Libération du maire de Zéralda ou la logique de la corruption en Algérie

Mouhib Khatir, le maire de Zéralda, a été victime d'une mafia au bras long.
Mouhib Khatir, le maire de Zéralda, a été victime d'une mafia au bras long.

Le 6 juillet 2011 au soir, après une réunion marathon avec le wali délégué d’Alger, Mouhib Khatir, le jeune maire de la commune de Zeralda, rentrait paisiblement chez lui en empruntant le chemin du complexe touristique de la commune mitoyen de son domicile.

Kidnappé sur simple coup de fil

Pendant qu’il conversait au téléphone avec la garde de la résidence présidentielle au sujet d’une intoxication alimentaire du régiment, des policiers en civil s’avancent vers lui arrachent le portable, le désarment, le mettent à terre et le kidnappent à travers l’autoroute au vu et au su des barrages de la police et de la gendarmerie. Sa famille apprendra tard dans la soirée qu’il a été enlevé par la brigade antiterroriste de la circonscription de Chateauneuf où il s’y trouvait et sur instruction venue d’en haut et par téléphone. Il y passe la nuit pour être présenté le lendemain matin devant le juge d’instruction près le tribunal de Hadjout qui l’inculpe d’escroquerie, d’abus de sa fonction de maire, de diffamation et d’insulte et d’abus d’autorité envers un cafetier du village. Pour escroquerie et abus de fonction, cette juge décide de le maintenir en détention préventive et donc l’envoie le jour même en prison. Il y passe 185 jours durant laquelle cette juge enquêtait sur des dossiers vides. Il est libéré en audience publique après avoir été traîné lui et toute sa famille dans la boue comme si rien ne s’était passé.

Boudiaf tué pour avoir renvoyé un général !

Mais ceci a permis au public présent de suivre en direct plusieurs faits qui corroborent le montage des affaires dans notre pays. Une chaîne de télévision privée a fait passer récemment une vidéo d’un jeune chômeur de Ouargla accusé à tort d’un crime qu’il dit ne pas commettre, arrêté, torturé, puis jeté devant son domicile avec une jambe cassé. Lorsqu’il a repris ses esprits, il s’est rendu auprès du procureur général de cette ville pour se plaindre contre ceux qu’ils l’ont injustement malmené. Ce magistrat qu’il a religieusement écouté lui conseilla ceci : "Mon fils, prend cette tragédie pour un rêve, imagine que tu as rêvé et tente de tout oublier car ni toi ni moi ne pourront faire quelque chose contre eux…." Le 29 juin 1992, Mohamed Boudiaf a été mitraillé. Sa mort a été filmée en direct avec toute son atrocité parce qu’il avait dit non à la corruption et osé renvoyer un général de son bureau… Et on pourra ainsi continuer à donner de nombreux exemples édifiants qui montrent que la corruption en Algérie a pris une tournure dangereuse qui menace la nation dans son existence.

Noyautage et encanaillement

Il faut souligner à juste titre que ce fléau social est passé du stade de phénomène de société à une institution qui fonctionne selon sa propre logique, ses impitoyables lois et établit ses propres règles. Ce maillage se tisse progressivement et à travers le temps en deux stades : le noyautage puis l’encanaillement. Le recrutement familial la politique de copinage et le népotisme favorisent le premier pour permettre une solidarité dans les deux sens. Cette solidarité tisse les liens et sécrète l’opacité nécessaire à la vie du système. Ensuite vient la phase de l’encanaillement durant laquelle chacun des agents du système contribue à l’extension du réseau par des opérations donnant/donnant de manière qu’à chaque fois qu’on touche à un élément de la roue c’est toute la roue qui vous tombe sur la tête. C’est en fait un ordre établi où chacun trouve son compte. Mais tout cela se fait avec les instruments de l’Etat et au détriment de l’intérêt général. Plus le temps passe, plus ce phénomène prend de l’ampleur pour accaparer tous les pouvoirs.

Ouvrir des brèches...

La corruption règne mais ne gouverne pas en Algérie. Ceux qui gèrent ne sont que des lampistes encanaillés. Cette omerta cultive l’opacité et renforce le monopole et le pouvoir qui sont des éléments positifs dans l’équation de l’économiste Robert Klitgaard. Ceci a fait dire à un chercheur : "L'information, la transparence, le contrôle, la réforme, la participation populaire, et la citoyenneté sont les maîtres mots d'une avancée nécessaire qui se déclinerait en libertés à conquérir, en responsabilités à prendre, en ouvertures du pouvoir à d'autres secteurs de la société. Il faudrait pratiquer des brèches dans le mur bétonné du silence, redéfinir la loi pour ramener les institutions près du peuple, casser les monopoles politiques, militaires et économiques pour donner à cette société la possibilité de se battre pour elle-même et de devenir une société de citoyens et enfin, déstructurer les réseaux de la corruption, mais la justice est complètement inféodée au pouvoir. Elle a perdu toute crédibilité aux yeux de l'opinion publique." L’avocat et fondateur de la première Ligue algérienne des droits de l'homme, considère que "le fonctionnement de l'appareil judiciaire est inséparable de celui d'un système qui ne manifeste aucune hâte à se débarrasser des réflexes du passé, ni d'un héritage textuel dont il fait l'usage que l'on sait".

Il constate aussi, dans le même article, que "l'indépendance de la justice, entreprise depuis 1989 n'est pas à l'ordre du jour. Il en sera ainsi tant que le processus de démocratisation ne connaîtra pas une avancée significative". L'état des lieux en 2012 confirme que non seulement il n'y a pas eu de changement, que les faits confirment l'analyse de cet avocat, mais qu'au contraire, la situation s'est même aggravée depuis. La justice ne continue-t-elle pas à être utilisée pour tenter de caporaliser la liberté d'expression, réduire à néant le pluralisme syndical, maîtriser la fronde interne des magistrats, porter le coup de grâce au secteur public économique, violer le droit des citoyens, piloter une campagne officielle anticorruption qui épargnait les véritables milieux mafieux et piétiner les droits de l'homme ?

Aucune avancée démocratique ne reste possible tant que le système fonctionnera suivant cette logique de l’omerta où chacun détient un dossier sur son compère.

Rabah Reghis, consultant

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Commentaires (4) | Réagir ?

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fish Mouhoubi

Malheureusement le mot abus restera même après des siècles peut-être bientôt la fin des abus des généraux et du pouvoir pouris. dit vous que le pir est a venir les prochaines presidentielle ca sera les barbu les ennemis de l`islam qui sont plus dangereux que ceux qui nous on rendus la vie amère. C`est vraiment pour nos enfants qui grandiront dans un aussi beau pays entre les mains des Afghans.

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oziris dzeus

Abus d’autorité envers un cafetier du village. Abus d'autorité envers un cafetier... . Abus d'autorité envers... . Abus d'autorité... . Mais c'est le lot quotidien des Algériens depuis 50 ans. Abus.

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