Le mouvement Agir pour le changement et la démocratie répond

Le mouvement Agir pour le changement et la démocratie répond

Suite à l’article paru dans notre journal en date du 17 janvier 2012, intitulé "Impasse à la crise politique et danger de recolonisation", nous avons reçu le présent éclairage. Lire aussi la charte du Mouvement.

Nous vous serons reconnaissant de publier le droit de réponse de notre collectif Agir pour le changement et la Démocratie en Algérie (ACDA) afin d’éclairer le lecteur sur les allégations de monsieur Youcef Benzatat, journaliste indépendant, et vous en remercions par avance.

Le collectif algérien en France ACDA (Agir pour le changement et la démocratie en Algérie), a organisé à Paris, vendredi 13 janvier 2012, une réunion pour présenter sa charte de fondation, ses objectifs, et les initiatives de rencontres-débats et séminaires qu'il compte prendre dès les semaines à venir.

Le quotidien El Watan en a fait un compte-rendu qui nous semble fidèle à l'esprit et au contenu des échanges qui s'y déroulèrent : voir article de Nadjia Bouzeghrane (Collectif ACDA (France). Adoption d’une charte d’action).

En revanche, celui publié sur votre site exige quelques mises au point : nous sommes sincèrement étonnés des présupposés qui y sont avancés, et constatons avec regret l’absence d’éthique journalistique dont il fait preuve. En effet, son auteur s’est présenté à notre réunion comme journaliste de votre site, or l’article qu’il propose est parsemé d’affirmations idéologiques, et non de faits précis. Nous pensons que le rôle d’un journaliste est de rendre compte d’un événement de façon objective et non de le calomnier ou de le juger.

Nous allons prendre la peine de répondre à ce "billet" d'humeur, qui est à mi-chemin entre le tract politique et une pseudo-analyse politique de notre réunion. Pour dérouler ses préjugés ou ses a-priori idéologiques, l'auteur plante le décor en faisant voir au lecteur ses propres représentations fantasmagoriques : "islamistes extra-light", "stade supérieur de"… Nous ne sommes le "stade suprême" de rien du tout. Nous sommes simplement des Algériennes et des Algériens engagés en faveur du changement démocratique. Nous assumons cette parole, car nous faisons partie d’une génération décomplexée qui ne pense pas en fonction des peurs générées par notre histoire et des agendas de puissances capitalistes – que celles-ci soient qatarie, émiratie, kowetie, ou occidentales. Nous sommes un collectif indépendant dans son organisation et son fonctionnement, libre de ses appréciations, autonome dans ses décisions.

L'auteur n'a manifestement prêté aucune écoute à la présentation de notre travail pour nous mettre d'accord autour d'une charte, de principes – un travail de neuf mois d'échanges, de débats, de précisions. D’où sort-il alors son accusation d’islamisme pour affubler notre démarche ? Nous vous mettons au défi de trouver, dans cette charte-texte fondateur de notre collectif, une quelconque référence à la religion. Nous sommes clairement pour l'organisation en sphères distinctes du politique et du religieux, du philosophique et du théologique. Nous militons pour la sécularisation de la vie politique et, en ce sens, nous croyons à l’universalité de ce concept – qui n'est pas une chasse gardée, contrairement à ce que laisse accroire l'auteur, qui semble ignorer les soulèvements en cours dans le monde arabe, pour l'Etat de droit et les libertés.

Au cinquième paragraphe de notre charte, il est mentionné : "Nous rejetons tout régime dictatorial, qu’il soit militaire ou théocratique". N'est-ce pas assez clair ? Les anathèmes dont l'auteur a décidé de accabler ne reposent sur aucun élément concret.

Oui, nous sommes nés dans la foulée des révolutions des peuples du monde arabe. Oui, nous avions des invités amis provenant de ces peuples en lutte, car nous sommes, justement, en phase avec l’histoire en marche et non avec les conteurs de petites histoires. Nous sommes nombreux dans le collectif ACDA à avoir milité pour les causes des autres peuples car nous sommes, à la fois, patriotes et internationalistes (dernier point de notre charte). Nous ne sommes pas une expression politique moribonde, nous sommes, au contraire, une expression politique pleine de vigueur et d’avenir. Nous avons tenu une réunion publique, annoncée dans la presse et non privée, ouverte à tous. Nous sommes fiers d’avoir rassemblé des Algériennes et des Algériens de tendances politiques et de sensibilités intellectuelles différentes. Cette réunion s’est passée dans un climat de fraternité, contrairement aux allégations de l'auteur

