Maroc : des réformes pour contenter le peuple

Mohamed VI entouré à gauche de son fils Moulay Hassan et à droite de son frère Moulay Rachid
Mohamed VI entouré à gauche de son fils Moulay Hassan et à droite de son frère Moulay Rachid

Lorsqu'il succède en 1999 à son père, Hassan II, le roi Mohammed VI, alors âgé de 36 ans, fait souffler sur le royaume du Maroc un vent de libéralisation.

Après plusieurs années de combat des organisations de défense des droits de l'homme et des associations de victimes et de leurs familles, il crée l'Instance équité et réconciliation, une première en Afrique du Nord, et ferme les sinistres lieux de détention, comme celui de Tazmamart.

Il réforme le code de la famille, la Moudawana, qui interdit la polygamie, et repousse l'âge légal du mariage pour les femmes à 18 ans. Il développe des régions délaissées par son père, notamment Tanger.

Mais, dix ans plus tard, le souffle est retombé. Les médias indépendants, écrasés par le système contrôlé de la publicité et par les coûteux procès à répétition, ont presque tous disparu.

Dans la foulée du "printemps arabe" né à Tunis, le régime marocain est interpellé par un mouvement composite alliant des islamistes et des jeunes laïques, le Mouvement du 20-Février, qui réclame dans la rue des réformes politiques profondes, la fin de la corruption et la limitation des pouvoirs du roi, à l'image de ceux du roi d'Espagne ou de la reine d'Angleterre. Vingt-troisième monarque alaouite à régner sur le Maroc - ce qui en fait la dynastie la plus ancienne du monde contemporain -, Mohammed VI, soutenu par les monarchies arabes et la France, a résisté en anticipant des réformes pour contenir le mécontentement social.

Il s'engage, dès le 9 mars, à réviser la Constitution, adoptée par référendum quatre mois plus tard, et organise des législatives anticipées. Ces élections ont, le 25 novembre, porté au pouvoir, pour la première fois dans l'histoire du royaume, les islamistes du Parti justice et développement (PJD), avec comme chef du gouvernement son secrétaire général, Abdelilah Benkirane.

Les militants du PJD, qui ont rompu avec les mouvements radicaux des années 1970, sont monarchistes et reconnaissent le roi comme le commandeur des croyants, à la différence des islamistes de Justice et bienfaisance, Al Adl WalIhsane, une confrérie bien implantée au Maroc. Née en 1973 sous la direction du cheikh Yacine, elle fait partie du Mouvement du 20-Février, qui avait appelé au boycottage du scrutin.

Les cartes ont donc été rebattues, la monarchie marocaine a été épargnée par un fort attachement populaire, et le Mouvement du 20-Février mis en difficulté. Tirant le bilan des élections, Justice et bienfaisance a d'ailleurs annoncé, le 19 décembre, qu'il suspendait sa participation au Mouvementdu 20-Février et souhaitait renégocier ses relations avec les jeunes laïques.

Toutefois, le makhzen, le système marocain de gouvernance lié au palais, reste au centre de vives critiques. De la capacité du PJD - placé dans l'obligation denouer des alliances avec d'autres partis, comme l'Istiqlal, le parti de l'indépendance - à cohabiter avec l'entourage du roi dépendra, pour une bonne part, la solidité du régime marocain en 2012 : il est confronté à des difficultés sociales et économiques grandissantes.

Isabelle Mandraud

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