Fin du mandat des observateurs en Syrie : l'expectative

L'armée syrienne opère toujours contre les manifestants
L'armée syrienne opère toujours contre les manifestants

Malgré le retrait des forces syriennes de la ville de Zabadani, la mission en Syrie des observateurs de la Ligue arabe prend fin ce jeudi sans avoir permis de mettre un terme aux violences, ce qui provoque des divisions entre pays arabes sur les conséquences à en tirer.

Depuis l'arrivée de la mission arabe le 26 décembre, on estime que plus de 600 personnes ont payé de leur vie l'aggravation de la situation en Syrie, où les insurgés armés ont radicalisé leur lutte contre les forces du régime de Bachar Al Assad. Les observateurs étaient censés veiller au respect des dispositions de l'accord conclu entre la Ligue arabe et le pouvoir syrien, prévoyant notamment le retrait des troupes déployées dans les villes, la libération des prisonniers et l'ouverture d'un dialogue avec l'opposition.

Selon des récits d'habitants, les forces syriennes se sont retirées mercredi de la ville de Zabadani à la suite d'un accord de cessez-le-feu avec les insurgés qui tiennent cette localité proche de la frontière libanaise. Des dizaines de véhicules blindés qui encerclaient la ville se sont repliés sur des casernes distantes d'une petite dizaine de kilomètres. Mais Kamal al Labouani, un haut responsable de l'opposition syrienne, a prévenu jeudi que l'assaut des forces pro-Assad sur Zabadani pourrait "reprendre à tout moment".

454 civils abattus

Selon l'Observatoire syrien pour les droits de l'homme (OSDH), basé à Londres mais ayant de nombreux contacts dans un territoire syrien pour l'essentiel fermé à la presse, 18 civils ont été tués jeudi dans les violences à travers le pays et deux officiers de l'armée gouvernementale, un général et un lieutenant, ont péri dans une attaque rebelle à Hama. Au total, alors que les pays de la Ligue arabe se divisent sur la suite à donner à la mission d'observation, l'Observatoire syrien pour les droits de l'homme avance les nombres de 454 civils et 146 membres des forces de sécurité tués depuis l'arrivée des observateurs.

Ce bilan intègre 27 soldats tués alors qu'ils désertaient pour rallier les rangs insurgés. Il ne tient pas compte en revanche des 26 personnes tuées selon les autorités syriennes dans un attentat suicide à Damas le 6 janvier. D'après l'Observatoire, l'arrivée des observateurs a conduit dans la première semaine de leur mission à une "chute drastique" du nombre de victimes en Syrie. Par la suite, les bilans se sont alourdis. Et la plupart des victimes ont été tuées lors d'assauts menés par les forces de sécurité et non lors de manifestations anti-Assad.

L'association Avaaz avance, elle, le nombre de 746 civils tués au cours du mois écoulé. "Les observateurs de la Ligue arabe ont pu observer directement la brutalité d'Assad. Leur mission a été traitée par le mépris et a échoué sur toute la ligne", a déclaré le directeur d'Avaaz, Ricken Patel. Pour les opposants au régime syrien, le déploiement des observateurs arabes n'a fait que donner du temps à Assad.

"Vers une guerre civile"

Certains pays arabes considèrent eux aussi que la mission a échoué, à commencer par le Qatar, qui préside le comité de la Ligue sur la Syrie et a proposé l'envoi de soldats arabes. L'idée, rejetée par Damas qui la juge "stupéfiante", n'a été relayée par aucun autre des 22 Etats membres de la Ligue arabe. Les ministres arabes des Affaires étrangères se pencheront au cours du week-end au Caire sur la suite de la mission à partir du rapport des observateurs. Mais ils auront du mal à masquer leurs divisions tant le fossé qui sépare les Etats arabes du Golfe des autres pays de la Ligue arabe est profond.

Selon un haut responsable de la Ligue arabe, "la question (de l'envoi de troupes) n'est qu'une idée soulevée par le prince du Qatar". "Les questions importantes sont les suivantes: qui enverrait des troupes? Qui les armerait? Et la Ligue arabe accepterait-elle d'être à l'origine d'effusions de sang entre des Etats arabes?", ajoute-t-il.

Dans ces conditions, Laleh Khalifi, maître de conférences à l'Ecole des études orientales et africaines de Londres, estime qu'"il n'y aura probablement aucune décision cohérente sérieuse, non seulement à la Ligue arabe mais aussi au Conseil de sécurité de l'Onu". L'opposition de la Russie et de la Chine a empêché à ce jour l'adoption ne serait-ce que d'une simple déclaration du Conseil de sécurité condamnant la répression en Syrie. "Le sentiment dominant aujourd'hui, c'est que la Syrie se précipite tête la première vers une forme de guerre civile", ajoute Laleh Khalifi. Les capitales arabes, résume une source proche de la Ligue arabe au Caire, "sont dans un beau pétrin, elles arrivent à cours d'options".

Dans une interview accordée tard mercredi soir à Reuters, Mohamed Chakfa, qui dirige le mouvement syrien des Frères musulmans, dit pourtant espérer que la Ligue arabe saisira le Conseil de sécurité des Nations unies et demandera la mise en oeuvre d'une zone d'exclusion aérienne et de "zones protégées". "La communauté internationale, a-t-il dit, devrait adopter la bonne position : ils devraient isoler totalement ce régime, rappeler leurs ambassadeurs, expulser les ambassadeurs du régime."

Avec Reuters

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