Le berbérisme, une idéologie alternative à l’islamisme

Le berbérisme, une idéologie alternative à l’islamisme

L’accès au pouvoir des islamistes par les urnes en Afrique du Nord ramène le compteur historique de l’Algérie 20 ans en arrière.

Lorsqu’en décembre 1991, le Front islamique du salut (FIS) avait remporté le 1er tour des élections législatives, les chefs de l’Armée avaient paniqué et brutalement destitué le président et annulé les élections. Les dernières victoires successives dans les pays voisins montrent que ce phénomène islamiste n’est ni une surprise électorale, ni une création spontanée de laboratoire, mais plonge ses racines profondes dans une évolution historique des peuples de la région.

Après 20 ans et des milliers de morts, on mesure toute l’ampleur inutile du cataclysme sociopolitique, des pertes humaines et matérielles considérables. Les généraux algériens ont eu tragiquement tort de n’avoir pas saisi le sens de l’Histoire, ni écouté les politiciens et intellectuels avisés. Aujourd’hui encore, ils sont la source du mal en s’éternisant au pouvoir, étranglant les forces vives au point de les rendre inertes.

Les survivants de la répression culturelle, politique, judiciaire, policière et militaire, sont soit usés à l’extrême, soit transformés en statues de sel immobiles à jamais. Toute une génération de militants et d’intellectuels arrivés à maturité, 40 ans après l’indépendance, a été sacrifiée, gelée dans ses ambitions et tout ce qu’elle aurait pu apporter au pays et à la région. Cependant, alors que les militants islamistes ont résisté, se sont adaptés et occupent le terrain sociopolitique, les militants berbéristes sont entrés en hibernation, ou se fourvoyent dans une phraséologie démocrate, républicaine, arabophobe et islamophobe totalement inopérante dans une Algérie et une Afrique du Nord en quête d’identité multiple et authentique.

Le socialisme a échoué, le libéralisme occidental est rejeté, il ne reste pourtant que le berbérisme pour contrer le raz-de-marée islamiste. Peut-il se constituer en idéologie constructive et alternative ? Revisitons l’état des lieux d’un champ de batailles politiques en ruine avant les prochaines élections législatives en Algérie.

De l’islamisme insurrectionnel à l’islamisme institutionnel

Ironie de l’Histoire, c’est à l’Hôtel de Police de Genève que le général Khaled Nezzar, ministre de la Défense en 1991, a avoué son incompétence politique et celle de ses pairs. Présenté au Procureur fédéral par mandat d’amener le 20 octobre 2011, comparant en qualité de prévenu pour crimes de guerre, il a résumé son inanité dans le procès-verbal d’audition : "C’était très difficile de se référer à des normes strictes dans une situation catastrophique comme celle qu’on était en train de vivre. Je n’aurais jamais pensé que les Algériens pouvaient attaquer d’autres Algériens. Ce n’est pas une simple guerre civile. La conviction religieuse était à l’origine de tout ça, ces événements néfastes." (1)

Nezzar détaille dans ce PV comment les décisions inopportunes des généraux ont alimenté et accéléré le climat insurrectionnel. Sur la lancée de l’annulation des élections, l’armée a procédé à de nombreuses arrestations et interdit l’accès aux mosquées, provoquant une panique chez les islamistes qui n’avaient pas d’autres choix que fuir à l’étranger ou monter au maquis. Les attentats et les désertions se sont multipliés, mettant l’Etat et la République en grave danger de destruction. Une prise de conscience s’est déclarée un an plus tard lorsque Khaled Nezzar a été remplacé, le 10/07/1993 au poste de ministre de la Défense, par le général Liamine Zeroual, avec la mission de mettre fin à l’effusion de sang.

La visite qu’il a rendu aux dirigeants du FIS à la prison militaire de Blida sonnait comme une capitulation des chefs militaires. Les négociations avec le FIS ont duré plusieurs mois, mais ont échoué grâce à trois hommes.

