Mokdad Sifi : "J'ai préféré le camp d'Aït Ahmed à celui du pouvoir"

Mokdad Sifi, ancien chef de gouvernement
Mokdad Sifi, ancien chef de gouvernement

"Mokdad Sifi, devrons-nous croire que vous avez raison ?" est le titre d'une synthèse de commentaires de nos internautes. L'ancien chef de gouvernement a eu l'amabilité de leur répondre à travers cette intervention.

Suite à mon intervention sur (et à l’invitation de) Algerie-News, j’ai remarqué qu’il y a eu beaucoup de réactions d’internautes où se mêlent, comme d’habitude, les questions sincères aux procès d’intention, aux accusations infondées et à l’insulte gratuite et crétine cachée derrière des pseudos.

En général ces réactions, ultra minoritaires (écrites en français par des gens ayant accès à Internet) ne m’intéressent pas beaucoup relativement aux échos et feed-back qui me parviennent de l’Algérie profonde (celle des ruraux, des chômeurs et des prolétaires) et relativement aux réactions des milliers de cadres algériens qui connaissent bien mon parcours et mon action et continuent à m’écrire des quatre coins du pays.

Cependant et parce que vous m’avez donné l’honneur de reprendre mon intervention et de souligner la multitude des réactions de vos lecteurs, je souhaiterais apporter quelques informations vérifiables et souligner quelques faits indéniables qui pourraient aider ces lecteurs à avoir une idée plus complète et plus juste de Mokdad Sifi.

Je suis un homme de terrain

D’abord au plan personnel, j’ai eu l’occasion de publier dans la presse et sur Internet, ma biographie et mon parcours et tout le monde aura remarqué que j’ai occupé durant 28 ans tous les postes de la hiérarchie de l’administration publique, d’ingénieur travaux à Sonelgaz jusqu’au poste de secrétaire général de ministère (successivement travaux publics et finances) sans avoir à être pistonné ou parachuté et paradoxalement aucun des ministres qui m’ont proposé ces postes n’était de ma région. Etant doublement diplômé (DEA en physique et ingénieur en mécanique-électricité), j’étais suffisamment compétent pour faire mes preuves de cadre sans faire allégeance à qui que ce soit.

Durant ce parcours, j’ai visité la quasi-totalité des 1541 communes de mon pays et dirigé ou supervisé des milliers de projets publics (du raccordement de villages isolés au gaz naturel jusqu’aux grands barrages en passant par la réalisation de routes, de ports et d’aéroports, de cimenteries, etc). Ceci pour dire que je suis un homme du terrain et pas du verbe ni des salons.

Après ce parcours dont je suis très fier, j’ai refusé à plusieurs reprises des postes de ministre avant d’accepter d’être ministre de l’Equipement de Belaïd Abdesslam, un homme intègre qui m’avait inculqué, alors que j’étais son directeur des projets, le goût du développement économique et le nationalisme positif.

Aurais-je dû démissionner à l’époque pour protester contre les politiques de Boumediene ou de Chadli ? Aller en exil politique ? Prendre le maquis ? J’avais choisi de continuer à servir mon pays sur le terrain par des actes concrets.

En 1993, j’avais rencontré en tant que ministre de l’Equipement et durant un Conseil du gouvernement le nouveau ministre de la Défense que je n’avais jamais vu auparavant : Monsieur Zeroual. Il devait me contacter quelques mois après pour me demander avec insistance de l’aider à gérer un pays en crise que tout le monde fuyait comme la peste.

Aurais-je dû refuser et partir à l’étranger attendre patiemment comme certains que les choses se tassent ? J’ai accepté, au risque de ma vie et des vies des miens, d’assumer cette responsabilité alors que le sang coulait quotidiennement et il suffit d’interroger celles et ceux qui ont vécu cette période douloureuse de notre histoire pour savoir qui était qui et qui faisait quoi ?

Voilà pour répondre à ceux qui disent que j’étais parachuté à des postes car j’étais parent de Khédiri ou de Zeroual (Je ne le suis pas).

