Syrie : le régime enfume l'Onu et envoie l'armée réprimer la rébellion

Les combattants de l'ASL tiennent encore des poches de résistance.
Les combattants de l'ASL tiennent encore des poches de résistance.

Le régime syrien envoyait mardi davantage de renforts militaires malgré sa promesse, selon l'ONU, de retirer ses chars d'ici une semaine, les militants dénonçant une situation humanitaire de plus en plus dégradée.

Rifaat Al-Assad, 74 ans, qui a longtemps été l'exécuteur des basses œuvres de son frère Hafez, n'en finit pas de prendre ses distances avec son neveu Bachar Al-Assad. Après avoir annoncé la création d'un conseil national démocratique, il déclare, mardi 3 avril, à la BBC que les jours de Bachar Al-Assad sont comptés : la violence atteint un tel niveau qu'il ne peut se maintenir au pouvoir. Exilé depuis 1984, Rifaat Al-Assad - responsable du massacre commis à Hama en 1982 au cours duquel dix mille à quarante mille Syriens avaient été tués, victimes de la répression du régime -, qui vit désormais à Londres, explique : "Toute la Syrie est en proie aux troubles, aucun endroit n'a échappé à la violence." Il ajoute : "Je pense qu'il devrait rester et coopérer avec un nouveau gouvernement." L'oncle de Bachar Al-Assad est tenu pour un pestiféré par l'opposition et reste, depuis 1984, au ban de la famille au pouvoir pour avoir comploté contre son frère. Abdel Halim Khaddam (79 ans), ancien vice-président syrien, et Rifaat al-Assad (74 ans), longtemps considéré comme le successeur de Hafez Al Assad, s'étaient déjà, en décembre, positionnés dans la perspective d'une future transition.

Le double jeu d’Al Assad

Damas continue son double jeu. Selon les observateurs Bachar al Assad et son clan ne sont pas prêts de lâcher prise, convaincu qu'ils vont annihiler la rébellion. Le tout avec le soutien de la Russie et la Chine qui bloquent systématiquement toutes les initiatives onusiennes. Mardi encore, le régime a promis de faire réussir la mission du chef du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Jakob Kellenberger, qui cherche à accélérer la distribution des aides aux "personnes vulnérables" dans les régions touchées par les violences, qui ont fait 10 nouveaux morts mardi. Cette nouvelle promesse intervient après l'engagement du régime à un retrait de ses forces, une annonce accueillie avec scepticisme par Washington qui a exprimé sa crainte d'une "escalade des violences" dans les prochains jours, après avoir accusé le régime de Bachar al-Assad de ne pas tenir parole.

Quelques heures seulement après l'annonce par l'émissaire international Kofi Annan de l'accord de Damas pour une mise en œuvre de son plan de paix avant le 10 avril, des affrontements faisaient rage dans les bastions insurgés dans le sud, le nord-ouest et près de Damas. Des troupes ont été envoyées dans la province de Deraa (sud), berceau de la contestation, et à Zabadani près de la capitale, les forces du régime usant de la "tactique des maisons brûlées", selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). L'armée a lancé également des assauts dans Homs (centre).

La situation humanitaire s'aggrave selon des militants qui ont évoqué des exactions des forces gouvernementales contre la population. "Dans le cadre de leur politique visant à affamer le peuple, elles prennent d'assaut les maisons, détruisent les provisions stockées dans les villages", a expliqué à l'AFP Sayyed Mahmoud, un militant à Deraa. "Ces forces entrent dans les boulangeries et détruisent la pâte en la jetant dans la rue", dit-il, soulignant que "l'électricité est coupée 15 heures par jour". C'est à Deraa que le président du CICR, en visite pour deux jours, pourrait se rendre mercredi, selon un porte-parole de l'organisation avec la possibilité de distribution d'aides.

"La Syrie continuera de fournir tout ce qui est nécessaire pour faire réussir le travail du CICR, en coordination avec le Croissant rouge syrien (CRS)", a indiqué le ministre des Affaires étrangères Walid Mouallem, en recevant M. Kellenberger.

Le régime du président syrien Bachar Al-Assad a promis à M. Annan d'entamer "immédiatement" un désengagement militaire de façon à l'avoir terminé le 10 avril, selon l'ambassadrice américaine à l'ONU Susan Rice, dont le pays préside le Conseil en avril, des promesses contenues dans une lettre adressée dimanche à l'émissaire par les Affaires étrangères. Selon Mme Rice, celle-ci stipule que "les forces syriennes commenceront immédiatement" à prendre les mesures suivantes: "mettre fin à toute avancée et à toute utilisation d'armes lourdes et se retirer des centres urbains". Mais eu égard à la réalité du terrain, il est peu probable qu'une amélioration sécuritaire se dessine comme annoncé par Damas.

Par ailleurs, une équipe de l'ONU se rendra en Syrie dans les 48 heures pour préparer le plan de déploiement des observateurs pour surveiller la cessation des hostilité, selon le porte-parole de Kofi Annan. Cette mission d'observateurs est au coeur d'un projet de déclaration préparé par Washington, Paris et Londres avec pour objectif de l'adopter jeudi.

Selon un diplomate, le texte reprendra "la date limite du 10 avril, les préparatifs de l'ONU pour déployer une mission d'observation en cas d'arrêt des violences et la nécessité d'un processus politique" de transition en Syrie, secouée depuis plus d'un an par des violences qui ont fait plus de 10.000 morts, en majorité des civils, selon l'OSDH.

Al Assad, seul chef d'Etat contesté à s'être maintenu au pouvoir dans la foulée du Printemps arabe, se targue de l'appui de son armée, d'une partie de la population et surtout de la Russie pour conforter sa position face aux pressions. Moscou s'est opposé d'ailleurs à tout "ultimatum" adressé à Damas.

RN/Agences

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