11 janvier 1992 : il était une fois Mohamed Boudiaf ...

Mohamed Boudiaf avec en arrière-plan, le général Nezzar à l'aéroport.
Mohamed Boudiaf avec en arrière-plan, le général Nezzar à l'aéroport.

Il y a deux décennies de cela, un président de la République algérienne arrête sec la mission pour laquelle il a été mandaté treize années auparavant pour la remplir.

Il démissionne dans le sens le plus étymologique du terme qui laisse entendre la plus large proportion de la faillite de soi devant un devoir à accomplir. D’autant qu’il portait encore la sage auréole du "soldat le plus âgé dans le grade le plus élevé", synonyme, s’il en est, d’une espèce de doyenneté dans l’univers soldatesque et martial.

Un Front islamiste se rapproche dangereusement du pouvoir par un raz-de-marée consultatif dans un premier tour de scrutin législatif dont la plupart des forces autour de la gouvernance officielle ne s’attendaient guère nonobstant l’air du temps de l’époque où les hauts parleurs des mosquées traitaient presque de noms d’oiseau les dirigeants civils et militaires et où les populations rebelles faisaient la prière sur les trottoirs et les chaussées presque serrées contre les véhicules des services de sécurité.

Le FLN qui cesse d’être le seul parti à se renouveler pour la reprise du pouvoir reçoit la première humiliation de son histoire, en tant que classé troisième derrière le parti de Hocine Aït Ahmed, sorti de la clandestinité.

Tandis qu’une sorte de triumvirat prend les choses rapidement en main dans un Conseil de sécurité nationale décidé en aparté : Larbi Belkheir, ministre de l’Intérieur, Khaled Nezzar, ministre de la Défense et Sid Ahmed Ghozali, chef du gouvernement – l’ordre de l’alignement indiquant les puissances de chacun quant au mot à dire dans l’Algérie de l’époque.

Toutes les assemblées sont de facto dissoutes, remplacées au plus pressé par un tout-venant volontariste, parfois à la desperados, dans les communes et dans le Parlement, pendant qu’au sommet, la République vacante, un Haut comité d’Etat est conçu avant d’être officiellement installé avec à sa tête une des plus grandes figures de proue de la guerre de libération, Mohamed Boudiaf depuis longtemps exilé au Maroc.

Il arrive dans le pays dans la mi-janvier croyant sur parole les décideurs qui ont été le voir à Kenitra quant à l’"urgence de sauver l’Algérie", ignorant quasiment tout sur les principes psychiques et matériels en vogue qui régentaient le destin de la nation.

Il ne pouvait pas savoir que depuis au moins une dizaine d’années, un certain Larbi Belkheir avait fini par tisser une toile suffisamment cynique et machiavélique dans la façon de diriger par la loi de la suspicion dans la valeurs des individus et des groupes et les relais du soupçon dans les fondements politiques et les actions économiques : Kasdi Merbah disait de lui : "L’homme qui te demande de veiller sur quelque chose et qui demande à quelqu’un d’autre de veiller sur ce que tu fais, youassik ouyiouassi âalik."

Jeté parmi les encombrants de l’électroménager audiovisuel, Sid Ahmed Ghozali est remplacé dare dare par son ancien maître des industries d’entraînements, Belaïd Abedeslam – encore un larron sorti de l’amnésie dirigeante, tel Ali Kafi, Tidjani Hadam et Ali Haroun, supposés alors assister le revenant d’exil politique pour "le sauvetage de l’Algérie." - histoire de demeurer devant Mohamed Boudiaf comme l’ombre rappelant Houari Boumediene, l’ennemi militaire de l’extérieur de jadis. Comme exprès pour le laisser réfléchir et agir, déjà dans un climat de cessation de paiement, sur un mental de psychologie personnelle qui ne peut pas ne faire ménage intermédiaire avec la violence, quand tous les discours sont muets.

Il a quitté l’Algérie où l’on n’avait pas le droit de dire quelque chose sauf si l’on porte des godasses ; il y est fait revenir dans les mêmes conditions presque trois décennies plus tard. Le Mahatma ressuscité aurait du mal à réinventer le principe de la non-violence pris dans cette horrible atmosphère où tout appelait à réagir par la force puisque l’ennemi était là tout désigné sans débats publics ni consultations entre groupes d’experts libres et indépendants.

Beaucoup d’anodins citoyens parce que simplement barbus ou "qamisé" ont été déportés, dont certains ont été torturés ou ont péri. Pendant que d’autres, radicalement islamistes et dangereux, ont pu se glisser dans les fameuses délégations exécutives communales dont la majorité relevait presque du mercenariat. Nombre de municipalités souffrent jusqu’à présent des agissements de ces pseudo-maires titulaires de casiers judiciaires qui réglaient les problèmes des investissements locaux presque à la o.k Corral.

C’est à peu près de cette manière que fut assassiné Tayeb el Watani, quelques mois plus tard, allant très loin de la capitale, essayer de dire quelque chose dans le langage d’un vrai président.

Nadir Bacha

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Commentaires (3) | Réagir ?

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algerie

merci

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algerie

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