Ensuite, et pour répondre notamment à Monsieur Aziz Farès, je n’ai pas attendu de quitter le poste de chef du gouvernement pour "retrouver la vue". Durant les 2 ans où j’étais Premier ministre, j’ai visité 30 wilayas et une dizaine de pays étrangers pour relayer un message de résistance au terrorisme intégriste et pour dénoncer "le système" qui nous avait amené à cette situation. J’ai fait face à plusieurs défis : entre autres, l’interdiction par les GIA de la rentrée scolaire, la revendication de l’enseignement de la langue amazigh par le MCB appuyée sur un boycott de la rentrée scolaire, les échéances de notre dette extérieure que nous n’avions pas de quoi payer, l’approvisionnement du pays en produits de première nécessité que nous ne pouvions pas financer et l’application de l’accord avec le FMI signé par mon prédécesseur. La paie des travailleurs et des fonctionnaires. C’est de ces problèmes concrets que je me suis occupé et c’est parce qu’on a résolu ces problèmes tant bien que mal que l’Algérie a survécu et qu’aujourd’hui on peut en discuter.

Les menaces du "système"

Et c’est parce que mon point de vue ne plaisait pas à beaucoup que le président Zeroual m’a demandé de démissionner en me nommant ministre d’Etat sans portefeuille. Depuis, je n’ai pas "fermé ma gueule" et j’ai fini par démissionner du RND pour protester contre la politique du gouvernement (voir les journaux de l’époque) et finir par me présenter aux élections présidentielles de 1999 contre "le système" et malgré les pressions et les menaces du "système" et je me suis retiré de ces élections avec les autres candidats (les six) pour dénoncer la fraude et les dérives du pouvoir.

Depuis cette date et cela fait 13 ans, je ne me suis pas tu et je me suis exprimé quand on a pu me donner la parole pour dénoncer le pouvoir et ses actions. Ce n’est pas aujourd’hui que je me réveille Monsieur le pseudo Alex.

Pour conclure et surtout pour éclairer certains lecteurs sur ma position actuelle, je voudrais souligner que je n’ai jamais quitté le pays, que je fais mon marché comme simple citoyen à Chéraga, à Douéra, à la place du 1er Mai et quelquefois à Bab El Oued. Je sillonne les rues, je connais les prix. Je rencontre des citoyens dans la rue, à la mairie où je vais retirer des papiers ou lors de mes déplacements quotidiens à Alger. Comme beaucoup d’Algériens, j’ai des parents, des nièces et des neveux chômeurs, certains universitaires. Je suis totalement immergé dans la réalité algérienne.

Je ne crois pas aux partis ni au parti pris, je crois en la jeunesse algérienne. Je ne critique pas gratuitement les gens mais je dénonce des faits et je propose des solutions concrètes (je vous renvoie à mon programme électoral de 77 propositions que j’avais mis en ligne à l’époque).

Maintenant, on me reproche de ne pas citer des noms en disant système ou pouvoir. Ceux qui me le reprochent, surtout parmi les journalistes, seraient bien en peine de le faire eux mêmes alors qu’ils sont plus habilités que moi pour le faire. De quel droit et avec quelles preuves vais-je désigner les responsables du système ? Les généraux ? J’en connais, parmi eux, qui sont victimes du système !

Des ministres actuels, j’en connais qui sont coincés entre le devoir de réserve et l’envie de tout plaquer. En réalité, il y a un foisonnement de responsabilités où on trouve de tout : des militaires véreux, des douaniers corrompus, des privés trabendistes, des fonctionnaires indélicats, des journalistes stipendiés et même des internautes et des blogueurs en mission commandée, etc.

On m'a proposé des postes pour maintenir ma candidature

Ce système et je suis d’accord avec Monsieur Hellal, (… végète et survit au pouvoir par la force de la manipulation, la ruse et l'imposture mais il ne construit rien de solide car il est bâti sur du vent et du sable).

Cependant, ce système change chaque fois de tête et la tête actuelle autoproclamée est le Président de la République. Alors c’est à cette tête que je fais référence.

Pour conclure, j’informe ceux que cela intéresserait que je ne brigue aucun poste et que je ne suis pas un déçu des responsabilités. Avant de me retirer en 1999 avec les 6 candidats, on m’a proposé des postes de pouvoir contre le maintien de ma candidature. J’ai préféré le camp d’Aït Ahmed au camp du pouvoir. On ne me l’a jamais pardonné.

Je suis né fils de maçon, je ne peux finir ma vie en cacique d’un système en perdition.

Démocratiquement et patriotiquement vôtre.

Mokdad Sifi, ancien cadre supérieur de la nation

(*) Les titres sont de la rédaction

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Commentaires (34) | Réagir ?

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fateh yagoubi

merci pour le partage

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thameur chelali

http://virtuelcampus. univ-msila. dz/fmi/

Merci

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