Liberté de la presse : l’Algérie classée derrière le Zimbabwe de Mugabe

Nacer Mehal, ministre de la Communication, promet plus qu'il ne réalise.
Nacer Mehal, ministre de la Communication, promet plus qu'il ne réalise.

Le dernier rapport de Reporters sans frontières classe l’Algérie à la 122e place, juste après le régime brutal de robert Mugabe et avant le très autoritaire Emomalii Rahmon du Tajikistan. Bien loin du Niger et du Mali voisins.

Nous connaissions l’état de la liberté de la presse avant ce rapport de RSF. On savait combien la presse publique est totalement inféodée au pouvoir. Lequel a réduit les journalistes à une simple courroie de transmission sans esprit critique, encore moins de liberté. Alors tous les discours lénifiants et laudateurs de Nacer Mehal ne cacheront pas la triste réalité. Le secteur est toujours muselé. RSF n’a pas fait de commentaires sur le classement de notre pays. Mais les données sont là.

Certes, l’Algérie a gagné dix places par rapport à son précédent classement. Mais il demeure qu’on est encore loin de la place qu’on devrait avoir. Quand on sait que des pays beaucoup moins bien lotis comme le Mali (25e), le Niger (29e) ou la Namibie (20e) assurent donc une meilleure liberté de la presse, il y a lieu de se remettre en cause avec humilité.

L’Anep, pourvoyeuse de la pub

Au risque d’aller à contre-courant des discours du ministre de l’information, il n’y a aucun signe annonciateur d’une pratique assainie du journalisme. La publicité, levier suprême du pouvoir, est toujours entre les mains de la puissante Anep, et elle est distribuée selon le degré de soumission à la présidence. Par le maintien d’une foultitude de titres sans consistance auquel l’Anep assure la manne publicitaire, le pouvoir cultive le floue et l’opacité. Nombre de ces journaux, sans viabilité économique, font travailler de jeunes journalistes sans protection sociale avec des salaires de misère. Une soixantaine de titres sont imprimés chaque matin dont l’écrasante majorité ne se maintient que par son soutien au régime.

Beaucoup de chemin reste à faire pour faire partie des "bons élèves de la liberté de la presse". Mais alors la réforme de l’information lancée en décembre par le pouvoir changera-t-elle quelque chose dans la pratique journaliste à l’avenir ? Rien n’est sûr. Quand on connaît les derniers déboires du quotidien El Watan, il y a lieu de se poser des questions. Le régime est toujours sur ses gardes, prêt à sévir dès qu’une menace se précise. Malgré les promesses distillées ici et là, les pratiques autoritaires et la propension à la censure sont de saison.

Les meilleurs et les mauvais élèves

Les pays nordiques demeurent toujours comme étant les meilleurs en terme de liberté de la presse. La Finlande, la Norvège, l’Estonie sont en tête d’affiche des pays où il fait bon d’être journaliste. En revanche, Reporters sans frontières a rétrogradé les pays où a eu lieu le printemps arabe où au demeurant la liberté de la presse n’a été qu’une illusion. A l’exemple de la Tunisie de Ben Ali. L’ONG juge la situation "très grave" au Rwanda (156e) et en Guinée équatoriale (161e) par exemple. "Le trio infernal" est composé de l’Érythrée, du Turkménistan et de la Corée du Nord, dictatures absolues où n’existe aucune liberté publique. "Répression’ a été le mot de l’année écoulée. Jamais la liberté d’information n’a été autant associée à la démocratie, jamais le travail de journaliste n’a autant gêné les ennemis des libertés. Jamais les actes de censure et les atteintes à l’intégrité physique des journalistes ne semblent avoir été si nombreux. L’équation est simple : l’absence ou la suppression de libertés publiques entraînent mécaniquement celle de la presse. Les dictatures craignent et interdisent l’information, surtout quand elle peut les fragiliser", observe Reporters sans frontières.

En Afrique

Le premier État non-européen du classement vient d’Afrique et il fait partie des dix pays au monde les plus respectueux de la liberté de la presse. Il s’agit du Cap-Vert (9e), démocratie en bonne santé, modèle de bonne gouvernance, où l’alternance fait partie de la vie politique, ce qu’a encore prouvé l’élection présidentielle de l’été dernier. Les journalistes y sont pleinement libres et l’accès de toutes les forces politiques aux médias publics est garanti, écrit l’ONG. La Namibie (20e) occupe également une très bonne place, devant le Japon ou le Royaume-Uni par exemple. Le Botswana (42e), qui enregistre une progression de 20 places, et les Comores (45e), qui gagnent 25 places, se rapprochent du Mali (25e) et du Ghana (41e) – traditionnels moteurs du continent en matière de respect des journalistes.

Yacine K.

Pour plus d'information : http://fr.rsf.org/press-freedom-index-2011-2012,1043.html

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Commentaires (12) | Réagir ?

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djamel rami

A propos de la liberté de la presse je relève que votre journal n'a pipé mot au sujet du harcèlement que subit votre confrère El Watan qui pourtant n'a pas manqué de réagir en votre faveur lors de vos déboires avec ce même pouvoir.

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ali chemlal

Reporters sans frontières joue un rôle négatif dans la sélection des pays, où la liberté de la presse est respectée. Nous savons pertinemment qu'il reste beaucoup à notre presse pour jouir d'une liberté totale, en raison des pressions exercées par le pouvoir, mais RSF pour étre crédible doit faire le classement, d'abord parmi la presse arabe, ensuite africaine et enfin mondiale, car classer le Maroc ayant une presse plus libre que l’Algérie est un mensonge grossier, difficile avaler même pour les Marocains.

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