Le premier, Ali Benhadj, d’origine tunisienne, adepte du salafisme, vice-président du FIS à la personnalité trouble et controversée, s’est opposé à la condamnation de la violence, en refusant de signer un appel à la paix que ses compagnons de cellule avaient accepté de parapher (2). Le second, Saïd Sadi, leader berbériste, président du parti berbéro-démocrate RCD, a convaincu le pouvoir d’armer des milices d’autodéfense, notamment en Kabylie, impliquant ainsi les civils dans la défense armée de la République.

Le troisième, Mahfoud Nahnah, adepte des Frères musulmans, président du parti Hamas, s’est posé en alternative aux islamistes radicaux et a offert au pouvoir une issue de secours honorable. (3)

Le dossier du FIS fut déclaré clos par Zeroual, qui a relancé le processus électoral et ouvert les portes du gouvernement aux islamistes de Hamas, aux berbéristes du RCD et d’autres partis. L’Algérie est passée par la fureur des armes, du sang et des larmes d’un islamisme insurrectionnel à un islamisme institutionnel dans un nouveau jeu démocratique biaisé mais prometteur. Mais les militaires n’ont pas tenu leurs promesses de démocratiser le régime et ont trahi les politiciens et intellectuels qui les ont aidés à sauvegarder la pérennité et les institutions de l’Etat. Liamine Zeroual a démissionné, Saïd Sadi a été marginalisé, Mahfoud Nahnah n’a pas été autorisé à se présenter à l’élection présidentielle de 1999 (il décéda en 2003).

La victoire contre l’islamisme radical a bizarrement profité au retour en force et à la mainmise du clan d’Oujda sur tous les rouages de l’Etat dès l’élection de Bouteflika… ce qui rappelle la même imposture qu’en 1962, après un accord de cessez-le-feu avec l’Armée islamique du salut, négocié en 1997 et paraphé … en 1999. Une nouvelle alliance islamo-nationaliste d’apparatchiks (FLN-RND-MSP) s’est installée dans une logique de corruption et de partage de la rente pétrolière.

Les Kabyles à l’avant-garde du berbérisme

En 2001, une nouvelle rébellion s’est déclenchée en Kabylie et réprimée dans le sang, offrant à l’idéologie berbériste une autre renaissance après le Printemps berbère d’avril 1980. Un Mouvement citoyen des Arouch est né dans la foulée du Printemps noir de 2001, renouant avec la forme traditionnelle d’assemblée villageoise en Kabylie. La plate-forme d’El-Kseur de juin 2001, expose plusieurs revendications berbères et démocratiques dont l’officialisation de la langue tamazight et la régionalisation de la gouvernance.

Mais les deux partis dominants en Kabylie (FFS et RCD), jaloux de leur leadership, ont refusé de suivre et soutenir le mouvement des Arouch, contribuant à le décrédibiliser et le marginaliser.

En octobre 2003, les Arouch éclatent en deux tendances. L’une dialoguiste est phagocytée par les services et corrompue par des privilèges et acquis personnels. Elle présente même une liste, lors des élections législatives de 2007, qui fut laminée et n’obtint aucun siège en Kabylie. L’autre tendance, refusant ce faux dialogue meurt dans l’oubli, entraînant toute la jeunesse kabyle dans la démobilisation et la résignation, clôturant provisoirement le dernier épisode du mouvement berbériste. Les militants berbères désertent le terrain politique pour plonger dans une rétrospective du nationalisme berbère. Des livres invitent à revisiter l’histoire de la Révolution déviée de ses racines berbères, et démasquer les impostures. (4)

Dans l’histoire contemporaine, on peut dater l’inspiration berbériste du mouvement nationaliste à 1926 lorsqu’un noyau de militants kabyles crée l’Étoile Nord-africaine (Hadj-Ali Abdelkader, Si Djilani Mohand Saïd, Radjef Belkacem, Imache Amar, etc.) et y joua les principaux rôles, bien que l’organisation soit dirigée par le Tlemcénien Messali Hadj.

