Les paradoxes des législatives : le FLN 6,11% de voix et 75% de la population non représentée

La répartition des sièges à l'assemblée
La répartition des sièges à l'assemblée

Il me semble utile à partir des données officielles de mettre en relief le poids de chaque parti dans la société afin de mettre en relief ce paradoxe, la régression du FLN et du RND en termes de voix et le nombre croissant de sièges de députés dans la future assemblée.

Il convient au préalable de préciser deux éléments pour comprendre les résultats qui suivent. Premièrement la loi électorale, dans ses articles 86 et 87 fixe la clé de répartition des sièges et son niveau et la méthode de calcul du quotient électoral qui est le résultat du rapport entre le nombre des suffrages exprimés moins les suffrages des listes n'ayant pas franchi le seuil de 5% des voix et le nombre des sièges à pouvoir. Pour les résultats officiels des élections législatives du 10 mai 2012, le nombre d’électeurs inscrits a été de 21.645.841, le nombre de votants de 9.339.026, le nombre de suffrages exprimés de donnant une participation officielle de 43,14% avec un nombre de bulletins nuls de 1.704.047. J’ai établi quatre ratios en référence aux nombre de votants pour chaque parti : le ratio nombre de sièges par rapport au total des 462 sièges ; le ratio suffrages recueillis sur nombre d’inscrits ; le ratio par rapport aux votants ; le ratio suffrages sur suffrages exprimés.

1. Lors des élections du 10 mai 2012, pour le Parti FLN, le nombre de suffrages recueillis a été de 1.324.363 voix pour 221 sièges alors qu’en mai 2007 il avait obtenu 1 315. 686 voix pour 136 sièges bien qu’ayant assisté à un nombre d’électeurs inscrits de 21.645.841 contre 18 .760.400 pour mai 2007 soit un accroissement de 2.905.241 de votants. C’est une régression comme l’atteste le ratio nombre de sièges par rapport au total qui donne 47,83% ; le ratio suffrages recueillis sur nombre d’inscrits a été de 6,11% moins que la fois précédente ; le ratio par rapport aux votants de 14,18%, le ratio suffrages sur suffrages exprimés de 17,34% et le ratio par rapport aux votants de 14,18%. Quant au Rassemblement national démocratique- RND, le nombre de suffrages recueillis a été de 524.057 de voix pour un nombre de sièges de 70 et pour mai 2007, 591 310 pour 61 sièges là aussi une nette régression. Pour le RND, pour mai 2012, le ratio par rapport au total sièges est de 15,15%, le ratio suffrages recueillis sur nombre d’inscrits de 2,42%, le ratio par rapport aux votants de 5,61%- et le ratio suffrages sur suffrages exprimés de 6,86%. Pour la liste de l'Alliance Algérie verte le nombre de suffrages recueillis a été de 475.049 pour un nombre de sièges obtenus de 47. Alors qu’en mai 2007, seul Harraket Moudjtema Essilm a eu 552.104 voix pour 33 sièges la tendance de régression est plus forte. Pour cette alliance composée de trois partis islamistes, le ratio par rapport au total sièges est de 10,17%-, le ratio suffrages recueillis sur nombre d’inscrits de 2,19%, le ratio par rapport aux votants de 5,08% et le ratio suffrages sur suffrages exprimés 6,22%.

2. Pour les autres partis limitrophes posant la problématique des difficultés de constituer un groupe parlementaire, nous avons le Front des Forces socialistes dont le nombre de suffrages recueillis a été 188.275 voix pour un nombre de sièges obtenus de 21. Le ratio par rapport total sièges est de 4,54%, le ratio suffrages recueillis sur nombre d’inscrits de 0,86%, le ratio par rapport aux votants de 2,01% et le ratio suffrages sur suffrages exprimés de 2,46%. Le Parti des travailleurs grand perdant de ces élections et qui ne pourra plus comme par le passé influer sur les décisions économiques, ayant un ancrage décroissant au niveau de la société, ayant perdu environ 9 sièges par rapport aux élections de 2007, le nombre de suffrages recueillis a été de 283.585 pour un nombre de sièges de 17. Par rapport aux sièges le ratio est de 3,67% ; le ratio suffrages recueillis sur nombre d’inscrits de 1,31%-, le ratio par rapport aux votants de 3,03% et le ratio suffrages sur suffrages exprimés 3,71%. Egalement le Front national algérien est en net recul avec un nombre de suffrages recueillis de 198.544 pour un nombre de sièges obtenus 09. Le ratio par rapport au sièges est de 1,94%, le ratio suffrages recueillis sur nombre d’inscrits de 0,9%-, le ratio par rapport aux votants de 2,12% et le ratio suffrages sur suffrages exprimés 2,60%. Quant au Front pour la Justice et le Développement (Adala), le nombre de suffrages recueillis a été de 232.676 pour un nombre de sièges de 07. Le ratio par rapport au siège est de 1,51%, le ratio suffrages recueillis sur nombre d’inscrits de 1,07%, le ratio par rapport aux votants de2,49% - et le ratio suffrages sur suffrages exprimés 3,04%. Il y a la liste non classable étant souvent des dissidents des partis FLN/RND, celle des indépendants dont le nombre de suffrages recueillis est de 671.190 pour un nombre de sièges de 19. Par rapport au total sièges le ratio est de 4,11%, le ratio suffrages recueillis sur nombre d’inscrits de 3,10%-, le ratio par rapport aux votants 7,18% et le ratio suffrages sur suffrages exprimés 8,79%. Pour l’ensemble de ces huit ces partis largement médiatisés plus les indépendants nous avons 3.837.739 voix.

