Une affaire franco-syro-syrienne

La Syriens font face à une dictature nihiliste et particulièrement brutale.
La Syriens font face à une dictature nihiliste et particulièrement brutale.

Dans le Courrier des lecteurs d’une célèbre revue arabe au début des années 1980, on pouvait lire cette histoire franco-syrienne.

Avant de partir au boulot, un pauvre bougre d’origine syrienne vivant en France avait recommandé pour la énième fois à sa douce moitié de payer la note d’électricité dans les plus brefs délais. Quelques jours plus tard, surprise et panique, il reçoit un avertissement souligné en rouge : note non payée. Il somme sa femme de s’expliquer, heureusement, cette dernière avait un témoin infaillible : le reçu d’acquittement avec le tampon officiel. Illico presto, notre homme fonce vers les PTT plus terrorisé d’être expulsé que demander des explications sur cette énigme qui sent la malédiction d’un saint patron.

A cette époque, la France ne s’était pas encore colorée, plutôt blond lorgnant vers le bronzage touristique que le blanc-black-beur d’aujourd’hui. Arrivé devant le guichet, miracle, le rapport de force s’inverse. C’est l’autochtone qui tremble face au demandeur d’asile. Il appelle à son secours son chef de service. Ce dernier présente les excuses de l’esclave à son sultan. Sans oublier de jeter l’anathème sur ce fonctionnaire qui a entaché la réputation de la sacro sainte institution en commettant cette erreur impardonnable qu’il payera d’une sanction appropriée au "crime". Soulagé, abasourdi, notre bonhomme retourne chez lui convaincu d’avoir rencontrer les hommes verts de Mars. Le lendemain matin, il reçoit une lettre avec "cher monsieur, j’ai l’honneur de quémander votre indulgence pour une faute qui ne se renouvèlera plus jamais…Veuillez s’il vous plaît agréer nos salutations les plus respectueuses et nos sincères regrets pour ce fâcheux désagrément…". Signée par sidi le directeur de la poste en personne. Puis, c’est au tour du directeur général des PTT de se flageller en envoyant une lettre clonée à celle de son subordonnée et ainsi de suite jusqu’au ministre de l’époque.

Pour se débarrasser de cet "harcèlement", notre émigré retourna au guichet et présenta ses excuses pour avoir perturbé à ce point la noble institution pour quelque chose qui n’en valait pas la peine. Répondant à cette surprenante histoire franco-syrienne, un compatriote envoie à la même rubrique l’histoire syro-syrienne suivante. C’est la nuit, une paisible famille de Damas est en train de dîner. On imagine le père, la mère et les enfants autour d’une table basse sentant bon le couscous d’Orient, les épices des Indes et le beurre local. Quand brusquement le destin bascule : des coups violents retentissent à la porte. L’homme suspend sa cuillère en l’air et se lève comme un robot. Sa famille attend son retour, en vain. Quinze années passent et un beau jour la police s’aperçoit de son erreur. L’homme avait le même nom et prénom qu’un dangereux individu qu’on venait d’attraper. On libéra le malchanceux avec comme seule réparation cette menace : "Attention, si tu parles tu reviens dare-dare au trou !".

Pour expliquer les raisons de sa longue absence, le malheureux ne trouva pas mieux que d’inventer un voyage autour du monde. Personne ne fut dupe. Passer 15 années dans les chambres à torture des forces spéciales syriennes ou au Cub Med ne laissent pas les mêmes empreintes au physique et au mental. En voyant ces Syriens sortir dans la rue volontairement en sachant qu’ils pourront se retrouver en taule comme notre bonhomme ou pire au cimetière, je me suis remémorée cette histoire... On ne sort, si on s’en sort, jamais indemne d’une dictature.

Mimi Missiva

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