, au même titre que les archives de l'Etat…

http://www.joradp.dz/JO8499/1988/004/F_Pag.htm (Page 99)

- Tout à fait d'accord pour les archives du parti jusqu'en 1989, date de l'introduction du multipartisme dans notre pays, mais pas après…

- Vous avez tout à fait raison, les archives du FLN peuvent être scindées en deux catégories : avant 1989, elles sont considérées archives publiques, le parti unique étant confondu avec l'Etat; à partir de 1989, toutes les archives produites par le parti du FLN sont classées comme archives privées, au même titre que les documents des autres partis politiques…

- Alors, nous sommes d'accord sur ce point…Donc, pour être en conformité avec la loi, nous avons décidé de verser aux archives nationales tous les documents du FLN antérieurs à 1989, et bien entendu nous garderons les archives produites depuis cette date…

- C'est votre droit le plus absolu…

- Il resterait à mettre en place les procédures adéquates pour réaliser ces transferts, parce qu'il y aura beaucoup d'archives, je vous avertis !

- Aucun problème, le Centre des archives nationales a une capacité d'accueil de 100 kilomètres de boîtes d'archives…

- Ma Chaa Allah ! Je viendrai vous voir pour préciser tout cela, et d'ores et déjà je vous informe que c'est Hachemi Hadjeres qui sera chargé de suivre cette opération…

- Vous êtes les bienvenus à tout moment…

- Nous parlerons aussi des archives des Mouhafadha de l'intérieur du pays…

- Ces archives pourraient être versées au niveau des services d'archives des wilayas…

- Ainsi que de mes propres documents de militant du Mouvement national depuis les années 1940, je voudrais les déposer aux archives nationales…

- C'est généreux de votre part !

Abdelhamid Mehri viendra, et les modalités seront mises en place pour recevoir une énorme quantité d'archives, l'équivalent de 120 camions…Mr Mehri nous confiera également ses propres documents…

Cheikh Bouamrane

Appel de Cheikh Bouamrane, ancien ministre de la Culture, professeur d'université et chercheur :

- Bonjour si Abdelkrim…

- Bonjour monsieur le ministre, heureux de vous entendre…

- Mon cher ami, je vous appelle pour un don d'archives…

- Tout don d'archives est le bienvenu monsieur le ministre…

- Il s'agit d'archives des Scouts Musulmans Algériens, pour la période 1939-1991…Vous savez, j'ai été responsable scout depuis les années 1940…Aussi, j'ai convenu avec les autres anciens responsables SMA de remettre aux archives nationales tout le fonds d'archives en notre possession…

- Excellente initiative…

- Seulement voilà, il y des pièces d'archives assez sensibles, et nous ne voudrions pas qu'elles soient utilisées pour susciter des polémiques…

- Je comprends tout à fait, des dispositions sont prévues par la loi pour gérer ce type de situation…

- Justement, nous aimerions savoir quelles sont ces dispositions…

- La loi n° 88-09  du 26 janvier 1988 relative aux archives nationales prévoit un délai de cent ans pour la communication des archives qui pourraient porter atteinte à l'honneur des familles (article 10), de même qu'elle prévoit en son article 15 que la communication des archives privées provenant de dons reste soumise à l'autorisation du donateur… Ces dispositions ne sont pas particulières à l'Algérie, elles ont en vigueur dans le monde entier…

- Très bien, nous nous sommes compris, je vous rappellerai pour fixer la date du transfert des archives SMA aux archives nationales…

Larbi Talah

Octobre 1997… J'appelle un cousin à Aix-en-Provence, Larbi Talha, chercheur au CRESM (CNRS), pour son projet de don d'archives aux Archives Nationales d'Algérie :

- Bonjour Larbi…

- Ah ! Bonjour Abdelkrim, j'allais justement t'appeler…

- Eh bien, ça tombe bien, où en es-tu pour ton don d'archives ?

- Justement je voulais t'informer des derniers développements…Tout est ok maintenant. J'ai déposé tous mes documents au niveau du consulat d'Algérie à Marseille. Il s'agit tout de même de près de 400 kilos d'archives, et j'ai dû faire plusieurs voyages avec ma petite voiture pour transporter le tout d'Aix à Marseille. Maintenant c'est notre consulat qui va s'occuper du transfert par avion sur Alger…

- Parfait, c'est vraiment une belle action…

- Tu verras Abdelkrim à l'arrivée, c'est des documents que j'avais accumulés depuis près de quarante ans, concernant le Maghreb, mais surtout l'Algérie. Il s'agit de "littérature grise" que l'on ne peut trouver sur le marché : thèses et mémoires, études, rapports, statistiques, publications à diffusion restreinte, livres spécialisés, et même des dictionnaires et lexiques introuvables dans les librairies…

- Excellent tout ça ! Ecoute, je t'avais déjà parlé du colloque que nous préparons depuis deux ans sur les archives concernant l'histoire de l'Algérie et conservées à l'étranger…

- Oui, oui je m'en souviens, et il se tient quand ?

- Il aura lieu du 16 au 19 février 1998, et je vais t'envoyer une invitation, nous prenons tout en charge…

- Mais tu sais, je ne suis pas archiviste, et je n'ai rien préparé…

- Nous allons te demander tout simplement de présenter les archives que tu as offert aux archives nationales…Ce fonds portera ton nom : "Fonds Larbi Talha", et tu es le mieux placé pour rédiger un texte de présentation…

- Si tu le vois ainsi, d'accord, je serai heureux de revoir le pays…

Mabrouk Belhocine

2000 (?)… Appel des Editions Casbah :

- Allo, Mr Badjadja ?

