L’Egypte au pied de ses pyramides

La révolution d'El Tahrir a été récupérée par les généraux et les islamistes.
La révolution d'El Tahrir a été récupérée par les généraux et les islamistes.

Le chômage, à fleur de peau, s’accroît dans toutes les franges populaires et les réserves de la Banque centrale s’affaissent dangereusement ;

Il y a jour pour une année depuis que Hosni Moubarak, à la tête de l’Egypte depuis trente ans, est acculé sur ses ultimes retranchements, en l’occurrence l’armée qui refuse de lui prêter main forte pour mater la révolte populaire portée à bout de bras par l’ensemble de la jeunesse dans les rues et les campagnes de ce pays arabe le plus puissant avec ses quatre-vingts millions d’âmes.

Soi-disant pour aggravation de son état de santé, il obtempère à l’indication de la démission au profit de son vice-président Omar Souleymane qui l’annonce à l’opinion mais ce sont les forces militaires qui prennent le pouvoir en réalité sous la houlette du maréchal Mohamed Hussein Tantaoui, à la tête du Conseil suprême des forces armées qui désigne un gouvernement de transition avant des élections présidentielles prévues pour juin prochain ; tandis que déjà, en décembre dernier, la consultation législative a donné une majorité de 65% aux regroupements islamistes.

Une économie moribonde

Mais une année après le renversement du régime de Moubarak – qui a permis à la famille de cet ancien président d’amasser une fortune, selon diverses sources, évaluée entre 40 et 70 milliards de dollars américains - la situation économique dans le pays est fort inquiétante, qui ne rassure point sur une placidité sociale le temps du renouvellement présidentiel. Le Conseil militaire et le gouvernement provisoire sont nommément remis en cause et les populations dans l’ensemble estiment que ces fractions actuelles au pouvoir ne vaquent-ils pas comme il avait été entendu au lendemain du départ de l’ancien dictateur. Les révoltés les suspectent de ne pas vraiment œuvrer concrètement pour une authentique libération de la nation, politiquement et socio économiquement.

Pratiquement la moitié de la population vit en deçà de deux dollars par jour pendant que les schémas d’opulence propres à certaines classes ne manquent pas de réveiller au yeux des plus démunis la rancœur à l’égard de l’ancien régime, dans les premiers mois de l’année passée crus désormais révolus. Le flux touristique y a chuté d’une manière vertigineuse ; les estimations font des constats variant entre 30 et 50 % de fléchissement. Les agences de voyages sérieuses avertissent les touristes de privilégier les déplacements vers les plus célèbres sites par la voie aérienne compte tenu d’une fracassante émergence de la délinquance partout sur les circuits routiers et dans les voies de communication urbaine. Des braquages à main armée, des larcins de tout genre, des enlèvements crapuleux même, sont aujourd’hui monnaie courante dans le pays d’Akhenaton.

La paupérisation tend la main à la délinquance

Le chômage, à fleur de peau, s’accroît dans toutes les franges populaires et les réserves de la Banque centrale s’affaissent dangereusement ; des 36 milliards de dollars comptabilisés par les nouveaux dirigeants en début de l’année écoulée il n’en reste que 16 milliards au moyens desquels il est fort douteux que l’Administration égyptienne actuelle puisse continuer à subventionner les produits de bases et les énergies domestiques, en gaz de chauffage et en carburants pour l’exemple. Le chawarma, le falafel ou le babaghanouch, le casse-croûte habituel petite bourse, selon des témoins, est actuellement une denrée luxueuse. En tout cas, le pouvoir de l’Egypte post-Moubarak a besoin en urgence d’une aide financière d’extrême urgence afin d’éviter retentissante explosion sociale irréversible.

Le wahhabisme prodigue contre la Confrérie musulmane du doute

De toutes les promesses annoncées à l’appel du chef du gouvernement, Kamel el Ganzouri pour l’aide internationale, seul la somme d’un milliard et demi de dollars de l’Arabie saoudite et du Qatar est rentrée dans les caisses du Trésor égyptien. Les autres Etats pétroliers du Golfe font la sourde oreille tandis que l’Europe après les renflouements sur la catastrophe grecque, évite de regarder pour l’heure au-delà de la crise de sa monnaie. De même que l’aide demandée ouvertement par Ganzouri au groupe du G8 est appréhendée par la communauté nantie forcément dans le registre du soupçon tant que il reste du flou dans la composante globale légitime du régime. Une bonne partie dans le G8 estime raisonnable de reporter les discussions une fois le futur président égyptien connu.

Quand il s’ajoute encore à cela, en dernière instance, une crise entre le Caire et Washington à propos de poursuite par les autorités égyptiennes de 19 Américains accusés de financement frauduleux au profit d’associations locales. Un groupe de sénateurs avertissent les autorités du Caire d’un possible gèle de l’aide annuelle accordée à l’armée de Mohamed Hussein Tantaoui. En accusant dans la foulée le gouvernement de Ganzouri, installé par l’armée, de contenir dans ses rangs des ennemis cherchant noise aux Etats-Unis, le grand allié.

C’est ainsi qu’en quelque sorte l’Egypte se retrouve, en l’espace d’une année, exsangue et pratiquement isolée du reste du monde arabe où son auréole d’antan semble se déplacer vers Riyad et Doha qui se permettent désormais de parler au nom du Caire dans les consortiums stratégiques du monde. Pour son salut dans le discours du wahhabite qui ne veut plus se laisser se supplanter par le langage des Frères musulmans.

Nadir Bacha

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