Des commandants ont ordonné de tirer aveuglément sur des manifestants syriens

La répression aveugle menée par l'armée n'entame pas la détermination des manifestants.
La répression aveugle menée par l'armée n'entame pas la détermination des manifestants.

L'ONG Human Rights Watch (HRW) a publié un rapport accablant, réalisé à partir d'entretiens avec des soldats ayant fait défection.

Pour les observateures qui suivent l'actualité syrienne l'information n'a rien d'étonnant à priori. Selon le rapport de Human Rights Watch (HRW) rendu public aujourd'hui, des commandants syriens ont ordonné d'ouvrir le feu aveuglément sur des manifestants sans armes. Ces déserteurs ont cité le nom de 74 officiers militaires et des renseignements qui "auraient ordonné, autorisé, ou toléré des opérations de grande ampleur de meurtres, de tortures et des arrestations illégales", a indiqué l'organisation de défense des droits de l'homme dans son communiqué. Les soldats ont eu pour ordre de mettre fin aux manifestations "par tous les moyens nécessaires", dont la force létale, a indiqué HRW, précisant que son rapport intitulé "Par tous les moyens nécessaires" a été réalisé à partir d'entretiens avec plus de 60 ex-soldats syriens.

Environ la moitié des déserteurs interrogés ont indiqué avoir reçu des ordres directs de tirer aussi bien sur les manifestants que sur les passants. "Les déserteurs nous ont donné les noms, les rangs, les fonctions de ceux qui ont donné les ordres de tirer et de tuer", a indiqué Anna Neistat, directrice associée de HRW pour les urgences, dans un communiqué. L'un de ces déserteurs a indiqué qu'il avait été envoyé à Deraa (sud) et que son commandant lui avait donné l'ordre de tirer sur des manifestants le 25 avril.

"Les déclarations des déserteurs ne laissent aucun doute sur le fait que les forces de sécurité syriennes ont commis des abus systématiques et à grande échelle, parmi lesquels des meurtres, des arrestations arbitraires et des actes de torture, dans le cadre d’une politique d’État prenant pour cible la population civile", a affirmé Human Rights Watch. Ces abus, selon l'ONG, constituent des crimes contre l’humanité

Bain de sang

Les témoins ont détaillé les opérations auxquelles ils avaient participé. "Le commandant de notre régiment, le brigadier général Ramadan Ramadan, disait : Ayez recours à des tirs nourris. Personne ne vous demandera d'explications. Normalement, nous devons économiser les balles, mais cette fois, il a dit : Utilisez autant de balles que vous voulez", a-t-il indiqué, selon le rapport. "Et quand quelqu'un demandait ce que nous étions censés viser, il disait tout ce qui se trouve en face de vous. Une quarantaine de manifestants avaient été tués ce jour-là", a raconté ce témoin.

Certes, comme pour justifier l'utilisation de l'armée, le président syrien Bachar Al-Assad accuse des rebelles armés d'être responsables du bain de sang, a indiqué HRW. L'organisation avait effectivement recensé des cas où des forces anti-régime avaient attaqué des soldats. D'ailleurs ces derniers jours, plusieurs informations indiquent des attaques menées par des dissidents contre l'armée régulière. Mais, selon HRW, la plupart des manifestations sur lesquelles l'organisation a pu avoir des informations étaient pacifiques. L'organisation a ajouté que les commandants militaires syriens responsables d'abus contre des manifestants devraient rendre des comptes. "Chacun des officiers identifiés dans ce rapport, jusqu'aux plus hauts niveaux du gouvernement syrien, devraient répondre de leurs crimes contre le peuple syrien", a indiqué Mme Neistat, pressant le Conseil de sécurité de l'ONU de saisir la Cour pénale internationale (CPI) de ces cas.

Le chiffre des victimes de la répression ont bondi de plusieurs centaines en une quinzaine de jours. La haute-commissaire aux Droits de l'homme de l'ONU, Navi Pillay, a ainsi donné mardi une estimation de plus de 5 000 personnes tuées depuis le début de la contestation en Syrie, le 15 mars. Par ailleurs plus de 10 000 personnes sont arrêtées et n'ont plus donné de nouvelles à leur famille. Navi Pillay a également pressé le Conseil de sécurité d'en saisir la Cour pénale internationale. La Syrie n'étant pas un État partie au statut de Rome, qui régit la CPI, la Cour n'a cependant pas compétence pour enquêter sur des allégations de crimes contre l'humanité commis en Syrie, une saisine par le Conseil de sécurité de l'ONU étant pour cela nécessaire, avait indiqué en août le procureur.

Yacine K.

Lire le dossier complet sur http://www.hrw.org/fr/node/103664

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