- Oui ?

- Bonjour, Smaïl Méziane des Editions Casbah…

- Bonjour Smaïl…

- Je t'appelle au sujet d'un don d'archives de la Révolution que voudrait faire l'avocat Mabrouk Belhocine aux Archives Nationales…

- M. Mabrouk Belhocine est le bienvenu à tout moment aux Archives Nationales…

- En fait, il voudrait te remettre ces archives en mains propres, il a dit textuellement : "Je les remettrai à Badjadja…". Et il préfère que cette remise se fasse ici, aux Editions Casbah…devant les caméras de la télévision…

- D'accord pour la télévision, mais pourquoi aux Editions Casbah ?

- Parce que nous venons de publier ces archives sous forme de livre : Belhocine Mabrouk, Le courrier Alger-Le Caire, 1954-1956…. Maintenant que le livre sort de l'imprimerie, M. Belhocine veut tenir son engagement de verser ces archives, une cinquantaine de documents, aux Archives Nationales…

- Bon, je comprends, quand aura lieu cette remise ?

La remise de ces archives s'effectue aux Editions Casbah, sous l'œil de la caméra, et sous le regard vigilant de Abdou B., journaliste, devenu conseiller de la maison d'édition. "M. Badjadja, vous êtes content de cette acquisition pour les Archives Nationales"…"Oui, bien sûr…"…Alors pourquoi vous ne souriez pas face à la caméra ?". Abdou Benziane, en bon spécialiste de la communication, est soucieux du paraître face à la caméra. Quant à moi, c’est le dernier de mes soucis ; je ne souris que lorsque j’en ai envie, caméra ou pas !

Ali Haroun

Fin octobre 2000… J'appelle Ali Haroun, avocat, ancien responsable de la Fédération de France du FLN, et ancien membre du Haut Comité d'Etat :

- Maître Ali Haroun s'il vous plait ?

- De la part de qui ?

- Abdelkrim Badjadja, DG des Archives Nationales…

- …Ah ! M. Badjadja, si Salim Bouzaher et moi-même attendions de vos nouvelles…

- Tout est ok, si Ali…Je tiens à votre disposition les documents de voyage établis par la présidence pour Paris…Pour vous-même et pour si Hocine Bouzaher (dit si Salim, moudjahid, l'un de mes meilleurs amis et soutiens à Alger) : ordres de mission, billets d'avion, indemnités…

- Très bien, donc je partirai en premier pour rassembler les archives de la Fédération de France du FLN, et les déposer au niveau de notre ambassade à Paris. Ensuite, comme convenu, si Salim se rendra à son tour à Paris pour un premier classement et un inventaire sommaire. Après ce sera à vous de jouer…

- Oui, j'irai à Paris quelques jours après si Salim, pour superviser ce premier travail, et ramener toutes ces archives avec moi à Alger…

Tout se déroule comme prévu, et je reviens à Alger avec un excédent de bagages de …300 kilos !

Mohammed Harbi

Février 2001… J'appelle l'historien Mohammed Harbi, chez lui à Paris…Lors de ma dernière mission à Paris, il m'avait confié des archives importantes sur la Révolution, suite à de délicates discussions entamées un an auparavant par l'intermédiaire de notre ami commun, l'historien Daho Djerbal. Mohammed Harbi est attendu à Alger pour faire un deuxième don aux archives nationales:

- Allo…Si Mohamed? Bonjour, Abdelkrim Badjadja…

- Ah ! Abdelkrim, bonjour, bien rentré la dernière fois ?

- Oui, et merci pour ces petits plats bien mijotés…

- Je t'en prie, de toutes façons je prépare toujours à l'avance quelques plats, lorsque j'ai le temps, et je les garde au congélateur…

 - Bon voilà, je t'appelle pour ta venue à Alger, pour ton nouveau don… Les services de la présidence ont envoyé ton billet à Paris…Tu pourras le récupérer au niveau du service prepaid d'Air Algérie, place de l'Opéra…

- Très bien Abdelkrim, j'irai le prendre demain…

- Je t'attendrai à l'aéroport, au niveau de la zone sous douanes (pas question de fouille des archives), un véhicule de la présidence sera mis à ta disposition durant ton séjour, et une chambre sera réservée à l'hôtel El Djazair…

- Ecoute Abdelkrim, d'accord pour l'accueil, mais après je n'aurai pas besoin du véhicule de la présidence, ni de la chambre à l'hôtel El Djazair, j'irai chez mon frère Noureddine…

- Comme tu veux Si Mohammed… Bon, il y a un autre point…Nous avons programmé une conférence de presse à l'occasion de ce deuxième don d'archives…

- Non, Abdelkrim, évite-moi toute rencontre avec la presse…A mon arrivée à Alger, nous irons ensemble prendre le café dans ton bureau, je te remettrai les archives, et après tu me conduiras chez mon frère à Hydra…Tu pourras faire un communiqué de presse si tu veux…

Extraits du livre :

Assigné à résidence au Sahara - Face à la Sécurité militaire

Abdelkrim Badjadja

Editions Universitaires européennes, Saarbrücken, Allemagne, Novembre 2010

Plus d'articles de : Opinion

Commentaires (0) | Réagir ?