3. Pour l’ensemble des listes restantes nous avons 51 sièges pour 2.430.584 voix. Le ratio par rapport aux sièges est de 1,10%, le ratio par rapport au total des inscrits de 11,22%, le ratio par rapport aux votants de 26,02%- et par rapport aux suffrages exprimés de 31,83% Ainsi l’ensemble des autres partis qui ont réussi à avoir au maximum entre 6 et 1 sièges (nous ne parlons pas des partis n’ayant obtenu aucun siège) pour un total de 51 sièges ont 1.106.221 de voix plus que le parti FLN, 1.906.527 de plus que le RND et plus que les trois premiers arrivés à savoir le FLN, le RND et l’alliance verte qui totalisent à eux trois 2.333.469 voix accaparant 338 sièges soit 73,16% du total.

Quelques paradoxes

Le Mouvement populaire algérien a recueilli 165.600 voix pour 6 sièges, le Front du changement a recueilli 173.981 voix pour 4 sièges, le Front national pour la justice sociale a recueilli 140.223 pour 3 sièges, le Front El-Moustakbel a recueilli 174.708 voix pour deux sièges, le Parti du renouveau algérien a recueilli 111.218 voix pour un siège. Pour les partis n’ayant eu aucun siège nous aurons 7.634.979 voix exprimés mois le total des partis ayant eu des sièges soit 1.366.656 voix donc plus que parti FLN et presque le triple du parti RND.

Quelle conclusion tirer ?

Les bulletins nuls représentent 7,87 % par rapport aux inscrits (une nette progression par rapport à 2007) ce qui nous donne 100 moins 43,14%, soit un taux d’abstention de 56,86% plus 7,87% de bulletins nuls, donnant le nombre de personnes n’ayant pas fait un choix de 64,73% environ les deux tiers de la population algérienne. Mais pour une analyse plus fine il faut aller plus loin. Les abstentionnistes, suivi des partis n’ayant obtenu aucun siège et ceux ayant opté pour un bulletin nul sont majoritaires représentant 15.378.050 voix soit 73,22% du nombre d’inscrits. Les 75% de la population algérienne ne sont pas représentés. Le parti FLN à ne pas confondre avec le FLN historique propriété de tout le peuple algérien, doit éviter l’euphorie. Il est en nette régression au sein de la population algérienne, malgré environ 3 millions de nouveaux électeurs, par rapport à 2007 si l’on fait un calcul en valeur relative/ 6,11% contre 7,01% en 2007 et majoritaire au nombre de sièges de députés, 47,83% contre 34,96% en 2007 pour un total de 136 sièges sur 389 sièges. Aussi, faut-il revoir profondément ce mode de scrutin, ce qui supposera à l’avenir de donner une dose de proportionnalité. Par ailleurs, pour avoir une image réelle de la participation. Mais la question stratégique est la suivante : le parti FLN avec 6,11% de voix par rapport aux inscrits, 8,53% inclus le RND peut-il engager l’avenir du pays ? Mais la question stratégique est la suivante : Ira-t-on vers un réel changement salutaire en réorganisant la société, du fait des bouleversements géostratégiques mondiaux annoncés entre 2015/2020, ou simplement du replâtrage différant les tensions sociales inévitables à terme grâce à la distribution passive de la rente ?