Que penser de l'inquiétude de l'auteur sur le retour des procédés de la colonisation quand il insiste sur d’éventuelles autorisations nécessaires à la tenue de cette réunion. Soyez-en rassurés : vous n’avez pas été entraîné dans l’illégalité en y assistant. Et aucun compte-rendu ne sera transmis à la Préfecture de police. A moins que vous ne vous en chargiez… Le statut de notre collectif évoluera peut-être dans l’avenir, mais il ne vous appartient pas d’en déterminer le bien-fondé.

Oui, nous sommes pour le changement du système en Algérie, car nous le pensons injuste et dangereux pour l’avenir de tous. Ce régime est coupable de dérives liberticides très graves, et vous le savez. Au moment où il fait voter de fausses réformes en accord avec les forces les plus rétrogrades et obscurantistes de notre société, il trouve en vous un défenseur de son illusoire "vitrine républicaine". Vous faites une confusion impardonnable entre le souci d'indépendance de notre peuple, le besoin de libertés de notre société, et l'Etat-pouvoir militarisé dans notre pays. Hélas, depuis l’indépendance, nous avons échoué à construire un Etat de droit au service du peuple, avec des structures pérennes et indépendantes du pouvoir politique. Cette confusion est le fait de la nature du régime. C’est l’une des conséquences directes des régimes dictatoriaux.

C’est pour cela que nous voulons une Constituante qui refonde la république par une mobilisation citoyenne. C’est pour cela que nous ne sommes pas seulement pour la démocratie comme fonction mécanique, mais aussi pour un Etat de droit qui garantit l’égalité entre les femmes et les hommes, la reconnaissance du tamazight, les libertés tant individuelles que collectives, dont la liberté de conscience.

Que voulions-nous dire par "parole éclatée" ? Nous avons traversé, nous les citoyens, une période de glaciation qui a duré plus de vingt ans ; nous avons été les otages de la violence de l’Etat et de la violence des groupes armés islamistes, intégristes. Nous sommes sortis de cette période avec des paroles atomisées, inaudibles. L’un des objectifs de notre collectif est de permettre les conditions d’une organisation de la parole pour fabriquer du sens et permettre la consolidation d’une opinion libre et plurielle en faveur du changement et la démocratie dans notre pays.

Nous voulons être un espace de réflexion, de soutien et de solidarité. Comme vous l’avez justement souligné, nous sommes indépendants de tout Etat et de tout parti. Notre collectif n’accepte que les adhésions individuelles.

Nous sommes de simples militants, convaincus, pacifistes et anti-impérialistes. Et vous ? De la politique du "soutien objectif" au pouvoir miltaire à la posture "anti-impérialiste", votre discours rend confus le débat public, au lieu de l'éclaircir. Il a broyé des milliers de militants, monté les uns contre les autres. Vous intervenez dans les engrenages de l’histoire comme de mauvais mécaniciens et vous détraquez tout ! Au fond, vous n’avez pas de projet politique et vous avez même fini par perdre votre seule justification : être témoin du temps qui passe. L’Algérie qui résiste et qui existe veut vivre sa citoyenneté pleine et entière, ici et maintenant ! Nous invitons les lecteurs à consulter notre charte.

Le bureau du collectif ACDA

Charte d'Agir pour le changement et la démocratie en Algérie

Notre pays connaît depuis des années une série de révoltes populaires, auxquelles le soulèvement parti de Sidi-Bouzid et ses suites ont donné un souffle nouveau. Ces révoltes sont l’expression de revendications légitimes d’un peuple en mal de justice et de liberté. Le plus souvent, elles n’ont trouvé comme réponse que la violence d’un régime qui n’offre d’autre perspective que le désespoir et l’exil. Le pouvoir a brisé toute tentative de résistance, et a depuis toujours entravé et sapé toute expression politique et structuration autonome, notamment par le conflit armé des années 1990 et des dispositifs d’exception.