Cependant, la lutte anticoloniale ne pouvant pas s’embarrasser de palabres idéologiques, une crise berbériste éclata en 1949 sous forme d’une polémique étymologique sur la finalité idéologique de la révolution entre arabo-islamisme et berbérisme. Messali Hadj et ses partisans du PPA/MTLD ont tranché le débat : "L’Algérie est un pays arabe. Elle doit se tourner vers les pays du Proche-Orient, devenir une composante de la nation arabe. L’Algérie est un pays musulman, il faut promouvoir la religion musulmane".

Des responsables kabyles déclaraient : "Oui aux revendications berbères, mais pas de façon prématurée. Il faut d’abord obtenir l’indépendance avant de poser le problème berbère". Des baroudeurs kabyles, comme Krim Belkacem, mirent fin par les armes à l’embryon de scission qui menaçait le mouvement national. Les berbéristes intransigeants furent écartés ou marginalisés, comme Hocine Aït-Ahmed (alias Madjid) qui perdit la direction de l’Organisation spéciale au profit du Marocain Ahmed Ben Bella. (5)

L’indépendance acquise, Aït-Ahmed tenta de reprendre le flambeau du combat berbériste, mais il fit l’erreur de le noyer dans l’idéologie socialiste qui fut aussi adoptée par le FLN de Ben Bella. Il créa en 1963 le Front des forces socialistes qui n’eut aucun impact populaire, et dut s’exiler après sa mystérieuse évasion de la prison d’El Harrach en 1966.

L’idéologie berbère s’exila avec lui lorsqu’en 1967, un groupe de Kabyles, dont Taos Amrouche et Mouloud Mammeri, lance à Paris l’Académie Berbère d’Echanges et de Recherches Culturels (ABERC). Elitiste, l’ABERC n’a pas d’impact. En 1969, l’Académie Berbère (AB) prend le relais, fondée par des militants activistes, dont Mohand-Aarav Bessaoud. L’AB a une vocation idéologique et veut réhabiliter la graphie tifinagh.

En Algérie, l’idéologie socialo-communiste parasita longuement l’idéologie berbère qui resta confinée au sein des universités et des milieux culturels, symbolisée par des personnalités comme Mouloud Mammeri ou Kateb Yacine. Les services de la police politique voyait d’un bon oeil l’activisme culturel berbériste comme contrepoids à l’islamisme des Frères Musulmans qui s’incrustait dans les universités.

C’est d’ailleurs un fait divers d’interdiction d’une conférence poétique que devait donner Mouloud Mammeri à Tizi Ouzou qui mit le feu aux poudres et déclencha le Printemps Berbère d’avril 1980. De cette tentative d’insurrection naîtra le Mouvement Culturel Berbère (MCB), qui se définit comme une structure informelle "d’Algériens qui ne se reconnaissent pas dans la définition officielle de l’identité nationale et dans le modèle de société autoritaire et centralisé".

Naissance du panberbérisme en Afrique du Nord

La terrible répression qui s’abattit contre les Kabyles arrêtés et jugés en masse, déclencha une prise de conscience berbériste transnationale en Afrique du Nord. (6) Les Berbères marocains se joignent aux Algériens dans les cafés, les universités, les réseaux culturels européens pour fonder ensemble une idéologie panberbériste pour contrer le panarabisme et le panislamisme.

Au fil des années, le cadre de discussion s’élargit aux Tunisiens, Libyens, Canariens et Touaregs pour aboutir, le 4 septembre 1995, à la création du Congrès mondial amazigh (CMA), qui regroupe une quarantaine d’associations berbéristes du monde entier. Revendiquant "la défense et la promotion de l’identité culturelle de la nation amazighe", le CMA fonde son discours sur le mythe de Tamazgha (Grande Berbérie) qui s’étendrait "d’est en ouest, des oasis de Siwa en Egypte aux îles Canaries, et du nord au sud, de la Méditerranée au Burkina Faso".

