La neige paralyse depuis plusieurs jours la Kabylie

Les villageois s'approvisionnent comme ils peuvent.
Les villageois s'approvisionnent comme ils peuvent.

En Algérie, plus précisément à Béchar, l'offensive hivernale a tout d'abord offert l'inhabituel spectacle du Sahara sous la neige.

Mais, tandis que, depuis le début du mois de février, les intempéries se multiplient dans le nord du pays, la situation s'est tendue. Du massif de l'Ouarsenis, à l'ouest, à Constantine, à l'est, en passant par Tipaza et l'Algérois, routes coupées et stations-services prises d'assaut ont alimenté le mécontentement de la population. En Kabylie, les conséquences des bourrasques neigeuses semblent avoir atteint un seuil critique : le quotidien La Dépêche de Kabylie y dénombre déjà sept décès dus aux intempéries.

Essentiellement formée de massifs montagneux (Djurdjura et Babors), cette région côtière très peuplée, située à l'est d'Alger, a l'habitude des hivers enneigés. Cependant, les chutes de neige de ces derniers jours ont surpris par leur ampleur et leur fréquence. Dans les deux principales wilayas (préfectures) de Kabylie, Tizi-Ouzou et Bejaïa, on a relevé plus de deux mètres de neige dans de nombreuses localités. La population guette les bulletins météorologiques spéciaux distillés par l'Office national de la météorologie : ces derniers alertent le public sur les zones où sont attendues de fortes précipitations neigeuses. D'après l'Office, de nouvelles vagues de froid sont à prévoir.

Depuis maintenant plus de deux semaines, l'amoncellement de neige paralyse toute la région : tandis que la route nationale 12 reliant Tizi-Ouzou à Bejaïa est régulièrement coupée, de nombreuses communes de montagne se retrouvent isolées du reste du monde. Le principal souci des habitants devient l'approvisionnement en gaz – dont l'Algérie est pourtant le 6e producteur mondial. Seule une minorité de la population est raccordée au gaz de ville (lequel souffre par ailleurs de nombreuses coupures), la majorité des foyers ayant recours aux bouteilles de butane comme principale source d'énergie. Or la hausse subite de la demande en raison du froid et les complications de transport entraînent une pénurie durable de gaz butane.

Contacté par Le Monde.fr, Chérif, commerçant dans la wilaya de Bejaïa, décrit"une situation catastrophique : dans les montagnes on manque de gaz, de lait pour les enfants et même de produits d'alimentation. Nous subissons également de fréquentes coupures d'électricité. Certains villages sont isolés depuis vingt jours, les enfants ne vont pas à l'école, les adultes ne peuvent pas allertravailler. Ils ne peuvent plus se chauffer car il n'y a plus de gaz butane, le prix de la bouteille a atteint 2 000 dinars au marché noir, alors que le prix officiel est de 200 dinars. Ces derniers jours, des villageois excédés ont pillé des camions de ravitaillement en butane destinés à d'autres communes. Même certains produits alimentaires commencent à se faire rares : les grossistes de la région ont des difficultés à s'approvisionner auprès des importateurs d'Alger, en raison des routes impraticables". Une situation qu'il juge inacceptable : "Il y a un manquement flagrant de la part des autorités, on a vu l'armée intervenir il y a quelques jours, mais uniquement pour déneiger les routes nationales, ils n'ont pas touché aux routes wilayales ni communales. Nous n'avons pas vu les hélicoptères militaires utilisés le reste du temps dans les opérations anti-terroristes. Les citoyens s'organisent eux-mêmes pourtrouver du gaz, de la nourriture et pour déneiger."

En effet, dans de nombreuses localités, ce sont d'informels comités de villages qui tentent d'organiser la solidarité : corvée collective de déneigement ou expéditions en camion pour tenter de trouver du gaz butane dans des stations Naftal (l'entreprise d'Etat distributrice d'hydrocarbures) complètement débordées.

Dans un rare discours télévisé diffusé le 9 février, le président Abdelaziz Bouteflika a annoncé la tenue prochaine d'élections législatives mais n'a pas prononcé un mot en direction des sinistrés météorologiques. Tandis que les autorités locales et les cadres de Naftal cherchent à convaincre les citoyens que le retour à la normale est proche, la situation prend un tour politique. La Kabylie est une région célèbre en Algérie pour son hostilité au pouvoir d'Alger, laquelle s'est exprimée lors d'émeutes insurrectionnelles en 1980, 1998 et 2001. Les partis politiques à fort ancrage sociologique kabyle n'hésitent pas à rendre l'Etat responsable du chaos engendré par la neige.

