Belkhadem, les islamistes et l’interdiction de l’alcool en Algérie

Les débits de boisson se font de plus en plus rares.
Les débits de boisson se font de plus en plus rares.

Tout le monde l’aura remarqué. Depuis quelques années, les bars et débits de boisson d'Algérie ferment les uns après les autres.

Mais les fermetures de bars ne résout pas le problème (si problème il y a) puisque les lieux clandestins de consommation d'alcool se multiplient dans ce pays de plus en plus islamisé. Une remarque s’impose : cette menée en règle contre les bars et autres débits de boissons qui ont pignon sur rue était devenue particulièrement agressive à l’époque où Belkhadem était à la tête du gouvernement. Et cette politique se poursuit grâce non pas seulement des courants pressions islamistes mais surtout le lobbying politicien de l’islamo-conservateur Abdelaziz Belkhadem.  

Et la composante de la prochaine assemblée nationale n’arrangera certainement pas  les choses. Même si les partis islamistes ont subi un échec électoral le 10 mai aux élections législatives, le principal parti au pouvoir, le Front de Libération nationale (FLN), avec son courant islamiste, sera là pour renforcer les interdictions. Car il faut le rappeler le FLN a toujours poussé vers une islamisation accrue de la société. 

Prendre un verre est un luxe

"Cet endroit était une boîte de nuit", affirme Slimane, 33 ans, en sirotant son whisky dans un restaurant proche du Monument des Martyrs, sur les hauteurs d'Alger. "Bientôt, ce ne sera plus qu'un restaurant sans bar, puis un restaurant où on ne servira plus d'alcool et puis il fermera", lance, dépité, ce jeune entrepreneur.

Des dizaines de bars et débits sans licence ont récemment fermé. Parmi eux des tavernes datant de l'Algérie française, avant 1962. Pourtant dans ce pays presque entièrement musulman, nombreux sont ceux qui s'affirment laïcs.

"A ce rythme, seule une poignée d'hôtels servira encore de l'alcool légalement", affirme Liamine, étudiant en ingénierie, en commandant une tournée pour ses copains assis autour d'une table. "La bière y est si chère que seuls ceux qui l'interdisent pourront se la payer", lance-t-il ironique. "C'est ça le problème de la prohibition à l'algérienne, Al Capone et les flics, ce sont les mêmes ici", dit-il en éclatant de rire.

Le chiffre d'affaires du vin produit par l'Etat, de loin le plus grand producteur du pays, avoisine les 150 millions de dollars.

Les pressions contre l'alcool ont commencé en 2006. Un ministre islamiste du Commerce avait alors restreint l'octroi et le renouvellement des licences.

Pour chaque bar fermé par les autorités, plusieurs autres, illégaux, ouvrent. La consommation d'alcool a augmenté de 10% l'an dernier, selon le président de l'Association des producteurs de boissons algérien (APAB), Ali Hamani.

Un sanglier alcoolique

En Kabylie, à l'est d'Alger, pas question de renoncer au ballon de rouge ou à sa bière. Du coup, les bistrots sans licence, considérés comme "clandestins", ont pignon sur rue. "J'ai demandé un permis et je ne l'ai pas eu. Maintenant je n'en veux plus. En Algérie, les papiers amènent les problèmes", affirme Arezki Lagha, moustache et boucle à l'oreille.

Son bar proche de la ville kabyle de Tizi Ouzou a une terrasse au décor de caverne et est devenu populaire à cause de son sanglier apprivoisé, abattu par erreur l'an dernier, qui avalait des dizaines de bières en une soirée. "L'Algérie n'a jamais été islamiste. Musulmane, c'est sûr -Tizi Ouzou a la plus grande concentration de mosquées en Algérie- mais pas islamiste", affirme Ammar Lagha, architecte, en costume et cravate.

"Ici, boire quelques verres ensemble c'est comme une façon de combattre l'islamisme", affirme-t-il.