La pression berbère porte ses fruits et pousse les Etats maghrébins à céder face aux revendications berbéristes. Suite à un boycott scolaire en Kabylie, un Haut commissariat à l’Amazighité (HCA) est créé en Algérie en 1995. Le Maroc suit la tendance en créant en 2001 l’Institut royal de la culture amazigh marocain (IRCAM).

En mars 2000, un Manifeste Amazigh, élaboré par le militant marocain Mohamed Chafik, signé par 229 personnalités, affirme : "Les Berbères ne renonceront pas à leur berbérité et n’auront de cesse de revendiquer que l’amazighité du Maroc soit officiellement reconnue. Au cas où les panarabistes s’obstineraient à la renier, les Imazighens se trouveraient en droit de dénier à leur pays toute prétention à se vouloir arabe." (7)

Le Printemps arabe est contesté par les Berbères qui y voient aussi un nouveau Printemps berbère. Pour marquer la remobilisation des militants berbères, le CMA a tenu ses 6èmes Assises en octobre 2011, à Djerba pour ressouder ses rangs et intégrer de nouveaux membres tunisiens et libyens. Puis, le CMA s’est de nouveau réuni du 9 au 11 décembre à Bruxelles pour transformer sa dénomination et ses statuts en Assemblée mondiale amazighe. La nouvelle AMA veut promouvoir : "La renaissance de la civilisation amazighe et la libération des Amazighs des contraintes, de l’immobilisme, de l’obscurantisme et de l’emprise des régimes répressifs et totalitaires".

Cette insistance à vouloir enfermer la revendication panberbère dans une "ONG de salon extérieur" est une erreur d’appréciation de militants qui s’éloignent des réalités et difficultés politiques du terrain. La question essentielle est de savoir pourquoi l’idéologie berbériste n’a jamais pu contrer l’idéologie arabo-islamiste alors qu’elles se sont déclenchées en même temps dans la lutte anticoloniale, qu’elles ont cohabité dans les universités, et qu’elles ont souffert d’une même répression des régimes totalitaires.

La réponse a déjà été donnée dès 1985 par le militant berbériste Salem Chaker : "Globalement, les élites kabyles constituent, à l’heure actuelle, un frein à l’avancée de la revendication. C’est en s’appuyant sur elles que le pouvoir central a pu et peut encore contrôler la situation en Kabylie et mener ses opérations de mise au pas, de séduction et de manipulation. N’oublions pas que c’est dans ces milieux que le pouvoir recrute systématiquement ce que l’opinion populaire appelle les «Kabyles de service». C’est dans le peuplement kabyle de l’appareil d’Etat que le régime a puisé ses défenseurs et ses serviteurs les plus zélés et les plus efficaces… Que conclure, sinon que les élites kabyles ne constituent pas actuellement le terreau ni le moteur de la revendication berbère." (8) Cette sentence demeure d’actualité dans tous les pays d’Afrique du Nord.

Les islamistes utilisent abondamment les mosquées et le secteur éducatif pour transmettre et développer leur idéologie. Comme lors de la crise berbériste en 1949, ils monopolisent et dénaturent le nationalisme. Le secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem, a renouvelé le 16 décembre, à l’ouverture du Comité central (CC), sa négation de toute référence à l’identité berbère.

"La sacralité des constantes nationales est consensuelle à savoir l’islam religion d’État, l’arabe langue officielle, le régime républicain, l’unité nationale et territoriale et l’option démocratique… Je veille sur l’unité du parti, avec tous ses cadres et militants, comme une force unique pour concrétiser notre leadership lors des prochaines échéances électorales".

Rappelons qu’avant d’entrer en politique comme député à l’APN, Belkhadem fut directeur adjoint des relations internationales à la Présidence de la République (1972-1977), c’est-à-dire Officier de la Sécurité militaire. De leur côté les berbéristes restent enfermés dans des carcans partisans éloignés de leurs revendications idéologiques. Au dernier Conseil national extraordinaire du RCD, tenu également le 16 décembre, Saïd Sadi n’a fait aucune référence au combat idéologique identitaire, alors qu’il en était un des leaders.

