Attentats du 11 décembre : le gouvernement cherche à impliquer les familles des victimes dans le différend avec l’Onu

Attentats du 11 décembre : le gouvernement cherche à impliquer les familles des victimes dans le différend avec l’Onu

Le gouvernement cherche par tous les moyens à impliquer les familles des victimes des attentats du 11 décembre dans son différend avec l’ONU, à propos de la commission d’enquête indépendance dépêchée par l’organisation internationale. Pour ce faire, et en guise de « réponse » à Ban Ki-moon, le ministère de la Solidarité nationale, Djamel Ould Abbès, a imaginé d’organiser une rencontre avec les familles des victimes, au siège de son ministère, similaire à la cérémonie dédiée à la mémoire des victimes de l’attentat d’Alger, organisée hier à Genève. Cette rencontre, qui s’ouvrira mercredi matin, en présence des familles des disparus, est conçue par ses promoteurs comme une riposte directe à l’initiative onusienne, dénoncée comme une décision hostile par les autorités algériennes. Rappelons que la rencontre de Genève devait également se pencher sur santé physique et psychologique des les fonctionnaires onusiens blessés dans l’attentat.

Il est attendu que le Secrétaire général de l’ONU donne des précisions au sujet de l’enquête indépendante.

La réaction du gouvernement algérien, qui s’était jusque là contenter d’une simple condamnation verbale de la décision de M. Ban Ki-moon, a pris aujourd’hui une nouvelle dimension.

La polémique entre l’ONU et les dirigeants algériens ne semble pas prête à s’éteindre.

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Commentaires (7) | Réagir ?

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Karvuzi Javar

Le problème est que le régime algérien a réussi à duper et manipuler presque tout le monde; les journalistes, les intellectuels, les gens ordinaires, etc. On s'acharne sur les intégristes islamistes (qui c'est vrai ne sont pas innocents), mais on ferme les yeux sur ce que fait le régime. Bien des hommes échappés à l'intox du régime ont essayé de briser ce charme qu'exerce le pouvoir algérien sur les Algériens et même les étrangers, mais hélas, on les a considéré des traîtres ou des alliés d'islamistes. Quand le régime veut le soutien d'une catégorie sociale, il vise un de ses membres et il colle le meurtre sur le dos des islamistes. Pour rallier les moudjahids, le régime a profané des tombes de martyrs; pour rallier les journalistes, il a sacrifié Said Mekbel, Smail Yefseh, etc; pour rallier les artistes, il a assassiné Matoub, Cheb Hasni, etc; pour rallier les intellectuels, il a ravi à la vie Boucebsi, Djaout, etc; pour rallier des populations entières, il a facilité ou ordonné la tuerie de Bentalha, etc; pour s'assurer la fidélité des gendarmes, policiers et militaires de bas grades, il y fait des victimes; bref, le terrorisme islamiste n'est qu'un alibi. Il n'aurait jamais duré aussi longtemps, si le régime n'en tirait pas profit. A quand se réveillerons-nous?

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Dyhia Tadzayrit

"Saïd Mekbel, une mort à la lettre", de Monika Borgmann

Les bouleversantes confessions d’un chroniqueur de génie

C’est un livre qui donne la chair de poule que viennent de publier, à Paris, les éditions Téraèdre. Ce sont des entretiens donnés en décembre 1993 par Saïd Mekbel à Monika Borgmann. Une année après, le 3 décembre 1994, l’enfant de Bgayet (Béjaia), dans la basse Kabylie, était assassiné à Alger.

Saïd Mekbel était à ce moment là directeur du quotidien Le Matin. Celui qui écrivait le fameux billet, Mesmar Djeha, savait qu’il allait mourir. Et pourtant il n’avait pas voulu quitter l’Algérie. Il voulait résister dignement, jusqu’au bout. Il voulait aussi écrire un roman qui ne passerait pas inaperçu ; c’était son plus grand rêve. "Je crois qu’on veut réellement sacrifier pour sacrifier une partie de la population. Mais je suis troublé maintenant. Je suis troublé parce qu’au début, je me disais que c’étaient les intégristes qui tuaient. C’était facile. C’était confortable, c’était peut-être pas loin de la vérité.

Mais plus on avance sur les assassinats, plus on réfléchit, plus on se dit que ce ne sont sûrement pas que les intégristes. C’est sûrement une mafia, comme la mafia italienne, américaine ou japonaise. Donc, il y a les intégristes et puis il y a aussi la mafia. Ils tuent soit pour établir un nouveau régime, soit pour protéger leur régime", dit Saïd Mekbel à Monika Borgman, le 4 décembre 1993.

Pourtant, à cette période-là, le quotidien Le Matin soutient ouvertement les militaires algériens. Dans ce livre d’entretiens impressionnants et vrais, Saïd Mekbel va au fond du mal algérien et cite des noms de responsables (dont certains sont toujours au pouvoir) et les accuse de crimes. Saïd Mekbel revient également, dans ce livre, sur son parcours d’ingénieur et de physicien, sur son passage au quotidien Alger-Républicain (publication où Albert Camus a fait ses débuts dans le journalisme) avant que ce journal ne disparaisse à la suite du coup d’état du colonel Houari Boumediene en 1965.

Saïd Mekbel avait été arrêté par la sécurité militaire en 1967 et n’avait pas échappé à la torture. "C’était un combat, ils te torturaient un peu, parce que c’était leur métier et ils attendaient que tu résistes. C’était un match. C’était une compétition pour eux. Une fois, un de mes tortionnaires m’a dit, deux jours après m’avoir torturé : "ah, c’est bien, tu as résisté, c’est bien, je te félicite". Il te torture et après il te félicite. C’est toujours un rapport de force. Il ne faut jamais perdre sa supériorité sur l’autre. Et la seule arme qu’on possède, c’est la réflexion. Il faut sentir l’autre, appréhender comment lui te perçoit. Certains de mes rapports avec mes tortionnaires se sont transformés. Vers la fin, l’un d’eux m’a demandé si je pouvais lui faire une lettre pour son supérieur afin que l’on revoie sa situation.

Voilà des tortionnaires qui viennent te voir pour que je leur écrive une lettre, c’est quand même terrible", avoue Saïd Mekbel, l’auteur de cet inoubliable billet, le dernier qu’il avait écrit, intitulé "Ce voleur qui... ".

Youcef Zirem

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