Pour le Front des forces socialistes, doyen des partis d'opposition en Algérie, dirigé par Hocine Aït-Ahmed, "l'action publique a été très en dessous des besoins de la situation. Cette impréparation à réagir aux situations d'urgence est inquiétante et ne s'explique pas. (..) Des millions d'Algériens sont privés du minimum vital, et depuis plusieurs jours, ils connaissent la faim, le froid et l'angoisse pour leurs malades."

Le Rassemblement pour la culture et la démocratie, présidé par Saïd Sadi, constate que "pendant que des Algériens meurent de froid et de faim, le conseil des ministres tenu le 7 février, tout occupé à sa farce électorale, n'a pas soufflé le moindre mot sur la souffrance endurée par les populations". Son bureau local de Bejaïa affirme que "la colère gronde et l'indignation a atteint son paroxysme (...) face à l'inertie et la démission du pouvoir central", celui de Tizi-Ouzou dénonce le fait "que les Kabyles grelottent de froid, qu'ils ont faim, qu'ils vivent à la bougie et qu'ils sont coupés du reste du monde et souvent sans possibilité de soins".

"La Kabylie ne peut compter que sur elle-même"

Le Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie, présidé par Bouaziz Aït-Chebib, a des mots encore plus durs : "Pendant que le régime raciste d'Alger ne se préoccupe que de la pérennité de son système mafieux (…), la Kabylie vient encore une fois de prouver qu'elle ne peut compter que sur elle-même."

La question de l'assistance portée par les régimes en place aux régions rurales, montagneuses et enclavées victimes d'intempéries météorologiques ne touche pas que l'Algérie : au Maroc également, des communes du Moyen-Atlas, notamment Azilal, sont coupées du reste du pays en raison des fortes chutes de neige. Un récent reportage de la chaîne 2M dans un village de cette région a montré comment les autorités publiques n'ont consenti à envoyer un véhicule pour dégager la route qu'après avoir appris qu'une équipe de la télévision d'Etat se trouvait bloquée sur les lieux. Lors d'une précédente vague de froid, en 2006, 39 personnes dont 23 enfants seraient décédées à Imilchil et Anfegou, sanssusciter la moindre mobilisation des services étatiques marocains.

Ces défaillances illustrent les choix de gestion territoriale des Etats nord-africains, qui privilégient surtout le "pays utile" : quelques villes, importantes politiquement et économiquement, quelques grands axes routiers, quelques régions riches en matières premières et quelques réalisations de prestige (port industriel de Tanger au Maroc, autoroute Est-Ouest en Algérie). Dans cette configuration, la qualité des infrastructures dans les zones rurales ou enclavées est souvent réduite à la portion congrue.

Yidir Plantade

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Commentaires (17) | Réagir ?

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kheira benrahla

regarder la vraie civilisation et la démocratie, le président allemand qui démissionne, je lui tire chapeau à lui et à son peuple. Ps comme chez nous, ça pue la corruption jusqu'aux Caraibes mais ils restent accrochés à leur poste, ils ne sont pas dérangés du tout, rien ne les ébranle. Pourquoi je suis née algérienne et j'aime encore mon pays.

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mehdi benramdan

@ali Foughali, on est tous Algériens et on se connait tous surtout comment on raisonne, tu ne vas pas me dire que l'autonomie c'est la solution allons voyons c'est une idée du siècle dernier on est en 2012 j'ai de la peine pour toi. S'il y a autonomie par exemple on sera en quelle annee, dans 20 ans, 30 ans ça m'étonnerait d'ici là ton MAK demande que sa le temps qu'il resteron en france le plus longtemps possible haha que demande le peuple que sa!!!! la belle vie et toi tu crèves à petit feu. On est tous des vautours, tu parles du clan d'Oujda, moi je te dis sans faire attention tu crées dans ta tête le clan du MAK pour moi c pareil mon cher. Elfahem yfahem eli mafahmouch.

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dantladent

Je me permets un instant de prendre la parole en place est lieu de Monsieur Foughali, Pour vous que de tous les combats aucun ne s'est joué en un jour, bien sûr il faut du temps pour reconstruire, bien sur que le fédéralisme nous apportera prospérité, bien sur qu'il nous apportera un esprit de compétitivité, bien sur aussi que nous avons tous a y gagner si nous prenons nos décisions, que l'on ne sous traite pas avec une centrale qui ne pense qu'a son bien être.

Pour tout cela, je dis que tous le peuple Algérien, toutes les régions algériennes doivent se doter d'instance au moins équivalente au MAK.

Pour j'aimerais vous dire que personne, je dis bien personne ne viendrait vous remettre votre liberté dans un emballage cadeau, si vous ne prenez pas la décision de l'arracher a deux, que vous soyez riche ou pauvre, vous mourez esclave.

Vive la Kabylie Belle et Rebelle... autonome.

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