Pour contrer la nouvelle donne d’hégémonie islamiste, les berbéristes doivent rapidement sortir de l’immobilisme, des discours "occidentalistes" et revenir à leurs fondamentaux, en s’engageant dans des vecteurs de communication efficaces entre les élites culturelles militantes et le peuple berbère.

Saâd Lounès

(1) Procès-Verbal d’audition de Khaled Nezzar

(2) Comment l’orphelin tunisien Ali "SNP" est-il devenu Ali Benhadj ?

(3) L’oeuvre inachevée de Mahfoud Nahnah

(4) Saïd Sadi, Amirouche : une vie, deux morts, un testament. Une histoire algérienne, éd. L’Harmattan, 2010

(5) Ben Bella, le tirailleur marocain infiltré au FLN

(6) Revendications berbères au Maghreb

(7) Le Manifeste berbère de Mohamed Chafik

(8) Les bases sociales du berbérisme, critique d’un mythe

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Commentaires (15) | Réagir ?

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Maf Messaoud

En réponses à votre billet sur ta pensée philosophique sur Le berbérisme, une idéologie alternative à l’islamisme, que je trouve intéressante en parti, avec des points dans votre analyse que je vous accorde, mais d’autres non.

Vous travaillez dans la même lignée que certains sbires du pouvoir central en place. Vous versez dans une polémique populiste sans but précis, une critique sans apporter une solution crédible. Oui le RCD a fait des erreurs, oui le RCD s’est trompé de société, oui le RCD a rejoint le gouvernement un moment donné mais, svp, soyez courageux de donner des solutions crédibles en tenant compte du contexte de l’état des lieux et des situations politiques de chaque époques.

Je n’aime pas parle trop avec des gens qui parlent et qui écrivent beaucoup, pour justifier ou pour assurer leur existence.

Je te résume quelques points que je ne partage pas avec vous et qui ont une portée significative sur le plan politique et sécuritaire en Algérie; vous confirmez un recul politique de nos intellectuels;

1. Les groupes d’autodéfense qui se sont crées et surtout en Kabylie, que vous traitez de melices, svp un peu de respect pour les hommes qui veulent sauver leur honneur, quant même, 1995, la situation était catastrophique, quant les monstres du FIS, venaient prendre des femmes et jeunes filles devant leurs pères et maris pour les violer à tour de rôle, et en 2012, tu condamnes des gens qui sont en légitime défenses, tu viens de quelle catégories intellectuels, pour faire un reproche a des villageois d’avoir défendu leur honneur, bien sur pour rappel, le grand coup dure que les terroriste ont subi et qui les a déstabiliser c’était les groupes d’autodéfense. Ces derniers a permis de couper toute logistique et assistance, les villagois se connaissent entre eux et entre villages, un étranger est vite démasqué et dénoncé, cette organisation a été très efficace, tu n’as qu’à faire une enquête sur les repentis, ils t’avoueront que ces honnêtes gens on leur a fait subir comme dérangement

Aujourd’hui avec ton ami Boutef et Ait-Ahmed, vous avez réussi à démonter les groupes d’autodéfense, les résultats tu les connais assez bien, en 1995 la Kabylie était la Suisse, en fin 2011, la Kabylie est le bastion d’Aqmi.

2. L’autre point des arrouchs, en 2001, a qui tu a donné un certain crédit, oui le Rcd a soutenu la plate forme d’elkseur au début des événements, oui nous avons cru à cette mobilisation, légitime, qui répond aux aspirations de chacun de nous, un vent de liberté, une révolte qui drainé 1 millions d’algériens un certain 14 juin 2001. Bien sur ton ami boutef a su déjoué cette mobilisation tu connais les détails, je t’invite à écouter les vidéos de Nordine Amirouche dans Youtub suite à la commission demandé par le RCD sur les événements de la Kabylie, avec des preuves que Nordine a apporté pour montrer aux Algériens que le pouvoir a été responsable des 126 martyrs.

