Sidi Said et le train qui part Par Boubakeur Hamidechi

Sidi Said et le train qui part  Par Boubakeur Hamidechi

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«Il a mené le syndicalisme au cabanon des organisations pourries et déshonorées» (1). La formule est sûrement féroce mais, hélas, elle s’applique parfaitement à la triste dérive d’un certain secrétaire général. En l’espace de deux mandats, le successeur de Abdelhak Benhamouda (assassiné le 28 janvier 1997) a fini par faire l’unanimité contre lui dans le monde du travail.

D’une compromission à une autre, il hypothéqua, à la fois, le crédit de l’organisation et sa parole. Le succès du débrayage dans la Fonction publique atteste justement de sa disqualification, si tant est que l’amplitude du suivi du mot d’ordre le délégitime en tant que négociateur exclusif. Autant dire que le procès d’un monopole syndical archaïque est désormais instruit à charge. Pour n’avoir pas su fédérer opportunément les forces vives de la contestation de travailleurs, et surtout pour s’être laissé instrumenté par le pouvoir, jusqu’à en faire de l’UGTA une institution croupion, Sidi Saïd s’est exposé aux dérisions et aux allusions les plus malsaines. Qualifié quelque part de «syndic de la faillite», il est par ailleurs interpellé sur le dossier troublant de la CNR où il joua un rôle jusque-là mal clarifié(2). Bien plus que par le passé, l’ouverture vers un pluralisme syndical s’inscrit dorénavant comme une riposte à la concussion bureaucratique de quelques «professionnels » asservis par l’appareil d’Etat. Il fallait donc qu’un jour ou l’autre, la question revienne sur le tapis de légitimes revendications et qu’elle bénéficie notamment d’un traitement en conformité avec la loi. Et rien d’autre. Formellement reconnues par les Constitutions de 1989 et 1996 dans les mêmes termes que multipartisme, les libertés syndicales constituent à ce jour le nœud gordien que le système ne souhaite pas trancher afin de ne pas s’exposer à la contestation organisée et légale. Le syndicalisme étant par définition un fertile terreau de l’expression sociale, il était vite apparu aux pouvoirs politiques qu’il fallait réduire, voire brider son développement. Dans un certain contexte historique (1989), cette censure pouvait s’expliquer ou du moins se justifier. En effet, dans le laxisme ambiant qui a favorisé la légalisation de certaines mouvances doctrinales sectaires, la bataille pour le contrôle du maillage syndical avait, comme l’on se souvient, opposé deux courants populistes. Celui de l’ex-parti unique qui n’avait jamais renoncé à sa tutelle sur les organisations de masse et évidemment le FIS qui a opportunément noyauté celles-ci jusqu’à parvenir à créer le fameux SIT. Ce syndicat islamiste avait été destiné à orchestrer des grèves et encadrer le mouvement de désobéissance civile. Sa capacité de nuisance fut telle qu’elle contribua à une véritable paralysie économique, sous le regard impuissant des pouvoirs publics. C’était cette expérience qui fut à l’origine d’une réflexion au sein de l’UGTA consistant à trouver la parade à l’effritement du front social livré à des manipulations politiciennes. Ce que certains ont, à l’époque, qualifié de résurgence du monopole de l’UGTA n’était en fait qu’une salutaire contre-offensive face au dévoiement du travail syndical dont se sont rendus coupables les relais islamistes. Dévitalisées par l’infiltration du SIT, la vieille centrale n’avait d’autre choix que d’appeler à la rescousse le pouvoir politique sous peine de disparaître. La prise de conscience de l’archaïsme de ses méthodes et du décalage de sa culture syndicale sera à l’origine d’un travail de rénovation qui allait lui permettre de récupérer la totalité des segments un moment attirés par les islamistes. Dans le même temps, elle rompra avec la vieille tutelle idéologique que représentait l’ex-parti unique. Grâce à cet affranchissement, elle s’assura de nouvelles capacités qui lui permettront alors de concevoir un «autre» syndicalisme loin des accointances doctrinales et plus près des préoccupations concrètes du monde du travail. A partir de 1992, elle parvint à refaire le terrain perdu, à retrouver une audience et à redevenir un interlocuteur influent face aux pouvoirs publics. Cependant, son contrôle quasi-total sur l’espace syndical ne pouvait résister longtemps à des courants se structurant en dehors d’elle d’abord et contre elle ensuite. De moins en moins représentative dès l’instant où elle commença à réaffirmer sa prépondérance sans pour autant la traduire par la combativité, elle s’aliéna des secteurs entiers du salariat. L’argument qui la met en accusation aujourd’hui tient au fait qu’elle est redevenue honteusement un satellite politique. Les coordinations autonomes dont l’audience est vérifiée sur le terrain ouvre de nouvelles perspectives au syndicalisme qui se développera à l’avenir contre cette UGTA sclérosée. Depuis dix années, elle n’a eu de cesse de contredire ces courants allant jusqu’à solliciter leur «endiguement» par la puissance publique. Plus qu’une erreur de stratégie elle se retrouve désormais dans une situation identique à celle de 1988 quand le raz-de-marée du SIT lui siphonna sa base. Il est d’ailleurs significatif d’entendre les autonomes dire qu’ils ne furent contraints de s’organiser que parce que le vieux syndicat s’est trop compromis et qu’il a été aspiré par le jeu des appareils politiques. En réponse à ce constat, récurrent depuis quelques années, Sidi Saïd riposte chaque fois par la stigmatisation au lieu de jeter des passerelles et de soutenir leur combat. Les accusant ponctuellement «d’agitateurs fractionnels », il détourne la notion d’unité syndicale juste pour les délégitimer. Ce qui est en soi une dérive langagière qui renforce la suspicion sur cette «centrale» et brouille son image dans le monde du travail, lequel a de plus du mal à comprendre cette hostilité. La grève du 15 janvier doit obliger l’UGTA à plus de circonspection. Il lui faudra se faire violence en acceptant non seulement ce compagnonnage qui lui fait déjà de l’ombre et même à plaider sa cause. Qu’elle le veuille ou non, celui-ci est appelé à se multiplier puis à se fédérer autour d’une autre culture syndicale. Celle que n’aiment surtout pas les carriéristes émargeant à la place du 1er- Mai.

B. H.

(1) C’est Zola dans «la curée» qui écrit précisément ceci : ils ont mené le pays au cabanon des nations pourries et déshonorées.
(2) Au cours de la conférence de la coordination, le SG du Cnes fustigeant l’UGTA exigeait ceci : «Qu’ils nous disent ce qui s’est passé à la Caisse de retraite.»

Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2008/01/19/article.php?sid=63423&cid=8

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Commentaires (12) | Réagir ?

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Benkadi amar

effectivement, M. IDJEROUIDEN est le beau frère de Sidi said (le patron d'aigle azur est marié à la soeur du patron de l'ugta)

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mohamed hannachi

C´est un serviteur d´aigle azur pas associé

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