L’angoisse du pain et le caprice des élites

L’angoisse du pain et le caprice des élites

Qu’une année commence par une autre journée rouge, de colère celle-là, quel meilleur signe ? Depuis mardi, nous savons au moins qu’il y a une Algérie qui s’angoisse pour le pain et une autre pour un troisième mandat de Bouteflika. Et que la plus influente n’est pas celle que l’on croit. Car enfin, qui s’attendait à ce tableau incroyable ? Des millions de salariés unis dans une si imposante grève à l’appel de si modestes syndicats libres ! Qui donc soupçonnait possible de se faire entendre par tant d’Algériens, sans les caméras de Habib Chawki ni les mosquées de Belkhadem ? Qui, jusqu’à ce mardi rouge, pensait pouvoir paralyser le pays sans les moyens de Sidi Said ni les appareils des partis ? Qui, enfin, imaginait une si spectaculaire mort de l’UGTA ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit : d’une défaite magistrale du pouvoir. Sa citadelle du mensonge, la Centrale syndicale, n’est plus en mesure de lui garantir la « paix sociale » et de l’épargner de la colère ouvrière. Elle n’a plus d’autorité auprès des salariés. C’est le crépuscule d’Abdelamadjid Sidi Said. Il a perdu la capacité de « réguler » en quelque sorte, la grogne prolétaire : tournant le dos à son « pacte social », des millions de travailleurs ont basculé dans le camp des syndicats autonomes.
Ce mardi, le divorce entre le peuple et ses dirigeants semble avoir pris la couleur de l’irréversibilité.
Ce mardi a confirmé ce quelque chose d’invisible et de très profond qui s’est produit à notre insu : la société algérienne se délivre de ses peurs. Elle a fait le choix de l’autonomie. Elle ne vote plus, n’écoute plus les sermons politiques et, surtout, a renoncé aux fables des puissants.
Les artisans de ce mardi rouge sont rentrés chez eux en nous léguant deux belles leçons.
D’abord une leçon d’unité. A l’heure où l’on disserte sur la meilleure façon de créer l’union des démocrates, les syndicats libres ont édifié une puissante confédération en utilisant une méthode infaillible : la modestie. Peut-être devrait-on réaliser, depuis mardi, que l’union démocratique ne doit pas se confondre avec une addition d’états-majors mais ressembler plutôt à cette masse imposante d’âmes déterminées à changer les choses.
Ensuite une leçon politique. Ce peuple dont on désespère, ce peuple sait prêter l’oreille à ceux qui savent encore dire des choses qui arrivent au cœur.
Aussi l’idée se dégage d’elle-même : dans l’Algérie qui s’angoisse encore pour le pain, le débat politicien autour du troisième mandat ressemble à une compétition factice entre deux « forces » dévitalisées, les courtisans supplétifs et les élites passionnées de changement mais sans aucune influence. On serait tenté de revenir à la vérité de Hugo :
« qui n'est pas capable d'être pauvre n'est pas capable d'être libre. » Cela dit, les animateurs du mardi rouge nous auront quand même donné une belle clé : avec la déroute de l’UGTA, il s’avère bien que la capacité manœuvrière des partisans d’un troisième mandat ne repose plus que sur des forces moribondes. Merci de nous l’avoir démontré.

Mohamed Benchicou

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Commentaires (7) | Réagir ?

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said athmani

Il y a une société qui sangoisse pour le pain et il y en a Bouteflika qui jette par la fenêtre l'argent de ce même peuple qui s'offre une mosquée et enrichit les pays européens dont l'Allemagne dans ce cas précis.

A quoi a servi la formation des architectes en Algérie.

On importe même des services en plus des produits manufacturés.

Et Son Excellence mérite un autre mandat pour services rendus à l'Algérie.

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BOULBOUL

CE N EST PAS LE FAIT DE SE SUICIDER QUE SIDOU SAID SERA RECONNU PAR L HISTOIRE C EST PLUTOT LE FAIT D ACHETER UNE CORDE CAR CES GENTS PRENNENT TOUT GRATUITEMENT

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