Bien sur la suite des événements, tu la connais assez bien, un travaille populiste et meskin a été élaboré en premier par le RDS, soutenu par les recalés de la politique et les pseudos-journalistes, pour dire que le multipartisme porte atteintes aux valeurs des algériens. Tu oses mettre sur le même pied d’égalité le RCD avec les mouvances islamistes, je pense que tu as tiré fort sur le RCD.

Nous voulons une force de proposition, nous voulons des projets élaborés et bien réfléchis.

L’Algérien est devenu un grand parleur, et tout petit faiseur. Une critique doit-être soutenue par une solution basée sur un certain réalisme en l’associant à l’état des lieux.

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chakib ACHARI

Quand des intellectuels algériens (et il y en a) tiennent aujourd’hui un tel discours, il y a de quoi franchement être inquiet et, du coup, ne plus se faire d’illusions sur ce pays… Aurait-on imaginé, dans le contexte des années 90, le nombre de morts qu’aurait eu à déplorer l’Algérie, si le FIS avait pu accéder au pouvoir ? Certes, 200 000 morts c’est déjà énorme. Chaque mort est une mort de trop ! Mais quoi qu’on dise, il n’y a pas eu de guerre civile en Algérie. Il y a eu un mouvement terroriste auquel ont, durement et en payant le prix fort, fait face les services de sécurité, dont hélas c’était le rôle, pour sauver la république. Si les algériens ont indéniablement trop souffert de la décennie rouge (ils en souffrent encore), on peut dire qu’ils ont échappé de justesse à une véritable guerre civile, très certaine celle-là si les islamistes avaient alors pris le pouvoir.

Le décor du fascisme étant déjà planté, de paisibles algériens seraient, d’une manière ou d’une autre, et à un moment ou un autre, individuellement interpellés et amenés, à leur corps défendant, à prendre position.

Point n’est besoin d’aller dans les détails d’un scénario que chacun peut deviner en commençant d’abord par réaliser qu’on aurait eu affaire, au delà de Ali Benhadj et de Abassi Madani, à des milliers et des milliers de clones qui se mettraient, au nom de Dieu, à donner des injonctions autour d’eux, à n’importe qui et n’importe comment, sur n’importe quoi. Et dans ce registre là, on a bien eu quelques échantillons...

De pire en en pire, la société serait inévitablement amenée à se scinder en deux ou plusieurs blocs, pour naturellement se faire la guerre, équipés et aidés en cela par une armée qui en dépit des apparences, était assez divisée sur la problématique islamiste.

Nombre d’entre les Algériens seraient tentés par instinct de survie de prendre les armes pour ceux qui auront eu la chance d’en avoir, ou condamnés à périr par ricochet pour ceux qui auront choisi de se résigner. Au total, il faudra ajouter aux 200 000 morts des milliers et des milliers d’autres morts…

Il est paradoxal qu’il s’en trouve aujourd’hui des gens, intellectuels de surcroit, qui se surprennent à regretter qu’il y ait eu arrêt du processus électoral ou à le dénoncer carrément. On pourrait concéder à certains la velléité de voir l’Algérie aller jusqu’au bout de son erreur, dans la mesure où, dit-on, après le chaos c’est la renaissance. Mais à quel prix ? Et puis la renaissance aurait-elle été possible, dans un tel contexte, pour un pays qui pour moins que ça était déjà sous embargo, et possédant des richesses pétrolières conséquentes dont les puissances étrangères se seraient inévitablement accaparées au nom d’une ingérence humanitaire… à longue durée. Et c’est bien en cela, encore une fois, que l’Algérie n’est ni l’Egypte, ni la Tunisie ou la Lybie.

Bref, d’aucuns diront qu’aujourd’hui les Algériens ne sont pas mieux lotis, mais là n’est pas le débat : il s’agit en l’occurrence, de réhabiliter l’arrêt du processus électoral que certains « intellectuels » amnésiques continuent à dénoncer allègrement.

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