Conscients de la gravité de la situation et du risque d’embrasement – encouragés autant par l’arbitraire et le mépris du régime que par les différentes révoltes des peuples du monde arabe –, nous, Algériennes et Algériens, résidant à l’étranger, nous sommes constitués en collectif Agir pour le changement et la démocratie en Algérie (ACDA) pour soutenir et accompagner toutes les luttes démocratiques non violentes pour la fin de la dictature et l’instauration d’un État de droit. Notre collectif se veut indépendant – de tout État, de tout parti politique et de tout autre mouvement –, libre de ses appréciations et autonome dans ses décisions.

Comme nombre de nos compatriotes, nous sommes révoltés par la situation dans laquelle se trouve notre pays aujourd’hui. En effet, nous disposons d’un État et d’une nationalité, mais nous ne sommes toujours pas citoyens dans notre propre pays. L’indépendance, acquise de haute lutte par le peuple algérien contre le régime colonial, a été complètement dévoyée par le régime de parti unique du FLN et de l’armée au pouvoir depuis 1962,et, plus largement, par un système de pouvoir rentier maffieux. Les idéaux de liberté, de souveraineté et de justice sociale, qui ont été le cri de ralliement des Algériennes et des Algériens, ont été trahis au lendemain de l’indépendance par ceux-là mêmes qui se prétendaient être l’avant-garde du peuple. Malgré ses richesses et ses ressources, malgré la formidable énergie de sa jeunesse, l’Algérie se retrouve dans une situation de faillite politique, sociale et morale.

Ces politiques successives menées par ce régime corrompu, nous ont conduits à toutes les violences politiques et sociales que les Algériens subissent depuis l’indépendance. Elles ont culminé avec la guerre faite aux civils dans les années 1990, causant des dizaines de milliers de morts et des milliers disparus : d’un côté, les divers groupes islamistes armés et, de l’autre, les services de sécurité et les groupes paramilitaires –. Les conséquences de cette guerre se font sentir encore aujourd’hui. La dictature, la prédation économique et le travestissement de l’Histoire ont fortement contribué à affaiblir la société et à la diviser. L’autisme de ce régime autoritaire est un grave danger pour le devenir de notre nation.

À l’absence de libertés fondamentales, à l’impunité des auteurs des violations massives des droits humains commises durant les années 1990 et en 2001 (soulèvement citoyen en Kabylie), au mépris du peuple par le régime, et à la négation de son pluralisme, s’ajoutent des résultats économiques et une situation sociale désastreux. L’écart entre pauvres et riches ne cesse de grandir et le mécontentement n’épargne plus aucune partie de la société ni aucune région du pays. L’Algérie s’est libérée de sa dette, disposant d’une réserve de change de plus de 180 milliards de dollars – ce qui n’empêche pas que, dans ce système rentier, près de la moitié de la population de moins de 30 ans soit au chômage. La corruption, encouragée par le régime – qui en est le principal bénéficiaire –, se répand et mine la société. Les démunis s’en tirent par les petits boulots, les petits trafics, le trabendo…

En tant que citoyens, nous rejetons les conceptions selon lesquelles nous ne serions pas mûrs pour la démocratie, tout comme nous rejetons tout régime dictatorial, qu’il soit militaire ou théocratique. Cette crise persistante nous oblige à assumer notre part de responsabilité aux côtés de toutes celles et tous ceux qui luttent au quotidien afin de permettre à notre pays de sortir du système archaïque et liberticide.

Dans cette perspective, notre collectif, l’ACDA, se veut un espace de réflexion, de débat et d’action dans une démarche pacifique. Nous nous assignons les objectifs, et nous nous engageons à lutter pour les principes, suivants :

Lutter pour la fin du système politique actuel ; pour une alternative civile excluant toute ingérence de l’armée, dont la mission sera limitée à la défense du territoire national ; dissolution de toute police politique, y compris le DRS, et mise de toute structure de renseignement, militaire ou civile, sous le contrôle d'instances démocratiquement élues ; construire une démocratie fondée sur un Etat de droit garantissant les droits humains et les libertés fondamentales tant individuelles que collectives, ainsi que la justice sociale ; agir pour l'organisation du politique et du religieux en sphères distinctes; militer pour l'ouverture des médias publics à l'expression des différentes tendances politiques, culturelles et sociales ; ouverture du champ médiatique, en particulier audiovisuel; abrogation de toutes les lois et dispositifs répressifs et fin des pratiques coercitives en matière de libertés de la presse et d'expression politique, associative et syndicale.

