Jean-Jacques Susini : «L’Etat français collaborait avec l’OAS»

Graffitis de l'OAS dans les rues d'Alger
Graffitis de l'OAS dans les rues d'Alger

Le journal "Libération" a publié des extraits exclusifs du livre d’entretiens de Bertrand Le Gendre avec Jean-Jacques Susini, l'ex numéro 2 de l' O.A.S ( Organisation armée secrète) , qui paraît ce jour aux éditions "Les Arènes".

Revenant sur les conditions de création de l’organisation terroriste, l’OAS, son ex numéro 2, Jean-Jacques Susini dont on s’attend à d’autres révélations tout aussi fracassantes, accuse l’Etat français, avec en première ligne sa police et son armée, d’avoir collaboré avec l’OAS notamment dans les renseignements sur les cibles anti-FLN fournis par les services de police à son organisation: "Nos premiers adversaires sont les pro-FLN, qu’ils soient musulmans ou européens. Nous sommes parfaitement renseignés sur leur compte, par nos militants, mais aussi par les services de police en Algérie."
L’OAS était-elle un sous-traitant des services de police dont les sales besognes lui revenaient ? Jean-Jacques Susini répond sans ambages : "Si les forces régulières arrêtent un agent du FLN qui ne mérite pas d’être déféré à un tribunal, il faut bien que quelqu’un se charge de son exécution." L’ex-N°2 de l’OAS se fait plus explicite quant à la collaboration de l’Etat français, via sa police officiellement censée traquer les membres du réseau OAS, dans la préparation d’un attentat anti-FLN ou dans l’assassinat de militants pro-FLN qu’il soit musulman ou français : "Souvent, les noms des partisans du FLN nous étaient transmis par ceux-là mêmes qui, officiellement, nous combattaient. Cela peut paraître paradoxal, mais c’était pour eux la solution. Nous avions le même ennemi commun."

Pour Jean-Jacques Susini, cette collaboration secrète entre les agents de la police française et l’OAS, remonte à à la Bataille d’Alger: "Il n’était pas rare en 1957 que les zouaves qui quadrillaient la Casbah transmettent à des volontaires européens la liste d’opérations qu’ils ne pouvaient ou ne voulaient pas mener à bien eux-mêmes."

A la question de savoir les raisons pour lesquelles les policiers et les militaires chargés de pourchasser les membres de son organisation terroriste, agissaient en collabos avec l'OAS, Susini a cette réponse cinglante : "Tout simplement parce qu’ils ne veulent pas prendre la responsabilité d’éliminer un adversaire dangereux et que leur hiérarchie se dérobe. En 1961 comme en 1957, ils sous-traitent leurs scrupules. En 1961-1962 à Roger Degueldre et à ses hommes."

S’exprimant sur la violence de son organisation, Susini affirme que celle-ci était "mûrie, planifiée, dès le début de l’organisation. Nous cherchions à remobiliser la population et l’armée en vue d’un nouveau coup de force. Pour les convaincre que cette fois nous pouvons réussir, nous devons apparaître aux yeux de tous comme une armée de combattants, un parti révolutionnaire capable - il y a des précédents - de changer le cours de l’histoire." Cette violence dépasse donc le cadre circonstanciel des attentats sanglants et s’affirme selon Susini : "comme affirmation de notre force, comme outil de propagande et comme préparation à une insurrection armée. Pour les pieds-noirs, apprendre par la presse l’élimination d’un traître est un aiguillon, un encouragement à nous rejoindre."
Il voit dans ce recours à la violence, à l’arbitraire des exécutions de militants FLN un moyen de suppléer au "manque de courage de l’Etat français" : "…A partir du moment où l’Etat n’a pas le courage d’appliquer les sanctions radicales qui s’imposent, où il craint la réprobation de l’opinion, il nous revenait à nous, clandestins, de se substituer à lui. Toutes les guerres de résistance sont passées par là. J’ajoute que le FLN se livrait à des atrocités que nous ne pouvions laisser impunies."

Ce livre entretien parait dans le contexte de la commémoration du 50ème anniversaire de la mort de l’écrivain algérien, Mouloud Feraoun, assassiné avec ses collègues à Château Royal, à Ben Aknoun ( Alger) le 15 mars 1962 par l’OAS.

R.M

Lire l'extrait repris dans son intégralité dans: http://www.freealgerie.com/debat-du-jour/308-jean-jacques-susini-la-violence-est-murie-planifiee-des-le-debut.html

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Commentaires (6) | Réagir ?

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bruno roque

La TSR la télé Suisse a montré un documentaire (qui a duré 2 heures) sur la Guerre de l'Algerie. J'étais horrifié par le nombre des victimes tués par la France. À la fin, les Algériens ont choisi l'Independence sans avoir payé un prix, bien sûr. Beaucoup des morts, trop même. Comme le President de la Turquie Erdogan a dit l'autre jour, c'était un vrai massacre, un crime de guerre qui doit être investigué. Est-ce qu'on verra un jour un tribunal algérien juger les crimes commis par la France contre les Algériens? Les Français aiment le terme "devoir de mémoire" mais je pense que ce terme ne s'applique pas a l'Holocaust Algérien. Les Arabes en général et les Français en particulier aiment beaucoup critiquer les Américains quand ils ont envahi l'Irak mais, attendez, les Français aussi voulaient la domination sur l'Algérie a cause du pétrole algérien, mais dans ce cas, ça n'a pas marché.

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Faro Laz

La France en mauvais colonisateur a utilisé ces va nu-pieds pour occuper le terrain. Ce n’était pas très intelligent comme on le sait avec beaucoup de recul maintenant. N’étant pas français d’origine (d’où le patronyme), ceux-là semblaient vouloir coûte que coûte être plus royaliste que le roi. Cela me rappelle une anecdote de mon père dont un ‘ami’ s’appelait Martinez. Quelques jours avant Noel, celui-ci annonça à mon père que cette année, il allait passer ses vacances avec sa famille comme il avait dit « chez nous ». Mon père rétorqua, ou çà, en Espagne ? L’ami enragé surtout par la présence de quelques français de souche, blasphéma mon père de tous les noms comme à son habitude. J’avais quelques 7 ans à l’époque et je n’oublierais jamais. La réponse de mon père fut : eux sont Français, nous on est algérien et toi qui es-tu ? Les choses ont-elles changées depuis, je me le demande. Et qu’attend-on pour déposer plainte contre chacun de cette racaille, dont la majorité est toujours en France. Si le système « FLN/ANP/je ne sais quoi encore » s’est assoupi devant son soudain enrichissement modeste et mal aquis durant ces dernières 50 années, il n’est toujours pas trop tard pour bien faire.

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