Algérie-France : les braves ont existé !

Algérie-France : les braves ont existé !

Les haines s'estomperont lorsque tous ceux qui ont été concernés,directement, par la guerre auront disparu, me disait un confrère français. Pari tenu!

Algérie. Le nom de mon pays a squatté les unes de la presse française, cette semaine. Ça a mis du baume à l'âme. Franchement, chez nous, on aime bien lorsqu'on nous titille l'égo. Le pauvre a été tellement meurtri, tanné par l'écrasante domination des puissants et par la liquéfaction des horizons qu'il se fait petit, infime, insignifiant.

Pourtant, cette fierté démesurée, souvent déplacée, que l'Algérien porte comme un étendard a, quelquefois, le droit de dire "stop". Il a été écrit, ici et là, que la tragédie algérienne a été partagée plusieurs communautés qui ont coexisté dans une harmonie, à peine dérangée par l'entêtement de l'administration coloniale à dénier aux autochtones le droit à la citoyenneté...

Rien n'était commun aux populations qui vivaient en Algérie, pendant la colonisation! Les Européens, Maltais y compris,profitaient, après avoir fait main basse dessus de toutes les terres arables du pays, les juifs, authentiques indigènes, ont, eux, sauté à pieds joints sur l'aubaine offerte par le décret Crémieux de 1870 qui en faisait des Français à part entière. Pendant ce temps-là, tous les autres Algériens quelles qu'étaient leur condition, leur âge, leur sexe ou leur religion étaient maintenus à l'état de serfs. On disait alors khammas...

Depuis les temps de l'esclavage, jamais peuple n'avait été autant asservi et violenté que le nôtre.

C'est en cela,et la France qui a toujours du retard à l'allumage ne l'a compris qu'une fois le dos au mur, que la révolution déclenchée le 1er Novembre 1954, par une poignée d'hommes résolus était juste et inéluctable.

Cette guerre victorieuse reste, un demi-siècle après sa fin au travers de la gorge de ceux qui l'ont perdue, les Français. Tous les Français, cependant ne l'ont pas voulue. A l'heure où Salan ratissait la Casbah pour fournir la guillotine installée à Barberousse, au moment où Challe nettoyait nos montagnes et nos paysans au napalm, des Français pur jus, écoeurés par la torture et le meurtre portaient les valises du FLN en France ou rejoignaient, armes à la main, les maquis de l'ALN, en Algérie. Bien plus tard, au moment où les incendiaires de l'OAS tentaient de réduire en cendre le pays qu'ils savaient,irrémédiablement, perdu et alors que prés d'un million de pieds-noirs, paniqués, quittaient précipitamment la terre qui leur avait donné naissance et richesses, bien que les accords d'Evian leurs accordaient trois ans pour choisir leur nationalité, au temps même de ce branle-bas de combat, d'autres Français dépourvus de préjugés sur ces "barbares" qui allaient, désormais, diriger l'Algérie, décidaient de rester et de relever le défi de la reconstruction.

A peine les barbouzes de l'OAS mis hors de combat et la paix revenue, d'autres Français soucieux de réparer les dégâts commis par leurs compatriotes,132 années durant, débarquaient par bataillons entiers pour se mettre au service du pays naissant et de la révolution socialiste qui se profilait. Ces Français-là, humains, positifs, démocrates et épris de justice existent et ils ont beaucoup oeuvré après l'indépendance. Ils ont dans une très large mesure contribué à mettre l'Algérie sur les rails du développement et participé à la formation de l'essentiel des cadres qui ont maintenu le pays à flot durant les difficiles premières années de l'indépendance. Quelle n'a été ma surprise lorsqu'invité par Claude Lasnel, un de mes anciens professeurs au lycée technique d'Alger, à rendre visite à une vielle amie, paulette Gallice, dans une maison médicalisée d'Aix-en-Provence, de découvrir qu'avec Simone, sa soeur, 86 ans, de deux ans sa cadette, elles étaient nées, toutes deux à Alger et qu'elles y étaient restées jusqu'en 1984 ! Jusqu'à la retraite, ces adorables dames se sont occupées, Simone en assistante sociale et Pauline en éducatrice auprès d'un juge pour enfants des mineurs des quartiers difficiles d'Alger, ceux gangrénés par l'intégrisme religieux aujourd'hui. Pauline et Simone avouent avoir quitté le pays lorsque, justement, ce cancer s'est mis à pointer du nez.

Claude Lasnel, lui, est nodal dans l'histoire des relations algero-françaises, celles des peuples. Il a des centaines d'enfants et de petits enfants éparpillés à travers le monde, ses anciens élèves, tous cadres de haut niveau et surtout démocrates convaincus attachés incurablement à ce pays qu'il leur a fait aimer. Ce pays, il l'a fait aussi découvrir et aimer à des fournées entières de jeunes Français qui ignoraient tout de lui comme il a amené à la rencontre de la France éprise de fraternité et d'égalités autant de jeunes Algériens définitivement guerris de tout sentiment de haine. Aujourd'hui, les deux pays célèbrent la fin de la guerre sans jamais pour , autant avoir pu la solder avec ses cortèges de rancoeurs, de ressentiments, parfois de haines. Ici et là bas, on s'efforce encore et toujours à faire revivre les drames que le conflit a charriés. Lorsque la France invoque ses héros, elle y ajoute, sans honte les criminels de l'OAS. L'Algérie, pour sa part, a fait mieux, elle en a liquidé quelques-uns parmi ses meilleurs. Quant aux bâtisseurs français venus en Algérie réparer le désastre, on attendra, sans doute, longtemps avant que la reconnaissance qui leur est due soit proclamée. En attendant, je relève le pari de ce confrère français qui m'assurait que toutes les haines qui subsistent encore entre les deux pays s'estomperont lorsque tous ceux qui ont été directement concernés par la guerre d'Algérie auront disparu.

Méziane Ourad

Plus d'articles de : Chroniques

Commentaires (1) | Réagir ?

avatar
Atala Atlale

Il y a dans cet article beaucoup de coeur, voire d'humanisme, tant les choses qui concernent l'histoire de nos deux pays, sont dites avec des élans apaisés et sincères me semble t-il. Les drames les atrocités vécues sur cette terre d'Algérie, ont été bien souvent atténué par beaucoup français, convaincus que la soumission d'un peuple contre son gré, la spoliation de sa terre, la meilleure au détriment des autochtones ne pouvaient être pérenne. Ces Français qui ont participé au début de l'indépendance à la reconstruction de ce pays, représenteront toujours, à mes yeux, la France des droits de l'homme, et uniquement celle là.