Élites de l’Algérie 2012 : regain de soumission à la dictature

La détermination de la rue algérienne demeure un rempart sûr contre la brutalité du régime.
La détermination de la rue algérienne demeure un rempart sûr contre la brutalité du régime.

"Je ressusciterai tant que tu n’auras pas appris à vivre sans maître… Je mourrai le jour où tu passeras de l’humiliation de servir à la grâce d’exister" (*)

On a tous en mémoire le jour du "détournement du fleuve révolutionnaire",(*) ce fleuve qui germa dans la conscience collective durant plusieurs décennies pour enfin déborder dans un élan de réappropriation des terres que la colonisation les a faite sienne, sur lesquelles pouvait couver de nouveau notre Humanité. Ce jour ! Le plus déterminé des révolutionnaires, tenant tête à une horde de mercenaires agissants pour le compte de forces réactionnaires, nassériennes et autres, sera décapité et le grondement du fleuve révolutionnaire anéanti.

Abane Ramdane avait été abattu parce qu’il avait posé les fondations d’une république démocratique, ouverte sur le monde et sur toutes les libertés que requière une société. Consacrant le droit de chacun à vivre dans un pays libre et souverain. Faisant de la loi l’ultime siège du pouvoir.

La horde de mercenaires qui l’ont anéanti et avec lui l’espoir qu’il avait fait naître, l’ont tous fait par cupidité, par esprit de clan despotique, par arrogance, par ignorance et par déni à toute valeur politique, de tout respect de la quintessence de la loi et de tout sens de l’État et de sa souveraineté. Ayant renoncé à la politique, ils fondèrent le système totalitaire pour les servir, en asservissant la société et l’État, en leur appliquant l’unique et singulière loi de la soumission ou de l’anéantissement.

Il y eut beaucoup d’anéantissements. Ils continuent à se produire jusqu'à nos jours, contre tous ceux qui représenteraient une menace pour la pérennité de leur système. Il y eut beaucoup de soumission surtout. De plus en plus, beaucoup plus aujourd’hui, au fur et à mesure que l’on s’éloigne de ces moments de liberté uniques par leur intensité et leur authenticité. La soumission prend de plus en plus aujourd’hui une figure d’anamnèse pour supporter son caractère humiliateur. Se contentant de psalmodier des litanies à en procurer jouissance et jubilation pour leurs maîtres, à même de leur permettre de savourer ces moments de toute puissance sadique, en échange de leur épargner l’anéantissement.

Point d’honneur. Nos élites sont profondément avilies. Plutôt la soumission que l’anéantissement, semblent-ils avoir décidé, comme si leur devise est devenue de concert : à quoi sert l’honneur dans l’anéantissement. Se contentant tout au plus de la remémoration de ce jour de deuil, dans des moments couverts par la discrétion, au plus fort de l’illusion d’un orgueil retrouvé, telle une litanie d’impuissants, sans réelle capacité à agir. Sombrant dans la résignation et la soumission. Perdus dans la lâcheté de l’avilissement.

Leurs maîtres ne se sont pas contentés de les dépouiller de leur honneur et de leur dignité dans leur soumission, ils ont été jusqu'à l’achèvement de l’anéantissement des fondements mêmes de l’État, pour que la société ne puisse prendre forme et constituer une éventuelle menace pour leur pérennité. À la place, ils ont disposé des coquilles vides, tels, des mangeoires pour bêtes de somme, qu’ils engraissaient pour les servir. Où nos élites ne se contentaient de venir que pour s’y abreuver, donnant d’eux-mêmes une image de vomi au peuple, qui lui, pour préserver son Humanité, préféra à la soumission l’immolation, la noyade dans les mers ou pour les plus déterminés parmi eux, l’affrontement aux mains nues. Point d’État pour ce système despotique. Les décisions se prennent dans l’ombre, à l’abri du regard de tous les curieux. Les coquilles vides données en pâture à l’élite, dans un leurre d’institutions de l’État et qui ne leur servent que de mangeoires, font l’objet cycliquement de surenchères pour aiguiser les appétits et renforcer la soumission. Est élu celui qui manifeste le plus d’ardeur dans sa volonté de se soumettre et de glorifier son maître.

Le peuple vous vomit avec votre kermesse de dupes ! Il réalisera son État sur vos cadavres calcinés par la lâcheté et le mensonge, à mains nues. Il restituera le débat civilisé à nos assemblées. Il rendra son droit à la justice. Il fera jaillir le savoir dans les écoles. La santé dans les hôpitaux. Les fleurs dans les jardins publics et restituera la poésie à ses libraires.

Allez au diable avec votre république, elle ne pouvait posséder de qualités pour nous représenter. Ses fondations ne reposent sur aucun fondement de notre lignée. L’Algérie est une terre d’hommes libres. Qui ne peut s’accommoder avec la soumission et vos turpitudes.

Youcef Benzatat

* Mohamed Benchicou, Le dernier soir du dictateur Théâtre, sur une idée de Sid Ahmed Agoumi, édition Riveneuve, 2011

* Rachid Mimouni, Le fleuve détourné

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Commentaires (2) | Réagir ?

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karim haddad

vous êtes un grand monsieur !!!merci de nous rappelez qu'il existe encore, dans cette fange cauchemardesque qu'est devenue l'algerie, qu'il existe encore du talent de la dignié et de l'honneur !!

vos paroles sont un baume euphorisant pour nos douleurs et nos souffrances !!!

merci benzettat!

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Nassima Chaouech

Merci Youcef Benzetat cette nuit je dormirai avec moins d'angoisse.