2012: que des promesses

2012: que des promesses

Y a-t-il quelques raisons d'espérer des heures étincelantes, du moins rassurantes en ce début deux mille douze ?

À en croire les clameurs qui sourdent des cafés arabes et même des brasseries auvergnates de Paris, ceux qui ont coutume de croire aux miracles se fourrent le doigt dans l'œil. Chez nous, en Algérie, la pauvreté, et dans certains endroits reculés la famine, ont pris racine. Et ici, das ce pays qui renâcle à nous adopter, la récession frappe à la porte. La misère fleurit dans les banlieues et les campagnes, les restos du cœur craquellent sous les poussées des citoyens du quart-monde. Les indignés envahissent les places publiques de l'Europe tout entière. De l'autre côté de la Méditerranée, des dictateurs ont été chassés par la rue, ceux qui restent se tiennent le ventre tout en redoublant de férocité pour éviter, à leur tour, de choir.

Partout sur la planète, des millions de gens ont, à l'aube de la nouvelle année et en dépit d'une gueule en ébène, pris des résolutions supposées définitives. Les uns ont juré de ne plus picoler, d'autres de ne plus fumer, d'autres encore de fonder une famille ou de la briser, certains de changer de métier, de ville, de territoire… Tous, en tout cas, aspirants à une vie meilleure se sont jurés de changer. Combien, parmi ces foules de résolus, tiendront là où les promesses qu'ils se sont faites ? Qu'importe ! Le tout est dans l'intention. L'optimisme affiché, la détermination.

Qu'en est-il de ceux qui couchent dans le lit du mensonge, ceux qui, leurs vies entières, n'ont jamais tenu une promesse ? Les gouvernants d'ici et d'ailleurs qui passent leur temps, une carotte dans une main et un AK-47 dans l'autre et qui ont fait miroiter à longueur de décennie, des édens incertains et néanmoins mirifiques à leurs peuples.

En Algérie, on est passé par toutes les couleurs du spectre politique. On a sauté du rouge vif du communisme au noir profond du fascisme – lorsqu'on mitraillait la jeunesse dans les rues de nos villes – en passant par le rose pâle du socialisme spécifique sans jamais avoir goûté aux fruits promis. Ben Bella qui nous avait vendu, clefs en main, aux Egyptiens à qui il assurait que le pays leur suffirait comme il nous suffisait est, aujourd'hui, alité dans un hôpital parisien. Il n'a pas tenu ses promesses. Boumediène nous a menés droit dans un mur d'illusions. S'il avait survécu à sa suspecte mais non moins fatale maladie, son système se serait effondré avec la chute du mur de Berlin. Passons sur les plus propres ; Zeroual et Boudiaf auxquels on n'a pas laissé le temps d'esquisser de vraies promesses. Laissons de côté l'obscure et inutile Ali Kafi pour en venir à Chadli lui aussi recueilli par un établissement hospitalier parisien où il se soigne d'un cancer. Il nous avait fait beaucoup rire en nous promettant "une vie meilleure". Chacun connaît la qualité de la vie que nous avons mené depuis. Reste Bouteflika, visiteur régulier de l'hôpital de Val-de-Grâce dans la banlieue parisienne. Il a taillé en pièces le secteur public, embastillé les démocrates, les syndicalistes, les étudiants, les émeutiers affamés du profond pays … Il nous a fait mille et une promesses dont celle de remettre les Algériens au travail, de distribuer la rente pétrolière en apportant plus de justice sociale. Il a juré d'éradiquer la corruption et le terrorisme et surtout de faire des Algériens des génies en réformant en profondeur l'école, cet incurable cancer. Tel un coryphée déchaîné, il a invectivé les Algériens trois mandats durant pour finir par absoudre les hordes terroristes, par nous léguer une république de voyous et fonder une caste de rentiers, ex-bouchers de La Casbah, de l'Ouarsenis, du massif kabyle ou des plaines de la Mitidja.

En ce réveillon 2012, les gouvernants ont dormi tranquille, ils n'ont pas fait de mauvais rêves. Ils n'ont certainement pas pris plus de résolutions que l'année dernière.

Pour eux, la Terre continuera de tourner. À moins que la prédiction des mayas ne les mette à terre, sous terre, une bonne fois pour toutes, le 21 décembre prochain.

Meziane Ourad

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