Élection d’une Assemblée constituante – au terme d’une période de transition transparente menée par un gouvernement dont les membres n’auraient jamais fait partie du régime et durant laquelle les différentes tendances politiques, sociales et culturelles puissent s’exprimer et s’organiser –, qui aura pour mission la rédaction d’une Constitution consacrant un État de droit démocratique et social, dont les débats seront publics et qui soumettra le projet de la nouvelle Constitution au peuple par référendum.

Contribuer à l’essor d’une société juste et égalitaire, ouverte et plurielle, assumant sa diversité et la complexité de son histoire nationale. Œuvrer collectivement pour permettre à la jeunesse algérienne de prendre toute la place qui lui revient au sein de la société ; combattre les stéréotypes sur le rôle des femmes et des hommes au sein de la société et l'ensemble des rapports patriarcaux ; consacrer l’égalité de droit et de fait entre les femmes et les hommes et abroger les lois discriminatoires telles que le code de la famille et ses versions amendées.

Œuvrer pour un développement culturel assumant la diversité du pays ; militer pour rendre officiel le tamazight et pour établir l’égalité de droit des langues arabe et amazigh et l’affectation équitable de moyens pour rendre effective cette égalité ; se réapproprier les langues nationales arabe et amazigh, ayant comme soubassement les langues populaires parlées en Algérie. Œuvrer en faveur de l’établissement d’un enseignement public et gratuit sans dogmatisme, fondé sur des critères pédagogiques, ouvert sur le monde et développant l’esprit critique ; prise en charge de tout le patrimoine historique et culturel du pays, sans distinctions religieuse, linguistique ou culturelle. Agir en faveur de l’établissement de la vérité et de la justice sur les crimes et violations des droits humains, notamment ceux commis en octobre 1988, dans les années 1990 et en 2001, quels qu’en soient les auteurs ;

Abrogation de la Charte dite "pour la paix et la réconciliation nationale" et ses textes d'application ; agir pour une approche critique de l’histoire nationale, et pour la transmission des mémoires ; rompre avec le système rentier et prédateur, et œuvrer pour une économie créatrice d’emplois et productrice de richesses équitablement réparties, et pour l’essor de services publics de qualité. Œuvrer pour un contrôle effectif et transparent des politiques publiques et du budget de l’État par des institutions dotées de la légitimité démocratique.

Lutter contre la corruption sous toutes ses formes et à tous les niveaux, notamment en contribuant au lancement de procédures judiciaires, en Algérie et à l’étranger, pour récupérer les biens et avoirs publics détournés et les restituer au peuple algérien.

Défendre l’intérêt des générations futures, notamment dans la gestion de l’exploitation des ressources naturelles, cesser l’exploitation intensive des ressources et lutter pour des choix politiques en faveur de l’environnement et du développement durable; pour le respect effectif des droits et intérêts des Algériennes et Algériens établis à l’étranger et pour la reconnaissance de leur citoyenneté pleine et entière ; lutter contre les discriminations et les stigmatisations que subit la communauté algérienne résidant à l'étranger, et favorisées par le mépris du régime algérien envers ses ressortissants ; militer pour un Maghreb démocratique uni et fédéré ; jeter les passerelles entre les luttes du peuple algérien et les révolutions démocratiques amorcées en Afrique du Nord et au Moyen-Orient contre les autocraties locales.

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Commentaires (2) | Réagir ?

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karim haddad

Je pense que cette plate-forme reflète une sincerité profonde et j'y crois... Penser à éliminer le mot arabe et parler de langues populaires telles que le "maghrebin", tamazight et... le francais comme langue universelle de savoir!!!!!.. J'adhère pleinement à cette rage de déraciner la racaille arabo-islamiste cauchemardesque qui s'agriipe aux rênes du pouvoir envers et contre marées! Avant Bachar ou Kadhafi c'est Bouteflika en bon "baathiste "qui a commencé les assassinats publics.. en Kabylie!!! ils ont tous le sang dans les mains...

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ali benali

A la lecture de l'article de N. Bouzeghrane, des lecteurs se sont déjà posé la question au sujet du choix, décidé de concert, de taire les noms des principaux animateurs du collectif ACDA. La journaliste d'El Watan a préfèré donner les noms des conférenciers plutôt que de rendre publique la liste du collectif à l'origine de cette association. Hélas la transparence n'est pas à l'ordre du jour ni d'El Watan ni de l'ACDA. Et les Algériens ont en marre de se faire manipuler par les journaux et les politicards !