La Charia (loi coranique) n'est pas appliquée, mais nombre d'Algériens craignaient une importante percée islamiste dans la foulée des pays du Printemps arabe. Les islamistes ont remporté 59 sièges, comme dans la précédente assemblée, sauf que la nouvelle comprend 73 sièges de plus.

Pour nombre d'analystes, le pouvoir joue avec eux à la fois au pyromane et au pompier. "C'est une relation complexe... mais il y a consensus entre l'Etat et les islamistes pour utiliser la religion à des fins politiques", juge Hocine Belalloufi, auteur d'un nouveau livre sur la politique algérienne.

L'administration Bouteflika a introduit l'appel à la prière à la télévision et à la radio, interrompant cinq fois par jour les programmes, et a lancé l'édification à Alger de la troisième plus grande mosquée du monde. Pour Lila Hadj Arab, députée sortante, il a fait d'autres concessions aux religieux: le FLN est devenu "le principal parti islamiste d'Algérie".

Dans les années 1970, feu le président Houari Boumediene avait fait arracher la majorité des vignes plantées par les Français, après leur décision d'arrêter l'importation du vin algérien, une décision applaudie par les islamistes. Durant la guerre civile des années 90 contre les islamistes qui avaient décrété la tolérance zéro contre l'alcool, la consommation avait atteint des sommets.

Arrivé au pouvoir en 1999, Abdelaziz Bouteflika a mené une réconciliation nationale sans justice pour les victimes. En parallèle,  et comme concession pour les islamistes, les mesures les plus fermes contre l'alcool sont prises par les autorités sur instruction d'en haut.

"Quoi qu'ils fassent, ils ne pourront pas éradiquer l'alcool... mais cette islamisation générale est en train de créer de nouveaux problèmes", juge Ali Hamani. "La prohibition aux Etats-Unis a eu des conséquences: prostitution, drogue et banditisme risquent de prendre de l'ampleur".

Yacine K./AFP

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Commentaires (16) | Réagir ?

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Notproud

Bien dit Khalida, car la plupart de ces contestataires ont été égorgés par des individus drogués et surtout en manque ! selon certains rescapées les égorgeurs des années noires c'était des militaires déguisés en Afghans, avec des yeux injectés de sang, ce n'est surement pas les effets de l'alcool ! Mais ceux du pavot.

Le tabac tue autant que l'alcool, si ce n'est pas plus ! mais ce dernier est plus rentable ! ceux qui n'arrivent pas jusqu’à la rente pétrolière puisent dans les recettes fiscales que l’État prélève sur la vente des cigarettes... comme ça tout le monde est satisfait et la vie continue.... sans Foi ni loi !....

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Quelqun EncoreQuelqun

A ne plus rien y comprendre !

Où est passé mon second commentaire posté pourtant depuis les années Chaplin ??

Celui-ci était une sorte de mise au point à l'égard de certains "apprentis chrétiens" ouvriers qualifiés et accessoirement heureux lauréats de la tombola d'émigration vers le Canada.

J'ai bien aimé le commentaire de Raveh Aksel en kabyle "Mara s'3ârként iwuchéne ats'yér iyi vé3ouchéne!". Celui-ci s'applique parfaitement à ces damnés de la terre que sont les "ikhédda3éne n'RRabbi".

Déja que ne nous sommes même pas fichus de respecter un seul engagement (vis-à-vis de Mohammed qssl) alors que nous avons toujours baigné dans cette culture, nous voilà aux premières loges d'une religion à laquelle ne nous comprenons rien, walou, tr'nn !

Comme si l'occidental allait tout d'un coup gommer de son subconscient le renvoi presque automatique à notre image d'indigènes que nous demeurons en dépit de la francisation de nos prénomsz à l'occasion des naturalisations.

Un L'3ârvi ou un L'Vachir restera toujours ainsi, et ce n'est certainement pas l'accent kabyle chantant ou nos pifs à la Massinissa qui arrangeront les choses!

Alors de grâce, quand il est question d'un thème comme celui du vin... n'allez pas nous les casser avec vos références à des dieux vous servant de carte d'identité ou de décret de naturalisation!

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