Comment dès lors ne pas partager la déduction applicable à l’Algérie de mon ami et collègue le professeur Luis Martinez directeur de recherches CNRS, dans sa contribution "violence de la rente pétrolière - Presses de Sciences Po, Paris 201" où il met nettement en relief que la rente pétrolière produit trois conséquences : la première fait croire aux populations que le développement et le bien-être proviennent de cette ressource naturelle ; la seconde prive les économies qui en disposent d’une diversification, le revenu national est constitué presque exclusivement des recettes liées au pétrole et enfin la troisième produit un système politique réfractaire à la démocratie, les recettes confortables que procurent les hydrocarbures permettant à l’Etat de se libérer de la société et encore plus elle contribue à une désorganisation voulue par des distributions ciblées de cette rente afin d'éviter toute contestation organisée.

Dr Abderrahmane Mebtoul, Professeur des Universités

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Commentaires (3) | Réagir ?

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samy iris

Avec sa participation à cette mascarade, le FFS s’inflige sa mise à mort. Il n’en restera de ce parti que ces khobzistes de « dépotés choisis » (et non élus) suite aux « tractations secrètes » entre le Pouvoir militaire (Clan Boutef-Zerhouni, ex-MALG/SM) et le Cabinet noir (Assam-Bahloul-Halet) qui décide de tout, Ait Ahmed étant atteint d’Alzheimer (en état second, ne pouvait donc être l’auteur de ces fameux Textes et Déclarations portant son nom) …

En tous cas, par sa « stratégie participationniste », le FFS n’a fait que donner « une caution démocratique » au Régime anti-démocratique, dictatorial, militaro-mafieux. Pire encore, les Dirigeants susnommés sont, tout honte bue, allés jusqu’à épouser et reprendre à leur compte la propagande infeste du DRS qui brandit le « spectre de la menace extérieure », alors que l’on sait depuis ex temps déjà que la Junte militaire d’Alger est dans l’ « orbite américaine », le Grand gendarme ayant déjà pris le Grand morceau….. au Sahara ! Et que la première menace pour l’Algérie, la plus grande menace, c’est d’abord le « régime militaro-mafieux. », qui épaule l’impérialisme occidentale, le néo-colonialisme et tous les périls. Bref.

C’est bel et bien « l’irrésistible attrait de la mangeoire » et l’ « l’ambition de servir le Régime militaire » qui a dicté le dégueulasse choix du Cabinet noir du FFS, mais aussi de tous ces Partis « collaborationnistes », de participer à cette énième supercherie électorale qui ne vise rien d’autre que la pérennisation et la consolidation du Pouvoir dictatorial, illégitime et criminel des Généraux mafieux et prédateurs, en lui octroyant par cette occasion, une certaine « crédibilité, respectabilité » exigée par les puissances impérialistes, communément appelées Communauté internationale…

Le 10 mai, c’est le retour habituel et éternel à la « case départ ». La « question principale », la « question du pouvoir », de la « légitimité du pouvoir » en l’occurrence, demeure non résolue : ce sont toujours et encore les généraux sanguinaires et rapaces qui président aux destinées du pays, et donc rien n’est possible ! Ni paix, ni prospérité, ni démocratie, ni libertés, ni autonomie, ni indépendance, oulech, rien, niet !

…. N’en déplaise à ses dirigeants, le FFS en 2012 est déjà affaibli et démuni, la plupart des cadres sont partis, les sympathisants et les militants de base très remontés (hostiles à la supercherie du 10 mai), ses "béquilles" (MCB, LADDH, SATEF) sont cassées, concurrencé fortement dans son fief, la Kabylie, son discours doux et mou -conciliateur avec le régime militaire-le discrédite, le ton accusateur (massacres, assassinats, disparitions, etc.) abandonné, il laisse des « espaces politiques » à ses rivaux et adversaires, alliés des généraux (RCD, etc) qui ont « choisi » le boycott.... sur ordre du Clan Mediène-Tartag-Djebbar (néo-MALG / DRS) .

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Guel Dring

Décortiquer des résultats, les exploiter, ne rime à rien puisque les logiciels sont fournis à l'avance par des surdoués du changement des techniques pour faire perdurer une méthode, un mode, un système. Comme sur un terrain de jeu, à une situation de jeu l'adversaire adopte une tactique infaillible, le soutien de l'arbitre. Rares sont ceux qui le détecte parce l'intention de l'arbitre ne pourrait être décryptée que par lapsus. C'est pourtant simple, on le répète à chaque fois dès qu'on essaie d'indiquer la lune, les regards se braquent tous et toujours sur le bout du doigt. C'est du charabia pour certains, mais les signes ont leur convention. Si ça avait une relation avec la volonté du pouvoir, il y a bien longtemps que nous serions déportés ou exterminés. Dieu n'a pas voulu d'une équipe de khmers rouges de Pol Pot, bien que nous soyons passés juste à côté durant la décennie rouge et c'est tout.

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