Cancer de la prostate métastasé : de nouvelles armes trouvées

Professeur Karim Fizazi
Professeur Karim Fizazi

Le Pr Karim Fizazi (chef du département de médecine oncologique à l’Institut Gustave-Roussy de Villejuif Paris (France) explique l’action des nouvelles molécules anticancer, particulièrement prometteuses.

Quelle est la fréquence actuelle des cancers de la prostate ?

Pr Karim Fizazi. En France, on recense 70 000 nouveaux cas par an dont plus de 10 000 sont métastasés. Ces tumeurs apparaissent presque toujours après 50 ans.

Rappelez-nous les différents stades.

Il y en a trois. 1. Le stade localisé où la tumeur est restée à l’intérieur de la prostate. 2. Le stade où les cellules cancéreuses ont franchi les parois de la glande. 3. Le stade métastatique où ces cellules ont migré, le plus souvent vers les ganglions lymphatiques et les os.

En ce qui concerne les cancers avec métastases, quels progrès, ces dernières années, avaient déjà formellement amélioré le pronostic ?

Jusqu’en 2000, seule l’hormonothérapie était disponible et lorsque celle-ci était mise en échec, le pronostic était mauvais. Deux nouvelles molécules sont alors arrivées : une chimiothérapie (docétaxel), dirigée contre les cellules cancéreuses, et une autre (zolédronate) qui cible les os. Avec ces deux traitements, on était déjà parvenu à améliorer le pronostic. Les sept années qui ont suivi ont été plus mitigées. En revanche, les années 2010 et 2011 ont été vraiment exceptionnelles : toute une série de nouvelles approches ont montré leur efficacité pour améliorer l’état de ces patients atteints d’un cancer de la prostate métastasé.

Quelles sont ces dernières molécules ?

Sur les cinq qui se sont révélées efficaces, deux sont déjà utilisées dans les centres hospitaliers : l’abiraterone (une hormonothérapie) et le cabazitaxel (une chimiothérapie). Avec ces deux traitements, les progrès ont été considérables ! Les trois autres molécules sont en attente de commercialisation. La première, le denosumab, plus puissante que le zolédronate, empêche la destruction osseuse par la métastase et donc les complications (fractures, etc.). La deuxième, l’alpharadine, exerce une action particulièrement innovante : elle cible et irradie les cellules cancéreuses là où celles-ci sont allées se fixer, dans les os. La troisième, le sipuleucel-T (une immunothérapie), est commercialisée aux Etats-Unis. Ce traitement consiste à prélever des cellules immunitaires du patient pour leur apprendre, en laboratoire, à reconnaître et à tuer les cellules cancéreuses. Elles sont ensuite réinjectées au malade.

Vous venez de communiquer une nouvelle avancée avec un traitement particulièrement prometteur. Quelle est son action ?

Cette molécule d’hormonothérapie (MDV-3100) agit différemment des autres. Alors que les traitements classiques d’hormonothérapie sont destinés à empêcher la production de testostérone (hormone qui favorise et stimule la croissance des cellules cancéreuses), ce nouveau médicament bloque l’arrivée de l’hormone dans la cellule maligne en l’empêchant de se fixer sur ses récepteurs (porte d’entrée).

Quelle étude a démontré l’efficacité de ce nouveau traitement ?

Une étude internationale comparative a été conduite sur plus de mille patients atteints de ¬cancers métastasés résistant aux traitements conventionnels par hormonothérapie et chimiothérapie. Les malades ont été divisés en deux groupes : ceux qui recevaient le MDV3100 et ceux qui étaient traités de manière habituelle. Résultat : les sujets traités ont eu une amélioration de leur durée de vie de 37%. D’autres études sont actuellement en cours en Europe et aux Etats-Unis pour déterminer si ces six nouveaux traitements doivent être utilisés à des stades plus précoces pour encore mieux stopper l’évolution de la maladie.

Quand pourra-t-on utiliser en routine ce dernier médicament ?

Probablement d’ici à un an, sous réserve des habituelles autorisations officielles. Avec toutes ces bonnes nouvelles, on peut désormais envisager la prise en charge des cancers de la prostate métastasés comme celle de patients atteints d’une maladie chronique.

Sabine de la Brosse

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