Les patrons des services hospitaliers vent debout

Malgré les milliards injectés, le secteur hospitalier s'enfonce dans la crise
Malgré les milliards injectés, le secteur hospitalier s'enfonce dans la crise

Le syndicat des professeurs et docents décide d’une grève de trois jours pour protester contre la pénurie de médicaments et autres produits importants pour l’exercice hospitalier.

Il revendique pour cela une enquête auprès des autorités pour expliquer le pourquoi des paradoxes liés aux importations des produits pharmaceutiques dont le coût moyen de 2,5 milliards de dollars par an ne satisfait pourtant pas les besoins incompressibles des centres hospitalo-universitaires.

Mais le syndicat précise aussi que le débrayage ne concerne pas l’activité didactique qu’il dit continuer de remplir. Okay, ici, dans ces deux approches de la question revendicatrice, d’aucuns ne manqueraient pas de mettre chapeau bas devant ces merveilleuses marques de respectabilité dans l’art de la pratique médicale, en soins et en transmission de savoir, et de la compassion pour les pauvres bougres qui se font soigner dans les Chu.

Seulement cette noblesse affichée est, dans le même élan, quelque peu battue en brèche par une doléance concomitante qui parle monnaie sonnante et trébuchante, ça inclue dans le débrayage la revendication d’une prime. A peine la nouvelle annoncée, un ami, administrateur hospitalier, me touche un mot sur le sujet, à la va-vite dans une lourde intersection : "C'est une ruse de la subordination de vente digne des souks el fellah d'antan !"

Pour les générations qui n’ont pas vécu l’apocalypse de la rareté dans les espaces de gratification domestique pendant justement l’époque où se construisaient les centres hospitaliers et se formaient les professeurs et docents actuels, l’allusion de l’intendant rappelle cette espèce de malice découverte par les chargés de la distribution des produits de grande consommation qui permettait de fourguer l’incongru dans le panier de l’indispensable. Ça avait le droit, par exemple, de vous écouler une demi-douzaine de toupies en eucalyptus pour deux kilos de sucre, ou deux pièges à rat vietnamiens pour six livres de lentilles.

Oui, peut-être sur le coup de la blague, mais le problème est plus grave, si effectivement on met de côté qu’on laisse importer la gelée royale au détriment des drogues anesthésiantes, des anticoagulants ou autres nécessités d’urgence pour l’hémodialyse, les soins pour la douleur, etc, quand un professeur émérite commence une consultation un vendredi à six heures du matin dans une clinique privée afin d’étoffer son salaire dans laquelle un chirurgien gagne en une semaine la rémunération d’un homologue dépressif dans un centre hospitalo-universitaire.

Et lorsque aussi le même professeur n’est pas disponible pour n’importe qui dans les soins publics. Beaucoup de pauvres patients avancent qu’il travaille sur des rendez-vous pour les proches et les parents de Vip – ces derniers, au demeurant, disposent d’un bureau spécial dans le site de la Cnas en descendant de l’hôpital Mustapha pour aller vers Belouizdad qui s’occupe de leurs prises en charge à l’étranger, même dans un cas de voyage touristique, au Canada, par exemple, où une jeune citoyenne, il n’y a pas longtemps, s’est fait soigner gracieusement à Montréal pour avoir juste trébuché. De retour à Alger son "dossier" a été donné à traiter par monsieur Tayeb Louh en personne. Comme il prend en charge aussi, le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, les randonnées européennes de soins de maintes "personnalités", accompagnées de surcroît.

Le patron de service et la censure du guichetier

Il est pénible de ne pas comprendre nos profs et leurs adjoints qui ont assisté dernièrement à une razzia gratos vers les services des hôpitaux étrangers dévalorisant ainsi leur mérite et dur aussi de ne pas penser qu’ils ont bien droit d’en avoir sinon une partie du moins un droit de regard dessus.

Mais examinons une anecdote. Une dame se présente dans un bureau Cnas pour un contrôle médical à propos d’un congé de maladie à valider. Avant d’arriver auprès du médecin en question, un guichetier scrute le document signé par un professeur de chirurgie oculaire de renommé imparable mais l’en-tête de l’ordonnance porte le logo de la clinique El Azhar de Delly Brahim ; le préposé au triage fustige du regard la pauvre travailleuse et lui dit : "C'est dar khali Moh ! Je vais m'occuper de celui-là, tu peux me faire confiance, il encaisse quinze millions pour l'intervention et il renouvelle comme il veut les vacances !".

La dame, dans l’enseignement du secondaire, faisait une inflammation postopératoire sur des cataractes dans les deux yeux qu’elle baisse derrière des lunettes de protection bien plus bas que la lucarne.

Comment, par simple curiosité, cet employé de Tayeb Louh, sixième plus deux, va-t-il donc montrer au professeur Nouri ? En attendant le médecin de contrôle. Mais c’est déjà quoi, au juste, un médecin de contrôle en Algérie ? L’équivalent médical de l’Igf dans le monde de la finance publique ou l’Igs dans la flicaille ? A-t-il un rôle à jouer pour dire son mot dans les tribulations ouldabbasso-louhiennes du site de Belouizdad ou tout simplement celui de rabaisser le caquet aux damnés de la Cnas et des génériques et au second collège des médecins?

En tout cas, ce ne sont pas les pauvres débrayeurs dans notre crème sanitaire qui nous le diront même si l’on aligne leur salaire sur celui des députés qui leur sont pourtant plus fort en nombre mais surtout en réflexes de reptation pour agir dans le sens d’une enquête sur les filons criminels du médicament et du matériel médical quand n’importe quel truand aujourd’hui, juste capable de lien dans l’Administration, il peut en une pichenette vous ramener un bon vraquier de quincailleries pharmaceutiques à partir du Gange, de la Mer morte ou du Mato Grosso.

Nadir Bacha

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Commentaires (2) | Réagir ?

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Notproud

Pénurie de médicaments et autres produits importants ; il faudra envoyer tous le monde à Paris se faire soigner, la junte militaire au pouvoir semble avoir trouvé une solution au problème !

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mourad belgacem

Allez y voir aussi le gaspillage qui se fait au niveau des structures sanitaires par des médecins fraîchement sortis des universités algériennes. Pour satisfaire les accompagnants des malades (pas les malades) et pour aussi cacher leurs lacunes ils prescrivent a chaque malade qui se présente aux urgences une perfusion parfois sans aucune substance médicamenteuse. Un bilan radiologique et à la fin une prise de sang za3ma pour analyse et quand tu demandes pourquoi tous ça ils vous disent c'est (médico-légal) je vous assure que des millions de dinars partent comme ça en l'air chaque nuit et dans chaque hôpital je vous laisses faire le calcul. Alors messieurs les professeurs vous avez aussi une part dans ce problème.